Contribution

Approche structurante pour développer les chaînes de valeur industrielles territorialisées

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Mourad BOUATTOU Publié 26 Décembre 2021 à 10:15

Par : Mourad Bouattou
Président du Cluster Boisson-Agrologistique

Nous devons nous inspirer des modèles d’organisation économique existants, en les adaptant à l’environnement socioéconomique et culturel, en nous projetant sur la modernité, l’innovation et le monde économique contemporain.”

Le dernier forum dédié au développement de l’industrie dans notre pays a montré le gap important qui sépare le secteur de l’industrie par rapport à sa contribution globale au PIB, soit un faible taux d’intégration de 4 à 5%. Avant d’aborder de manière opérationnelle notre contribution pour souligner l’approche structurante pour développer les filières industrielles et leur cadre organisationnel sous forme de groupements économiques, il me sied de les replacer dans le contexte d’une réflexion stratégique pour amorcer une nouvelle vision assise sur un modèle économique intégré. Les Assises organisées par le ministère de l’Industrie, qui se sont déroulées du 4 au 6 décembre derniers, ont affiché, à travers le maître-mot “La relance économique, c’est maintenant”, la volonté des pouvoirs publics d’accompagner cette relance économique et de lever les contraintes bureaucratiques auxquelles se heurtent les industriels. 
Les propositions émises par les différents ateliers traduisent la volonté d’assainir le climat des investissements et l’environnement entrepreneurial, en mettant en œuvre concrètement l’appui politique et institutionnel exprimé lors de la plénière, en rupture avec le climat actuel de blocage que connaissent notamment plus de 400 projets portés par nos investisseurs et opérateurs économiques, pour un retour à un climat de confiance et de facilitation de l’acte d’investir garanti par la Constitution, dans un esprit d’équité et de transparence.
D’autres mesures méritent d’être signalées. Outre la levée des obstacles sus-mentionnés, il y a lieu de citer : 
- la création d’une agence foncière nationale, avec une autonomie de gestion et en collaboration étroite avec le ministère de l’Industrie, afin de lever les blocages et la complexité des procédures bureaucratiques pour les entreprises.
- la dématérialisation des procédures et l’accès aux centres de décision en facilitant la transparence.
- la promotion de la sous-traitance et du tissu des PME et facilitation de l’accès aux donneurs d’ordre.
- la promotion des produits locaux sur les marchés étrangers et le financement des exportations.
- la libération des gestionnaires quant à la dépénalisation de l’acte de gestion (annonce d’une mesure législative en cours) en libérant l’acte d’investissement et d’exportation. 

Quelles sont les perspectives économiques pour une véritable relance de l’industrie ?
Les quatre ateliers qui se sont déroulés lors de ces Assises de l’industrie ont mis l’accent sur la nécessité d’établir, sur la base du diagnostic de l’environnement actuel des affaires et de l’état de dépendance de notre économie mono-exportatrice, une série de recommandations qui devraient se décliner en une véritable stratégie et un plan d’action à court et moyen termes.
Parmi ces recommandations :
- l’impulsion d’un cadre législatif et réglementaire, ainsi que d’un comité de pilotage pour une coordination intersectorielle, pour booster les pôles de compétitivité et promouvoir les chaînes de valeur et clusters assis sur les filières industrielles à fort potentiel de croissance. 
- la valorisation des dérivés d’hydrocarbures – plus de 200 projets potentiels dans la pétrochimie — comme les résines, le PET, le polypropylène...
- le développement des filières sidérurgiques en amont/aval, la filière textile, les produits agro-industriels…
Cette approche structurante, qui milite pour un nouveau paradigme économique, mérite qu’on lui consacre un contenu concret, loin des réflexions académiques, tant elle projette dans cet article de véritables réformes structurelles, autour de pôles de compétitivité et de développement des filières industrielles, source de valeur ajoutée pour l’économie locale.

