Magazine Face aux restrictions draconiennes imposées par les autorités pénitentiaires

Dans les prisons russes, les lettres de la résistance

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AFP Publié 30 Juillet 2021 à 17:40

L'opposant russe Konstantin Kotov triant des lettres qu'il a reçues en prison. © D.R
L'opposant russe Konstantin Kotov triant des lettres qu'il a reçues en prison. © D.R

Des dizaines de groupes de soutien en ligne s’organisent pour écrire aux prisonniers, quelle que soit leur appartenance politique. 

Dans la journée du prisonnier Konstantin Kotov, une heure précise lui permettait de résister au système carcéral russe : celle où, sous étroite surveillance, il avait le droit de lire et de répondre à son courrier. 
“C’était toujours un moment de joie”, se souvient cet opposant russe et militant des droits humains. “Un élément-clé pour survivre et garder au fond de moi cette liberté qu’ils essayaient de me prendre.” 

Pendant un an, Konstantin Kotov, 36 ans, a subi un “mur du silence” dans la colonie pénitentiaire de Pokrov, à une centaine de kilomètres de Moscou, où il était emprisonné pour avoir manifesté sans autorisation. Les autres détenus avaient ordre de ne pas lui parler. L’ennemi le plus célèbre du Kremlin, Alexeï Navalny, vit la même épreuve. Détenu à Pokrov depuis février, lui aussi a souligné l’importance des lettres qu’il reçoit, après leur contrôle systématique par l’administration de la prison. Dans un message publié début juillet par son équipe, Alexeï Navalny a imaginé la frustration de la fonctionnaire – “On m’a dit que c’est une femme”, écrit-il – chargée d’éplucher cette tonne de courrier. 
Cette “malheureuse” doit être ajoutée à la liste “des personnes voulant me tuer”, a ironisé l’opposant, victime en 2020 d’un grave empoisonnement qui l’a plongé dans le coma. 

“Vrai bonheur” 
Dans le système pénitentiaire russe, les appels téléphoniques et les visites sont souvent limités. Ces restrictions visent particulièrement les militants politiques, pour les isoler au maximum. Les lettres manuscrites restent alors l’un des rares moyens de communiquer, mais sont aussi une bouffée d’oxygène dans un univers implacable. 
Durant sa détention, Konstantin Kotov a reçu des centaines de messages d’inconnus et de proches. Tous passaient par la censure, d’où une grande lenteur dans l’arrivée du courrier, parfois plusieurs mois. 
“Les phrases négatives sur Poutine étaient souvent recouvertes au marqueur noir”, indique-t-il, ajoutant qu’il recevait des journaux dont les articles avaient été découpés. 
Pour limiter cet afflux, ses geôliers lui avaient proposé d’améliorer ses conditions s’il cessait de répondre au courrier : “J’ai refusé et subi ensuite une lourde pression.” 

Il ne pouvait lire et répondre à ses lettres qu’une heure par jour, entre d’interminables séances d’attente en rang et le visionnage obligatoire de “vidéos sur les lois russes”. Mais ces missives, venues du monde entier, l’aidaient. “Le vrai bonheur coûte cher, c’est injuste, mais c’est la vie. Nous espérons que tu le trouveras au plus vite”, indique un message envoyé par des amis. “Kostia, on t’embrasse. Rendez-vous en liberté.” 

Une protection pour les détenus  
Des dizaines de groupes de soutien en ligne s’organisent pour écrire aux prisonniers, quelle que soit leur appartenance politique. Ils publient leurs noms, l’adresse de leurs prisons et donnent des instructions pour éviter que les lettres soient rejetées ou leur fassent du tort. Le courrier protège en plus des violences physiques, souligne Olga Romanova, 55 ans, directrice de l’association Rous Sidiachtchaïa (Russie derrière les barreaux). “Plus un prisonnier politique reçoit de lettres, plus il est en sécurité”, assure-t-elle, car les gardiens craignent de “toucher” aux détenus bénéficiant d’une attention extérieure. Recevoir des lettres est donc aussi important que voir ses avocats ou sa famille. “Tout fonctionne ensemble”, note Olga Romanova. 

Depuis sa petite cuisine moscovite, Irina Vladimirova, 50 ans, évoque un “acte de révolte” en écrivant aux prisonniers. En six ans, elle a envoyé plus de 600 lettres. “Je fais ce que je peux, j’écris des lettres”, dit à l’AFP cette ancienne professeure qui craint d’aller manifester. Quand l’AFP la rencontre, elle rédige un message à un manifestant de 21 ans condamné en 2019 à six ans et demi de prison, Ian Sidorov, ainsi qu’à trois autres hommes dont un Ukrainien aussi lourdement condamnés. “Que votre étoile continue de briller”, écrit-elle. Pour obtenir une réponse, Irina Vladimirova remplit ses enveloppes de timbres et de papier car les détenus n’y ont pas accès. Elle correspond également avec l’historien Iouri Dmitriev, condamné à 13 ans de réclusion dans une affaire très controversée. “Lui me dit ‘Ne t’inquiète pas ma petite’”, s’amuse-t-elle. Son groupe de correspondants, “Des contes pour les prisonniers politiques”, écrit parfois des contes aux détenus. Un autre moyen de s’évader, explique Irina Vladimirova. “Car dans ces textes, le bien et l’amour triomphent toujours.”    Le service pénitentiaire russe n’a pas répondu aux demandes de commentaires de l’AFP. 

Romain COLAS/AFP

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