Reportage DANS LES HÔPITAUX DE JIJEL

Face au Delta Redoutable, La Puissante Solidarité

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Amor ZOUIKRI Publié 08 Août 2021 à 10:13

© D.R
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C’est dans les hôpitaux que le combat de la vie se mène. Et sans répit. Des infirmiers à bout de souffle et des médecins qui viennent d’être endeuillés par la perte d’un autre confrère sont sur le front de la lutte contre cette calamité sanitaire.

À la limite de l’épuisementww, ils continuent de lutter. De toutes leurs forces, ils luttent contre une fâcheuse pandémie qui les mobilise à nouveau, tels des soldats rodés au combat qui débarquent sur le front. 
“C’est infernal”, lancent-ils, cependant, en chœur. Ils ont pour nom Ahmed, Hadi, Mounir, Mouloud, pour ne citer que ces braves hommes d’une “armée blanche”, qui, au crépuscule de leur longue carrière professionnelle, se retrouvent face à un virus, emportant devant leurs yeux des vies humaines pour lesquelles ils se sont pourtant dévoués. À quelques mois, sinon à quelques petites années de leur retraite, ils retrouvent une seconde jeunesse dans cette bataille qu’ils livrent sans répit à un variant Delta plus ravageur que dans sa souche initiale. Sur un ton fataliste, ils racontent leur quotidien dans les différents services dédiés à la consultation et à l’admission des malades atteints de ce variant. 
Dans les hôpitaux de Jijel, de Taher et d’El-Milia, ils sont sur le qui-vive. Sur le pied de guerre pour faire face à cet ennemi invisible. “Pourvu qu’on reste encore debout, d’autres sont déjà tombés”, lance Hadi, cet infirmier cumulant une longue expérience au service des urgences à l’hôpital d’El-Milia. 

“C’est l’entraide qui nous sauve, qui nous anime aussi. Les collègues s’épaulent et se soutiennent en ces moments difficiles”, tient-il à rassurer face à l’épuisement du personnel paramédical. “Dieu merci, personne ne rouspète, tous répondent à l’appel”, poursuit-il, en citant les noms de ses collègues atteints. Pour ainsi dire, la situation est difficile dans ces hôpitaux, qui assistent chaque jour à l’arrivée de nouveaux malades. Chaque jour est un nouvel épisode de bataille. 
“Chaque matin, je suis face à des scènes pénibles”, assène notre interlocuteur pour décrire une situation souvent insupportable. “C’est l’enfer”, insiste-t-il encore pour décrire cette situation. 

“Je suis face à une expérience inédite. Dans ma vie professionnelle, j’ai tout vu, mais là, c’est difficile, vraiment difficile”, résume encore cet homme, qui ne se lasse pas de livrer bataille à la Covid-19 dans sa forme la plus ravageuse. Tantôt, il évoque les interventions pour régler les débits d’oxygène selon les besoins des malades, tantôt il revient sur le spectacle de ces malades attendant leur tour pour passer en consultation. En détresse respiratoire, de nombreux malades arrivent au service des urgences qui ne reçoit quasiment plus que les personnes atteintes de Covid. 

“Ça se bouscule devant ce service. L’année passée, lors de la première vague, les gens cachaient leur atteinte, mais maintenant, devant leur détresse, ils s’affichent, ils se bousculent pour tenter de passer en priorité”, note Ahmed, un autre infatigable infirmier spécialisé en santé publique, en fin de carrière. Nos interlocuteurs insistent sur la situation difficile qu’ils vivent et endurent face à des malades en détresse, qui risquent de mourir d’un moment à l’autre. Cette situation est confirmée par un médecin affecté à la consultation Covid, dont le service ne connaît pas de répit. 

“Beaucoup de malades décompensent rapidement, et en l’espace de 24 heures, ils se retrouvent en détresse respiratoire. La situation est vraiment difficile et pour eux et pour nous, le personnel soignant”, affirme ce médecin, qui fait part du grand nombre de personnes consultées pour des symptômes de Covid-19 ou admises en hospitalisation. Le terme “enfer” revient tel un leitmotiv dans les propos recueillis pour dire que l’heure est à la grande mobilisation. Chacun y va de son effort et de son engagement pour venir en aide à ces malades qui ont besoin d’une assistance sous n’importe quelle forme. Ce ne sont finalement que ces anges en tenue blanche qui les accueillent, les orientent et les soignent. 

