Il y a encore quelques années, elle aurait probablement donné lieu à de fastueuses célébrations dans un climat de joie et de félicité. Surtout pour un peuple qui a écrit l’une des plus belles pages révolutionnaires de l’Histoire de l’humanité. Comme cela se fait souvent sous d’autres latitudes, elle aurait été aussi une occasion de communion et de glorification d’un passé héroïque, comme seuls peuvent le faire des peuples épris de liberté.
Mais force est de constater que la célébration, cette année particulièrement, de la Fête de l’indépendance nationale, en dehors de quelques hommages symboliques, quelques discours et rituels, a laissé l’étrange sentiment d’avoir été éclipsée par un présent assez pesant. Rien ou presque n’a semblé avoir conféré, dans ce climat, une exceptionnalité à cette date symbole. On a même pu assister à des célébrations, parfois avec klaxons de voitures et feux d’artifice. Mais pour la réussite au… BEM ! Faut-il s’en offusquer ou s’en émouvoir ? Si l’heure n’a pas été à la fête, c’est parce qu’assurément, les Algériens, dans leur large majorité, n’ont pas la tête à la fête.
Près de soixante ans après l’indépendance, ils sont toujours en quête de réconciliation avec leur passé, de vivre leur présent dans la liberté avec des perspectives pour leur avenir. Malgré de nombreuses réalisations et exploits, les idéaux pour lesquels se sont sacrifiés leurs aînés, notamment les libertés et la justice sociale, sont toujours en attente d’accomplissement.
Empêtrée dans une profonde crise politique depuis l’insurrection citoyenne d’avril 2019, comme en témoigne le taux d’abstention record aux dernières législatives, signe indiscutable d’une crise de confiance abyssale plongée dans un marasme économique sur fond de chômage endémique, d’une paupérisation rampante, de répression et de verrouillage politico-médiatique, l’Algérie se décline aujourd’hui comme un vaste chantier où tout reste à construire ou à reconstruire, c’est selon.
Face à cette situation, la mission du nouveau gouvernement appelé à être mis en place s’annonce laborieuse, voire une gageure. Elle l’est d’autant que la propension chez les dirigeants à ignorer que la paralysie politique fait obstacle aux réformes économiques indispensables est manifeste.
“Vous êtes qualifié pour la tâche à venir car ce qui nous attend est lié aux affaires économiques et sociales, et donc financières”, a expliqué Tebboune au nouveau Premier ministre. Pourtant, les experts et les observateurs avisés sont unanimes : la réforme profonde dont l’Algérie a besoin pour transcender la complexité de la crise nécessite une ouverture en direction des Algériens pour leur permettre de participer à la construction. À défaut, les lendemains seront encore plus difficiles.