Structurer les filières industrielles autour des pôles de compétitivité et clusters
Les groupements économiques nécessitent une nouvelle vision et une stratégie de remontée des chaînes de valeur pour booster les filières industrielles par le décloisonnement des acteurs économiques, les effets de synergie croisée structurés en réseaux. 
La mondialisation exige de nous projeter dans l’économie de la connaissance et de nous intégrer dans les chaînes de valeur mondialisées, cela dans le contexte de la pandémie du Covid-19 – où le monde a vécu un total bouleversement dans les échanges commerciaux — et la naissance d’une reconfiguration des espaces économiques pour s’insérer dans ce nouveau paradigme, né d’une fragmentation de chaînes de valeur internationales et un retour à la relocalisation dans une logique de souveraineté et de sécurité sanitaire et alimentaire.
Notre pays, dans ce contexte, doit se positionner et intégrer son économie en valorisant ses ressources naturelles et en mobilisant ses compétences et son potentiel humain, dans une logique de mutualisation, en créant des synergies et des réceptacles basés sur l’organisation des filières industrielles et sectorielles, en fédérant nos industriels, l’environnement entrepreunarial et les institutions de recherche-développement,  triptyque appelé communément “triangle d’or”. 
Impulsée par le ministère de l’Industrie, cette approche des pôles de compétitivité a connu un début de concrétisation en Algérie, dans le cadre de la coopération algéro-allemande, par la création de six clusters : Boissons-Agrologistiques, Algeria tourism cluster, Cluster mécanique de précision, Cluster numérique,  Cluster énergie solaire, Consortium des huiles essentielles et arômes et enfin le cluster dattes, abrités dans les centres de facilitation et la technopole de Sidi-Abdellah.
L’interclusteering exerce un effet de levier et réunit l’ensemble des filières représentées et des synergies imprégnées du paradigme de changement et d’innovation dans le mode de gouvernance.

Qu’est-ce qu’un pôle de compétitivité ?
Un pôle de compétitivité est un “rassemblement, sur un territoire bien identifié et sur une thématique ciblée, d'entreprises petites, moyennes ou grandes, de laboratoires de recherche et d'établissements de formation” qui ont vocation à travailler en synergie pour mettre en œuvre des projets de développement économique pour l'innovation.
Ce concept innovant, appelé souvent “pôle de compétitivité” et/ou “clusters, repris depuis Porter au XIXe siècle, jusqu’à à Marshall et Ricardi (en Italie) et les grappes industrielles au Québec. Ils regroupent la majorité des entreprises des TIC, les industries, sur des territoires attractifs, sous forme de groupements économiques associant les partenaires publics et les institutions de recherche, et de formation. 
Rappelons que les Groupements d'intérêt économique, érigés en clusters avec l’accompagnement du ministère de l’Industrie, ont un ancrage dans le Code de commerce “sans but lucratif”. La loi de finances pour 2022 vient de leur donner une assise en les défiscalisant (IBS). 

Rôle des clusters et pôles de compétitivité
l Fédérer les acteurs des filières industrielles en créant un climat favorable au partenariat public-privé aux facteurs de synergie et de confiance, dans les chaînes de valeur associées au développement économique local.
l Promouvoir la compétitivité et l'innovation par le renforcement des alliances stratégiques au sein des écosystèmes et pôles de compétences, de réseaux de partenaires régionaux, nationaux et internationaux.
Cela n’est qu’un aperçu de leur ambition, en tant que noyaux durs structurés et abrités dans des centres de facilitation — il existe 23 centres de facilitation dans les wilayas — autour de pôles de compétitivité, voire agropoles, en intégrant progressivement leur écosystème et les remontées de chaînes de valeur.
Nous avons des atouts et nombre de ces clusters stimulent l’innovation, notamment avec les centres de recherche existants dont la localisation répond déjà à la spécificité de la cartographie des pôles de compétitivité : le centre de recherche agroalimentaire du campus universitaire de Béjaïa ; le centre de recherche mécanique industrielle au sein du pôle de compétitivité de Constantine ; celui de l’électronique (en cours) à l’instar du pôle de Sidi Abdellah qui héberge le cluster numérique et l’École supérieure de l’intelligence artificielle intégrant aussi des partenaires comme le Gaan.
Il existe dans le monde des milliers de clusters, à l’instar de la Silicon Valley, où un de nos chercheurs vient d’être primé, en marge des Assises, par le président de la République.
Le modèle, inclusif répond à cette approche structurelle, pour passer d’une logique individuelle à une logique collective.
Dans un webinaire, j’ai souligné que nos aïeux avaient, dans nos contrées et villages ruraux, une clairvoyance ancrée dans nos valeurs, sous forme d’organisation socioéconomique – assimilée à des clusters sociaux – dans un esprit de partage, de confiance, par la concertation (tachaour, sacralisé par notre religion) et l’esprit participatif, source de développement local.
Nous devons nous inspirer des modèles d’organisation économique existants, en les adaptant à l’environnement socioéconomique et culturel, en nous projetant sur la modernité, l’innovation et le monde économique contemporain. Nous y arriverons en mobilisant l’intelligence collective, en valorisant nos potentiels et ressources humaines et matérielles, dans un climat de confiance retrouvée. Des réformes structurelles ont été initiées par Algeria Clusters dans ce sens auprès des ministères concernés pour une assise juridique pérenne, permettant de faciliter l’instrumentation de ces groupements (régis par le Code de commerce) par l’introduction de codes génériques d’activité, à savoir “Promouvoir les chaînes de valeur industrielles et sectorielles” et la création de technopoles, appelées aussi “pôles d’excellence”. 
Leurs objectifs reposent notamment sur  :
l l’attractivité et l’inclusion des chaînes de valeur industrielles par un modèle d’organisation innovant,dans une logique d’inclusion participative “bottom-up” et de partanariat public-privé.
l la promotion des pôles d’excellence par la bonne gouvernance reposant sur la compétitivité, l’innovation et les nouvelles technologies de l’information.
l la mutualisation des moyens et des compétences, en ciblant des plateformes logistiques et une reconfiguration du schéma directeur par un maillage intégrant les prestataires logisticiens et le futur HUB logistique.

