Économie Transition énergétique en Algérie

PRÉVALOIR L’OPTION DU SOLAIRE

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Mohamed TERKMANI (*) Publié 27 Mai 2021 à 09:21

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Par : Mohamed Terkmani
         Expert en énergie

Si c’est l’éolien qui s’avère le plus rentable, alors pourquoi ne pas couvrir le Sahara d’éoliennes exclusivement et oublier le solaire ? Si, en revanche, c’est le solaire qui s’avère le plus rentable, alors il faudra oublier l’éolien et se limiter au seul solaire PV. Comme le Sahara est le domaine de prédilection du solaire et non pas de l’éolien, c’est cette option qui devrait prévaloir. 


Le déclin de la production pétro-gazière que connaît l’Algérie depuis une douzaine d’années, ainsi qu’une explosion de la consommation locale de produits énergétiques grèvent gravement une rente qui n’en finit pas de rétrécir comme une peau de chagrin. Une telle situation, qui, tôt ou tard, pourrait se répercuter sur la sécurité énergétique du pays, a fait ressentir le besoin urgent d’y remédier au mieux, en ayant recours à toutes les énergies renouvelables (EnR) à portée de main. Il en est résulté, dès 2011, un projet à très grande échelle avec une puissance renouvelable prévue atteindre 22 000 mégawatts (MW) à l’horizon 2030. Le tout, généré par six filières différentes dont une seulement pourrait suffire. Ce programme, qui peine à décoller malgré son statut de priorité nationale, n’a cessé d’accumuler un retard impossible à rattraper. Des variantes en sont extraites périodiquement pour le réactiver, mais sans grand succès jusque-là. La dernière et la plus importante prévoit un projet réduit à 15 000 MW (au lieu de 22 000 MW) et prolongé jusqu’en 2035 (au lieu de 2030). La stagnation du projet est due, ainsi que nous l’avons souligné à maintes reprises dans le passé, au fait qu’il a été décidé trop prématurément. En effet, les technologies n’étaient pas encore au point à cette époque-là et leur rentabilité loin d’être assurée à cause du coût prohibitif des investissements. De plus, le manque d’expérience locale dans le domaine des EnR, entraînant des hésitations et des atermoiements dans les prises de décision, ne pouvait que freiner les avancements d’un programme incapable de suivre le rythme requis pour un déroulement normal des opérations. Comme à quelque chose malheur est bon, cette stagnation s’est paradoxalement avérée très bénéfique, car elle a évité au pays d’engloutir inutilement des sommes faramineuses dans des installations obsolètes et non rentables.

Le rôle discutable des filières du programme 
C’est là l’objet principal de cette contribution qui a trait à la multitude superflue de filières alourdissant le programme au lieu de le simplifier. Elles s’y ajoutent dans une sorte de mimétisme copiant la plupart des technologies EnR en usage dans le monde, même les moins compétitives. On y trouve le photovoltaïque (PV) avec 13 575 MW, l’éolien avec 5 010 MW, le solaire thermique CSP avec 2 000 MW, la biomasse avec 1 000 MW, la cogénération avec 400 MW et la géothermie avec 15 MW.  Or, ces filières ne sont que des voies différentes aboutissant au même résultat, en l’occurrence produire de l’électricité. Il suffira donc de sélectionner celle qui sera en mesure de fournir, à elle seule et à moindres frais, toutes les quantités d’électricité requises. En Algérie, c’est le solaire PV qui remplit ces deux conditions. Le recours à une seconde source d’énergie électrique ne sera justifié que si la source primaire sélectionnée ne suffit pas. Par exemple, s’il s’était avéré que la géothermie était la filiale la plus rentable mais, en revanche, incapable de générer des quantités suffisantes d’électricité, alors il aurait été nécessaire de lui ajouter, en deuxième position, la plus rentable des autres filières et ainsi de suite. De telles situations pourraient se produire à l’étranger. Mais cela ne peut être le cas en Algérie, où l’électricité solaire PV suffit, à elle seule, à se substituer quantitativement et à moindres frais à toutes les autres sources dont elle devrait donc se délester car plus coûteuses. Étant bien entendu que ces sources pourront toujours faire l’objet de recherche et d’expérimentation pour d’autres applications spécifiques.

Potentiel électrique de l’éolien
La question qui se pose est de savoir pourquoi l’éolien et le solaire PV, qui produisent la même électricité, figurent en même temps dans le programme, alors qu’un seul des deux, le plus compétitif, aurait suffi. Nous avons déjà répondu à cette question dans un article publié il y a quelques années en précisant que l’Algérie n’est pas un pays de grands vents. Les vitesses annuelles moyennes ne sont que d’environ 6 mètres/seconde au maximum et ne sont atteintes que dans deux ou trois secteurs limités du Sahara, comme celui d’Adrar, alors que pour la quasi-totalité du territoire national elles restent bien en-deçà.  À titre de comparaison, les vitesses moyennes annuelles peuvent atteindre les 11 m/s sur la côte Atlantique et dans le nord du Maroc (Atlas éolien). Sachant que le rendement électrique des éoliennes varie en fonction du cube de la vitesse, si nous comparons le rendement, entre autres, du parc éolien de Tarfaya, au Maroc (où les vitesses moyennes annuelles sont de 7,5 m/s), avec celui d’Adrar, en Algérie (où elles ne sont que de 6 m/s), nous pouvons déduire qu’à Tarfaya le rendement est environ 2 fois plus élevé qu’à Adrar. En d’autres termes, le coût du kWh éolien à Adrar devrait être, comparativement, environ 2 fois plus élevé que celui de Tarfaya, soit $0,061, au lieu de 0,0306. On en conclut que le kWh solaire PV, estimé, quant à lui, à environ $0,02 seulement, sera théoriquement bien plus compétitif que l’éolien en Algérie. 