“L’armée blanche” est à pied d’œuvre, à Jijel, à Taher et à El-Milia. C’est dans les hôpitaux de ces trois villes que le combat de la vie se mène. Et sans répit. Des infirmiers à bout de souffle et des médecins qui viennent d’être endeuillés par la perte d’un autre confrère sont sur le front de la lutte contre cette calamité sanitaire. Âgé de 48 ans, le Dr Mohamed L., médecin généraliste de son état, a en effet rendu l’âme ce jeudi des suites de la Covid-19 à l’hôpital de Jijel. Il est le deuxième en moins d’une semaine à y laisser la vie, après le décès d’une praticienne libérale à Taher pour la même cause. C’est face à cette crise d’un personnel qui s’épuise et qui se confine s’il ne connaît pas ce sort fatal que la gestion des effectifs devient difficile. 

Un personnel fatigué, mais téméraire 
“Il faut faire avec. Ce n’est pas facile, mais il faut gérer cette situation”, nous dit le responsable d’un établissement hospitalier. Cela dit, si dans cette bataille, la disponibilité de l’oxygène est assurée à partir de l’unité gaz de Bellara, ce gaz médical pose quelques soucis. 
L’approvisionnement en obus semble connaître des perturbations en attendant l’entrée en activité de l’unité de Bellara pour le remplissage de ces bouteilles, indispensables pour renforcer les installations murales. Le nombre important de malades dépendant d’une oxygénothérapie risque de créer des perturbations et des tensions. C’est ce qui est craint dans des services débordés de patients. 

L’oxygène est “la mère des batailles” dans ces hôpitaux. C’est dans ce contexte que la Direction de la santé et de la population a annoncé l’acquisition de 20 extracteurs d’oxygène, la semaine dernière. Les associations ne sont pas en reste et se sont mises à contribution pour tenter d’apporter leur soutien aux malades ayant besoin d’une oxygénothérapie à domicile. 

Et ce sont ces fameux extracteurs d’oxygène qui les mobilisent. Objet de spéculation et de cherté de leur prix, ces extracteurs sont recherchés tels de précieux appareils pour sauver des vies humaines. Sauf que pour les médecins, les infirmiers et le personnel en lutte contre ce Delta ravageur, la plus efficace des mesures avant d’atteindre ce stade de besoin en oxygène reste la prévention et le respect des mesures barrières. “Tout manquement à ces mesures se répercute directement sur ces hôpitaux dont le débordement va encore peser sur ce personnel qui s’épuise”, ne cesse-t-on d’avertir. Et dire que dans les marchés, les bureaux de poste et les banques ou dans certains autres espaces, on semble faire fi du respect de ces mesures. Des familles entières ont été endeuillées parce qu’elles ont pris part à des fêtes de mariage. Des décès ont été enregistrés à la suite de ces noces. Au-delà de ces manquements aux mesures de prévention, il est noté une certaine prise de conscience au sein des citoyens, soumis à une certaine pression par les nouvelles des décès signalés çà et là. Si certains restent négligents vis-à-vis de ces mesures, d’autres s’en tiennent au port du masque et se disent conscients de l’importance d’éviter les rassemblements. Dans les hôpitaux, ces mesures restent de rigueur avec des personnels sur le qui-vive. 
“On doit se protéger, on le voit venir ce virus, il est là, il est dans chaque coin, on doit se laver les mains surtout”, résume-t-on dans les propos recueillis. 

“Je fais ce que je peux. La protection avec toute une tenue est exigée, sinon le risque est grand, et au final, il n’y a que Dieu qui nous protège”, décrète cet infirmer d’un service de réanimation. C’est dans ces conditions que se livre cette bataille contre le Delta, variant du Covid-19. Un combat qui se poursuit dans la même exigence des mesures barrières et de prévention. Une prévention qui se met également en place par une vaccination passée à une vitesse supérieure. La Direction de la santé et de la population, dans une déclaration à la radio locale, a fait part de la vaccination de 31 000 personnes. Le rythme de cette campagne se poursuivra encore selon le programme établi pour atteindre une couverture vaccinale d’un maximum de citoyens. 

Autant dire que dans le contexte de cette crise sanitaire, ce sont les infrastructures sanitaires, notamment hospitalières, dont les projets sont gelés depuis de longues années, qui sont revenues au-devant des préoccupations à Jijel. Des projets d’hôpitaux sont, en effet, gelés à Jijel, à Taher, à El-Milia et à Chekfa, sans évoquer le cas du dernier établissement hospitalier à avoir vu le jour à Ziama-Mansouriah, qui peine toujours à être achevé. D’aucuns jugent qu’avec ces hôpitaux, la situation aurait pu être meilleure dans la gestion d’une telle crise sanitaire. C’est sur ce point que les nouveaux députés de la wilaya de Jijel ont été interpellés pour aller solliciter la levée du gel qui pèse sur ces hôpitaux. L’urgence est signalée, non seulement en termes de lutte contre cette pandémie avec tous les moyens humains et matériels qu’elle mobilise, mais aussi en termes d’infrastructures de santé à relancer.

Par : Amor Z.

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