Cas probant : approche structurante pour développer des filières agroalimentaires
Dans le cas de la filière lait, quelles sont les pistes pour une véritable stratégie de promotion des agropoles laitiers ? 
En Algérie, depuis des lustres existe un potentiel d’élevage et de production laitière plus ou moins organisé en coopératives artisanales, mais disposant d’un potentiel de territoires appelés “bassins laitiers”, dans les régions Soummam-Sétif, M’sila, Souk-Ahras, Sidi Bel Abbès... Ces coopératives méritent qu’on s’y intéresse, comme noyaux durs, pour créer de véritables agropoles réunissant éleveurs, vétérinaires, fermes laitières, collecteurs et transformateurs (notamment ceux dans l’industrie UHT).
Le cluster Boisson-Agrologistique réunit avec l’université de Sétif et les producteurs de lait, les institutions locales relevant de l’agriculture, les acteurs de cette filière, pour projeter un cluster dédié à cet agropole laitier afin d’amorcer un dialogue et une concertation. Ce n’est qu’un début à encourager pour faire face à des besoins induits par de nouveaux modes de consommation, poussant à la perte de diversité agricole et un moindre intérêt pour les métiers agricoles.

Perspectives de développement pour l’accompagnement des filières industrielles 
L’approche structurelle pour ériger des groupements économiques favorisant le partenariat public-privé passe par la promotion du tissu industriel de PME.
Le développement des PME doit être guidé par des politiques d’accompagnement des pouvoirs publics et en concertation avec les organsiations professionnelles et patronales. Pour ce faire, les barrières institutionnelles doivent être baissées et un climat positif de confiance généré en termes d’attractivité des territoires pour les IDE visant des perspectives de marchés et de profit.
Les considérations macroéconomiques évoquées ci-dessus doivent être envisagées parallèlement à des initiatives plus localisées, à développer et à promouvoir sous forme de chaînes de valeur territorialisées en les légitimant par rapport au vide juridique actuel. Elles doivent être positionnées sur les territoires en tant que pôles de compétitivité, berceaux d’excellence au niveau national et international, en s’appuyant sur leur potentiel en termes d’infrastructures, de savoir-faire, de compétences locales, en boostant la recherche-formation et l’innovation, sources de valeur ajoutée et de croissance économique.
Aussi notre ambition en tant qu’interclustering structuré, regroupant les six clusters (hébergés dans les centres de facilitation et à l’ANDPME- pépinières d’entreprises) est de jouer un rôle d’accompagnateur et de force de proposition. Notre challenge est de nous mettre au diapason de l’économie de la connaissance en reconnectant les acteurs autour du fameux “triangle d’or” : industriels-centres de recherche-institutions publiques.
Le rôle des politiques d’accompagnement consiste à guider le processus d’évolution des clusters-pôles de compétitivité vers la consolidation, l’innovation technologique, l’internationalisation.
Aujourd’hui, Algeria clusters est un regroupement intersectoriel de filières industrielles, une force de proposition crédible auprès des partenaires institutionnels, grâce au plaidoyer en matière de promotion et d’accompagnement des filières industrielles pour adapter la classification des activités du CNRC par un complément aux codes d’activité actuels (en cours).

 

 

 

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