Magazine Journaliste au Sahel

Un métier à très haut risque

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AFP Publié 09 Mai 2021 à 17:41

Le journaliste français Olivier Dubois dit avoir été enlevé le 8 avril 2021à Gao. © D.R
Le journaliste français Olivier Dubois dit avoir été enlevé le 8 avril 2021à Gao. © D.R

Il opère dans un champ de mines, un exercice dans lequel il fait face à des pressions de groupes, lobbies, personnalités, hommes forts et, plus encore, au péril de sa vie, face à des groupes terroristes.

Les journalistes travaillant dans plusieurs pays du Sahel font un métier à haut risque, trop souvent exercé “la peur au ventre”, expliquent un certain nombre d’entre eux après la mort de deux confrères espagnols au Burkina Faso et l’enlèvement d’un collègue français au Mali. 

Ces journalistes racontent la difficulté de continuer à informer malgré la propagation jihadiste et les agissements criminels, la quasi-impossibilité d’accéder à de vastes étendues de territoire et à certaines sources, ainsi que les pressions et les intimidations multiples, qu’elles viennent du pouvoir ou d’ailleurs, sans parler du manque de moyens de la profession.   

Olivier Dubois, collaborateur de divers médias maliens et français, est apparu mercredi dans une vidéo où il dit avoir été enlevé début avril à Gao, dans le nord-est du Mali, par un groupe affilié à Al-Qaïda. 
Ce journaliste aguerri de 46 ans, qui vit et travaille depuis 2015 au Mali, avait arrangé un rendez-vous avec le commandant d’un groupe jihadiste de la région, Abdallah Ag Albakaye. Il a été vu pour la dernière fois alors qu’il embarquait dans une voiture avec plusieurs hommes. 
Au Burkina Faso, les reporters espagnols David Berißin et Roberto Fraile, ainsi que l’Irlandais Rory Young, président d’une ONG de protection de la faune sauvage, ont été tués alors qu’ils se trouvaient avec une patrouille antibraconnage qui a été attaquée fin avril par des hommes armés. 

Leur mort “vient encore rappeler combien on peut être exposé dans notre métier”, confie le journaliste reporter d’images burkinabè Salif Zangre. “Cela n’entame pas notre volonté de couvrir l’actualité”, assure-t-il, mais en prenant toutes les précautions possibles. 
Il est désormais “quasiment impossible” de faire du terrain au-delà des villages environnants, admet un journaliste burkinabè en poste dans la région du Nord, frontalière du Mali, dont l’AFP a choisi de ne pas divulguer l’identité. 
    
Cibles de choix    
Le Burkina figure au 37e rang du classement mondial de la liberté de la presse 2021 de Reporters sans frontières (RSF), le Niger au 59e et le Mali au 99e. 
RSF décrit même le Burkina comme “une des réussites du continent” en la matière. Mais l’organisation évoque les vicissitudes de la presse dans les pays sahéliens : insécurité largement répandue, restrictions de mouvement et sanctions imposées par les autorités au nom de la lutte contre les jihadistes, tours de vis justifiés par la pandémie de Covid-19. 
Les journalistes étrangers sont des cibles, pour ce qu’ils représentent et pour leur valeur d’échange. Mais les locaux sont aussi exposés. 

“La vie d’un journaliste au Sahel n’est pas toujours gaie, même à Bamako (relativement préservée, ndlr) : barbelés autour de la maison, précautions à prendre dehors”, constate Serge Daniel, le correspondant dans la capitale malienne depuis plus de 25 ans de Radio France Internationale (RFI) et de l’Agence France-Presse (AFP). 

L’assassinat d’une journaliste et d’un technicien de RFI en 2013 a marqué les esprits. Pourtant la situation est peut-être plus dangereuse aujourd’hui qu’au début de la poussée jihadiste dans le Nord en 2012, assure-t-il. Au-delà des risques courus en déplacement, les journalistes locaux évoquent le sentiment d’une menace permanente. Le rédacteur en chef de la télévision privée malienne Renouveau TV, Bréhima Sogoba, rapporte que certains de ses correspondants, par crainte des représailles, renoncent à signer leurs reportages. 
Au Niger, où les attaques contre des civils se sont multipliées depuis le début de l’année, le responsable d’une radio communautaire ayant requis l’anonymat reconnaît qu’il vaut mieux “tourner mille fois sa langue (dans sa bouche) avant de parler”. 

“Le métier est désormais à très haut risque. Les jihadistes et autres bandits écoutent très bien nos émissions” et ont “l’habitude d’adresser des menaces aux radios en leur demandant de ‘faire très attention’”, ajoute-t-il. Un journaliste de la même région dit redouter surtout l’enlèvement. Sa radio n’organise plus de débats parce que “les gens ne se bousculent plus devant nos micros”, et rediffuse surtout d’anciennes émissions, dit-il. Continuer à rapporter une information complexe dans un tel contexte est un défi constant. Pour le rédacteur en chef de Renouveau TV, il faut avant tout “maîtriser le terrain” et mesurer “tous les enjeux”. “Le bon journaliste, c’est quand même celui qui vit”, dit Bréhima Sogoba. 

AFP 

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