
Pas moins de 4 250 000 baguettes de pain ont été gaspillées en l’espace de 20 jours (du 13 avril au 2 mai) a indiqué, jeudi, un communiqué du ministère de l’Intérieur. Des chiffres récoltés en coordination avec les différents secteurs concernés qui renseignent sur l’étendue du phénomène qui touche toutes les régions du pays.
Si la wilaya de Blida arrive en tête de ce classement de gaspillage avec plus de 560 000 baguettes de pain jetées, représentant 141 561 kg de pain, Oran n’est pas loin puisqu’elle se classe au sixième rang, derrière Annaba, avec près de 200 000 baguettes perdues représentant un peu moins de 50 000 kg.
Ces données viennent atténuer les affirmations du président de la Fédération nationale des boulangers, Youcef Guelfat, qui avait déclaré dernièrement que l’Algérie produit quotidiennement plus de 50 millions de baguettes de pain et que plus de 20% de cette production, soit 10 millions de baguettes, sont jetés chaque jour dans les décharges publiques en tant que déchets ménagers avant d’être récupérés pour l’alimentation de bétail.
Pourtant, ce phénomène est tout sauf nouveau en Algérie, selon Abed Mouad, coordinateur de l’UGCAA (Union générale des commerçants et artisans algériens) bureau d’Oran. Il estime que la première raison de ce gaspillage est économique et réside dans le prix même de la baguette de pain. “La solution est dans l’augmentation du prix. Si le pain augmente, les gens vont consommer moins”, analyse-t-il. “Les gens ne consomment pas selon leurs besoins, et à 10 DA la baguette, ils dépensent sans compter.
Au lieu d’acheter deux ou trois baguettes selon le nombre des membres de leurs familles, ils achètent le double, voire le triple, puis le reste va à la poubelle”, explique-t-il encore. Même s’il évoque une hausse des prix, il pense qu’elle doit être réfléchie et accompagner la valorisation du Smig pour ne pas porter davantage préjudice aux couches défavorisées.
Abed Mouad regrette également l’inexistence d’une industrie de transformation du pain en aval, une alternative qui peut amortir tout ce gaspillage, “alors qu’actuellement, il ne sert qu’à nourrir les animaux nuisibles qui pullulent dans les décharges publiques”.
Quant au classement d’Oran, il trouve qu’il répond à la logique démographique, soulignant qu’en période de Ramadhan, plusieurs membres d’une même famille achètent, chacun de son côté, une certaine quantité de pain en rentrant à la maison, “à la fin, ils se retrouvent avec des baguettes de pain à jeter à défaut d’être consommées”.
Pour Faouzi Baïche, président du Club des artisans boulangers d’Oran, si la raison de ce gaspillage a trait au prix de la baguette de pain, il considère qu’elle n’est pas la seule en jeu. “Si le prix réel d’une baguette revient à 11,80 DA, sa qualité nutritive est également responsable de ce gaspillage”, précise-t-il. “À la base, on fabrique un pain médiocre, et s’il n’est pas consommé chaud, il perd alors de sa texture, puisqu’il n’est pas riche en fibres minérales à cause de l’absence d’oméga 3”, ajoute notre interlocuteur.
Il conseille aussi aux Algériens de ne pas trop consommer le pain vendu actuellement, remettant en cause ses composants à base d’acide ascorbique, bromate et gluten qui peuvent être très nocifs pour la santé en cas de surdosage.
Comme solutions préconisées, il opte pour le changement de la nature du pain, du blanc au compact, pour une meilleure qualité nutritive en formant les boulangers à produire d’autres variétés de pain à base de maïs, de seigle ou de son, et offrir ainsi plus de choix à leurs clients.
SAID OUSSAD