En tout état de cause, il est possible de comparer les coûts par des mesures directes sur le terrain, puisqu’il existe un parc éolien de 10,1 MW à Kabertène (Adrar) et plusieurs parcs solaires PV répartis en divers endroits. Si c’est l’éolien qui s’avère le plus rentable, alors pourquoi ne pas couvrir le Sahara d’éoliennes exclusivement et oublier le solaire ? Si, en revanche, c’est le solaire qui s’avère le plus rentable, alors il faudra oublier l’éolien et se limiter au seul solaire PV. Comme le Sahara est le domaine de prédilection du solaire et non pas de l’éolien, c’est cette option qui devrait prévaloir. 

Potentiel électrique de la géothermie
L’électricité géothermique possède le gros avantage d’être produite en continu, 24h sur 24, contrairement au PV et à l’éolien qui fonctionnent par intermittence en fonction de la disponibilité du soleil ou du vent. Or, il faut savoir qu’un minimum d’environ 150°C est requis pour produire économiquement de l’électricité dans les turbines à vapeur. Ce minimum est largement dépassé dans des pays tels que les États-Unis (Californie), l’Italie, l’Islande, etc., ce qui est loin d’être le cas en Algérie. En effet, sur le nombre très élevé de sources thermales qui, dit-on, s’élève à 282 en Algérie, seules deux ou trois d’entre elles, comme par exemple Hammam Meskhoutine, arrivent difficilement à atteindre les 100°C. Les autres affichent des températures bien plus basses. Pour les températures inférieures à 150°C, il est nécessaire de recours à la technologie relativement récente du cycle binaire utilisant un fluide intermédiaire plus volatile que l’eau dans un échangeur de chaleur. En ce qui concerne les coûts du kWh géothermique, il varie d’un minimum de $0,069 à un maximum de $0,112 (Lazard 2019), avec une tendance à la hausse pour le cycle binaire. En outre, son potentiel de production est très limité avec 0,5% de la capacité mondiale des EnR (Irena 2019). Il ne pourra donc être compétitif ni en coût ni en quantité avec le solaire PV.

Potentiel électrique de la biomasse 
On peut définir la biomasse comme toutes les matières organiques capables de dégager de l’énergie par combustion directe ou à la suite de sa transformation en combustibles solides, liquides ou gazeux. Elle inclut notamment le bois, les biocarburants (à partir de certaines cultures) et la biométhanisation (à partir des déchets). Bien qu’elle représente la principale source d’énergie renouvelable en Europe avec environ 80% du total des EnR, elle est plutôt marginale en Algérie. En effet, en ce qui concerne le bois, le pays est pauvre en forêts, contrairement au  Brésil, à l’Afrique ou à l’Europe. La tendance est au reboisement et non pas au déboisement, d’autant plus que, outre la lutte contre la désertification, il contribue à réduire les émissions de CO2. Quant aux biocarburants, leur développement n’est pas prioritaire par rapport aux cultures vivrières qui, souvent, peinent à couvrir les besoins du pays. De toute façon, avec un potentiel de production insignifiant en Algérie et un coût estimé à $0,08/kWh en Europe (Irena 2019), ils reviendront plus chers que les hydrocarbures et encore bien plus chers que l’énergie solaire PV. 

Potentiel du solaire thermique CSP
Lors de l’actualisation de 2015, le CSP, qui était prépondérant auparavant, a été complètement supprimé car trop coûteux et trop complexe, au profit du PV. Cependant, contre toute attente, une capacité de 2 000 MW CSP a été maintenue dans le programme, mais pour 2020 seulement. La question qui se pose donc est de savoir pourquoi on a programmé pour cette seule année une technologie définitivement abandonnée pour toutes les autres. Curieuse anomalie ! Allait-il se produire, cette année-là, un événement exceptionnel ? Certainement pas ! La preuve est que nous sommes en 2021 et que pas le moindre solaire CSP n’a été installé en 2020 ni envisagé plus tard. S’agissait-il d’accroître inutilement le nombre de filières pour faire plus complet ? 

Potentiel électrique de la cogénération
La cogénération consiste essentiellement à récupérer la chaleur produite dans diverses installations électriques dont elle améliore l’efficacité énergétique. De ce fait, elle devrait être incluse dans le programme de l’efficacité énergétique et des économies d’énergie au lieu de l’être dans celui des énergies renouvelables. 

Conclusion
La conclusion sera courte, à la mesure de ce qui vient d’être préconisé pour le programme des EnR qui gagnerait à se limiter, en Algérie, au seul solaire PV et à se délester des autres filières qui l’alourdissent inutilement. D’ailleurs, de par la force des choses, le PV s’est, de fait, imposé de lui-même comme source privilégiée d’électricité verte, ainsi que le prouvent les dernières variantes du projet.

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