Magazine Une enfant mexicaine privée d’école pendant deux ans à cause de la covid-19

Elena, la nostalgie du temps des copains

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AFP Publié 25 Janvier 2022 à 08:53

Elena Delgado Cabañas, 9 ans, suit un cours virtuel depuis sa chambre dans le quartier Roma Sur de Mexico. © D.R
Elena Delgado Cabañas, 9 ans, suit un cours virtuel depuis sa chambre dans le quartier Roma Sur de Mexico. © D.R

À neuf ans, Elena a déjà la nostalgie du temps des copains, et des maîtresses aussi. Loin des salles de classe, la petite mexicaine accumule du retard scolaire après deux ans de pandémie, comme des millions d'enfants à travers le monde. “Jouer avec mes copines, m'asseoir avec elles, ça me manque beaucoup. La maîtresse me manque aussi beaucoup”, confesse Elenita comme l'appellent avec tendresse ses proches. La petite élève de primaire, qui vit avec ses parents entre Mexico et Cuernavaca au sud de la capitale, avait repris le chemin de son école privée après les vacances de fin d'année le 10 janvier. 

Sa joie a été de courte durée. L'éducation à distance est redevenue encore la norme pour quelques semaines face à la vague Omicron. “Je me fais plus de petites copines et de petits copains quand je vais à l'école en présentiel”, regrette Elena, d'une voix douce et articulée, rencontrée chez elle à Mexico. 
 
“Moi, à son âge...” 
Cette enfant d'une avocate et d'un agent commercial n'est pas des plus défavorisées, mais elle doit surmonter des retards scolaires, qui pourraient représenter un à trois ans de pertes accumulées d'apprentissage, d'après une étude intitulée “Les effets potentiels de la pandémie de Covid-19 sur l'apprentissage”. Mesuré au Mexique, ce retard est mondial. Au Brésil, les pertes d'apprentissage dans le secondaire serait d'un an, et de la moitiée d'une année en Belgique, d'après cette étude publiée au Mexique en septembre par le Centre d'études Espinosa Yglesias (CEEY), qui s'intéresse aux questions de mobilité sociale. 

“Plus de 100 millions d'enfants n'atteindront pas le niveau minimum de compétence en lecture en raison de la crise”, écrivait début 2021 l'Unesco, qui célèbre ce lundi 24 janvier la Journée mondiale de l'Éducation. “Quand je suis en virtuel, je prends du retard. Quand je reviens en présentiel, je m'arrête et je demande à la maîtresse: vous pouvez ré-écrire ce qui était au tableau ?”, constate Elenita. “Bien sûr qu'elle a du retard scolaire”, s'inquiète sa mère Elena Cabanas, 41 ans. “Moi, à neuf ans, je connaissais déjà par coeur les tables de multiplication”. Pas sa fille, qui a pris des cours de rattrapage en maths et en anglais. Face aux difficultés financières, ses parents l'avaient inscrite dans une école publique gratuite au début de la pandémie. 

“Elle n'a eu que cinq classes virtuelles et elle n'a rien appris”, se désole sa mère, qui a fini par l'inscrire à nouveau dans un établissement privé, et décidé de lui faire redoubler la deuxième année de primaire. Dans son malheur, Elenita a de la chance. Ses parents, qui ont fait des études supérieures, peuvent l'aider à rattraper son retard. Inversement, les parents moins formés auront du mal à “colmater les brèches” des retards scolaires de leurs enfants, souligne l'un des auteurs de l'enquête, Luis Monroy-Gómez-Franco. 

Abandon d'école
La fillette est aussi en meilleure position que les enfants qui ont complètement décroché. Au total 5,2 millions d'élèves et d'étudiants entre 3 et 29 ans ont abonné l'éducation de base et supérieure pendant l'année scolaire 2020-2021, à cause de la pandémie ou de difficultés économiques d'après l'Institut national de statistiques mexicain(INEGI). Le Mexique a été l'un des pays les plus touchés par la fermeture des écoles publiques (17 mois au total). Fin août 2021, 25 millions d'élèves de la maternelle au secondaire ont enfin retrouvé leurs classes. Mais début janvier, douze États fédérés sur 32 ont décidé de refermer les écoles. 

Le gouvernement central plaide pour le maintien du présentiel. Au Mexique, à ce stade, “les écoles ne sont pas particulièrement des centres de contamination”, a estimé le patron de la lutte anti-Covid, l'épidémiologiste Hugo López-Gatell. Pendant la fermeture des écoles, le gouvernement du président de gauche, Andres Manuel Lopez Obrador, a mis en place un programme, “J'apprends à la maison” diffusé à la télévision. “Les autorités semblent cependant ignorer qu'il y a eu un problème de retard éducatif et c'est préoccupant”, d'après l'expert Luis Monroy-Gomez Franco à l'origine de l'étude. Le Mexique, dixième pays le plus peuplé au monde (126 millions d'habitants), a enregistré plus de 301 000 décès pour 4,4 millions de cas. “Cette pandémie nous a changés, mais nous devons continuer à nous soigner”, philosophe la petite Elena dans le cocon de sa chambre  rose... qui reste encore aussi trop souvent l'antichambre de sa salle de classe.

 

 


AFP

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