L’affaire de l’opposant russe Alexeï Navalny risque de compromettre l’avenir du gazoduc Nord Stream 2. La France a appelé, hier, l'Allemagne à abandonner le projet de gazoduc Nord Stream 2 avec la Russie en réaction au sort qui est réservé à l'opposant russe Alexeï Navalny dans son pays. “Nous avons toujours dit que nous avions les plus grands doutes sur ce projet dans ce contexte”, a déclaré le secrétaire d'État français aux Affaires européennes, Clément Beaune, sur radio France Inter. La France est-elle favorable à un abandon ? “On l'a déjà dit, en effet”, a-t-il répondu. Le Nord Stream 2 est un gazoduc, long de 1 250 kilomètres au total, qui permettrait d’acheminer le gaz russe vers le port allemand de Greifswald, son point d’arrivée.
Ce gazoduc devrait à terme doubler les flux de gaz russe à destination du marché européen ; lequel est déjà approvisionné au moyen de Nord Stream 1. Le Nord Stream 2 permettra d’acheminer un volume supplémentaire annuel de 55 milliards de mètres cubes. La tension d’ordre politique provoquée par l’affaire Alexeï Navalny vient s’ajouter à une série d’autres tensions opposant Bruxelles à Moscou. À Bruxelles, la Commission européenne juge que ce gazoduc place l'Europe en situation de dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, renforce l'influence de Moscou et affaiblit l’Ukraine. L’affaire de l’opposant russe Alexeï Navalny relance de plus belle les appréhensions européennes quant à ce projet, alors que Bruxelles cherche à s’affranchir de l’emprise russe sur ses approvisionnements en gaz naturel.
L’Europe importe 90% de son gaz ; la Russie étant son principal fournisseur accapare 40 à 50% des approvisionnements, suivie de la Norvège qui assure environ 20%.
Viennent ensuite le Qatar et l’Algérie quasiment à parts égales. Depuis peu, de nouveaux fournisseurs sont venus bousculer les partenaires traditionnels de l’Europe, à savoir l’Azerbaïdjan qui a annoncé en janvier le début de ses premières livraisons de gaz vers l’Europe, et les États-Unis qui, faut-il le souligner, ont réussi, début 2020, à détrôner l’Algérie sur le marché espagnol du gaz naturel.
La dernière note de conjoncture publiée par l’administration douanière fait état d’un recul net des exportations algériennes à destination de ses clients du Vieux Continent. Sur les onze premiers mois de 2020, les exportations de l’Algérie vers l’Italie ont reculé de 27,21%, alors que ses livraisons à destination de la France ont chuté de 35,70% et de 46,72% vers l’Espagne ; des pays réputés être les principaux débouchés au gaz algérien. Ce mouvement baissier n’est pas une surprise, puisque l’année 2019 a été marquée, elle aussi, par une baisse nette du volume global d’exportation, comparé aux quantités exportées en 2018.
Dans son bilan annuel pour l’année 2019, le ministère de l’Énergie a fait part d’une baisse de 14,9% des exportations d’hydrocarbures, en volume, à 61,7 millions de TEP (tonne équivalent pétrole). Les exportations de gaz naturel ont chuté de 30,7% en 2019. La baisse chronique des volumes exportés, amorcée depuis maintenant plusieurs années, semble profiter à d’autres fournisseurs, dont les États-Unis et l’Azerbaïdjan, qui veulent tirer profit de la volonté de l'Europe centrale et orientale de remplacer leurs centrales électriques à charbon par des centrales à gaz.
Ali Titouche