L’Actualité MALIKA MATOUB

“23 ANS APRÈS LA MORT DE LOUNÈS, LA DÉCANTATION CONTINUE DE S’OPÉRER”

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Samir LESLOUS Publié 25 Juin 2021 à 22:05

© D. R.
© D. R.

Liberté : 23 ans après son assassinat, Matoub Lounès reste une figure centrale dans l’imaginaire populaire, y  compris chez la génération née après sa mort. Comment expliquer cet attachement  ? 
Malika Matoub :  Cet attachement populaire à Lounès est, à vrai dire, très simple à expliquer. Il s’explique par la sincérité de son engagement. Il était sincère et inconditionnel envers les siens, et aujourd’hui, cette sincérité dans son engagement porte ses fruits. Les gens riaient de lui à  l’époque où il disait qu’il serait plus dangereux mort que vivant. 
À l’époque, il y avait un seul Lounès, et aujourd’hui, tout le monde est devenu Lounès. Un homme est mort, la voix d’un peuple s’est réveillée. Sa voix a eu un écho, et quand je vois des gens d’horizons différents qui viennent des quatre coins de l’Algérie, je me rends compte que sa voix va au-delà de la Kabylie, et c’est justement-là la réussite de Lounès, sinon son vœu, lorsqu’il disait : “Je greffe les mots jusqu’à ce que l’enfant comprenne ce que vaut le pays.” Ceux qui viennent   sont de tous âges et toutes idéologies confondus, et tous reconnaissent la justesse de ce que Matoub a défendu.  

Comme chaque année, on ne peut évoquer Matoub Lounès sans parler de la vérité sur son assassinat. Gardez-vous toujours l’espoir de voir ce dossier rouvert ?    
L’espoir est permis, mais l’affaire Lounès est comme le travail de Pénélope qui, après le départ de son époux Ulysse, a eu de nombreux prétendants qui voulaient l’épouser, mais à chacun elle répondait : “Dès que j’aurai terminé mon ouvrage”, à savoir une toile qu’elle tissait le jour et défaisait la nuit. 
Aujourd’hui, 23 ans après, il y a toujours une décantation qui est en train de s’opérer. C'est-à-dire l’appareil judiciaire est muet et les débats politiques autour de cette affaire n’en finissent pas, et je crois qu’un jour ou l’autre, cette affaire éclatera au grand jour parce que les uns et les autres sont en train de se dénoncer mutuellement, et nous, nous attendons toujours que cette vérité éclate, tant la quête de vérité constitue une priorité pour la famille, pour la fondation et pour les milliers de personnes qui aiment Lounès. 
Ce qui me désole, en revanche, c’est quand on voit une certaine classe politique occulter complètement ce volet. Comme si Lounès était mort de vieillesse. Ils ont besoin de Lounès en tant que symbole. C’est pour cela, d’ailleurs, que 23 ans après, nous sommes toujours sur nos gardes, que nous ne faisons confiance à personne et que nous ne nous impliquons pas. On ne peut utiliser sa mémoire et son aura, et en même temps occulter la vérité sur son assassinat. Matoub est un tout. 

Eu égard à cette situation, comment comptez-vous poursuivre ce combat à l’avenir ? 
Au sein de la fondation, nous avons procédé à une certaine réforme interne où nous nous  sommes beaucoup plus axés sur la préservation et la perpétuation de sa mémoire. Pour ce faire, dès l’année prochaine, nous allons instituer une bourse d’études annuelle qui sera intitulée “la bourse Lounès-Matoub”, et qui sera attribuée pour soutenir les travaux de quatre étudiants autour de Lounès et son œuvre. Un jury sera mis en place avec les instituts d’enseignement de tamazight de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira. Je voudrais aussi souligner que pour pouvoir continuer à œuvrer pour la préservation de la mémoire de Lounès et poursuivre la quête de la vérité sur son assassinat, ma mère a décidé de faire don de tout ce qui lui revient de Lounès à la fondation Matoub qui, au renouvellement de ses statuts conformément à la loi de 2012, est devenue une fondation privée qui vivra de dons et de legs que nous lui cédons. C’était sa volonté et elle a laissé des documents dans ce sens. Elle m’a, moi-même, déshéritée pour permettre la préservation de la mémoire de Lounès et la poursuite de cette quête de vérité.       
 

Entretien réalisé par : S. LESLOUS

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