Magazine Ils veulent croire en l’avenir de leur pays malgré son isolement international

L’espoir des jeunes diplômés du Somaliland

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AFP Publié 17 Octobre 2021 à 09:56

© D.R
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Malgré l'isolement de leur patrie, le Somaliland, sans existence internationale, et l'absence de débouchés, les jeunes diplômés de l'université d'Hargeisa, la capitale, veulent garder l'espoir de développer leur “pays” et de le voir enfin reconnu sur la scène internationale. Aucun d'entre eux n'était né quand le Somaliland, en 1991, a fait sécession de la Somalie, plongée dans le chaos et livrée aux chefs de guerre après l'effondrement de la dictature de Siad Barre et de l'État tout entier à sa suite. Une indépendance autoproclamée qui n'a jamais été reconnue formellement par aucune entité, à l'exception de Taïwan, autre État autoproclamé isolé diplomatiquement. 

“Les besoins sont ici, mais il n'y a pas de perspectives”, résume Saeed Salad Ahmed, 26 ans, dans sa tenue de cérémonie universitaire, toge noire et coiffe à pampilles, après avoir reçu son diplôme de travailleur social. Mais “je reste confiant. Nous nous développons et nous allons continuer à devenir un pays meilleur, même si le chômage est un problème”. L'absence de reconnaissance et l'isolement international, privant le Somaliland de prêts ou aide internationaux et d'investissements extérieurs, freinent le développement du Somaliland, parmi les territoires les plus pauvres du monde, affirment ses responsables. 

Pour ses quelque 4,5 millions d'habitants, voyager est difficile, leurs passeports n'étant reconnus que par une poignée de pays. Depuis 30 ans, le Somaliland tente en vain, de convaincre le monde qu'il est un pays souverain. Il est déjà doté de tous les attributs d'un État fonctionnel: il émet sa propre monnaie, délivre des visas, dispose d'une armée pour assurer la sécurité d'un territoire d'une superficie égale à deux fois celle de la Serbie et de garde-côtes pour ses 850 km de littoral. À côté, la Somalie, dont il est internationalement toujours une région même si Mogadiscio n'y exerce aucun pouvoir, est engluée depuis 1991 dans le chaos et la violence. Aucun scrutin au suffrage universel n'a pu y être organisé depuis un demi-siècle et le fragile État central somalien peine à asseoir son autorité au-delà de Mogadiscio, malgré des millions de dollars d'aide internationale. 
 
Coché toutes les cases 

Ce traitement offense profondément les habitants du Somaliland. “C'est un pays construit par les Somalilandais pour les Somalilandais”, explique Shukri Haji Ismail, ministre de l'Environnement et du Développement rural du Somaliland. 
Ancien protectorat britannique, le Somaliland avait fusionné avec la Somalie italienne en 1960, quelques jours après l'indépendance des deux territoires pour former la République de Somalie. 

Dans les années 1980, le principal mouvement armé à la dictature de Siad Barre est le SNM, dominé par le clan Issaq dont le territoire est le Somaliland. La région en paie un lourd tribut, Barre organisant le massacre des Issaq, avec notamment la destruction quasi totale d'Hargeisa. À la chute du régime Barre en 1991, le Somaliland a déclaré de façon unilatérale son indépendance. Les autorités du nouvel État, privées d'aide internationale, ne peuvent alors compter que sur sa diaspora pour reconstruire. Aujourd'hui encore, le flux d'argent venu de l'étranger dépasse largement le maigre budget annuel de 339 millions de dollars. 

Mais pour le directeur du Centre culturel d'Hargeisa, Jama Musse Jama, “le jeune État a atteint un plafond et ne pourra pas faire beaucoup plus sans reconnaissance internationale”. “Le Somaliland a coché toutes les cases demandées par la communauté internationale pour être un État reconnu”, affirme-t-il. Environ 75% des Somalilandais ont moins de 30 ans et n'ont jamais connu le Somaliland autrement que comme un territoire indépendant. Une réunification avec la Somalie semble donc impensable. Des milliers d'entre eux sortent chaque année diplômés des universités du Somaliland, mais ne trouvent personne pour les embaucher, admettent les autorités, qui déplorent une fuite des cerveaux. Les jeunes disent : “J'ai besoin de plus que la paix, j'ai besoin d'espoir, j'ai besoin d'un emploi, j'ai besoin de développement”, explique M. Musse. 
 
Une question de temps 

Les autorités reconnaissent le fort taux de chômage, mais préfèrent mettre en avant les progrès démocratiques, particulièrement les dernières législatives en mai, organisées avec beaucoup de retard, mais pacifiques et remportées par l'opposition. Un bémol: aucune femme n'a été élue. “Je préfère mon identité et ma dignité aux dollars et à la soumission”, explique Saeed Shukri, fondateur du seul musée du Somaliland et ancien combattant anti-Barre. Représentant des autorités du Somaliland à Washington, Bashir Goth, estime que l'Occident est réticent à reconnaître officiellement son pays, avant qu'un pays africain ne le fasse, mais que le soutien augmente. 

“C'est une question de temps”, assure-t-il, même si les cas de l'Érythrée et du Soudan du Sud, dont les sécessions respectivement de l'Éthiopie et du Soudan ont débouché l'une sur une dictature ultrarépressive, l'autre sur une guerre civile sanglante, ne plaident pas la cause du Somaliland. 
Côté économie, le gouvernement espère qu'un contrat de 442 millions de dollars signé avec une entreprise basée à Dubaï pour développer le port de Berbera attirera d'autres investisseurs et créera des emplois. À Hargeisa, Ihsan Ahmed Abdullahi, 23 ans, reste optimiste: “Notre pays évolue lentement, mais sûrement (...) on voit désormais des femmes à des hautes fonctions au sein du gouvernement”, glisse-t-elle. “J'espère avoir un jour un emploi et contribuer à construire le Somaliland”. 

 


AFP

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