L’Actualité SaÏd Boudour condamné à 2 mois avec sursis

“C’est un honneur pour moi d’être en prison…”

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Samir OULD ALI Publié 12 Mars 2021 à 22:35

Saïd Boudour. © D. R.
Saïd Boudour. © D. R.

Noureddine Tounsi, le codétenu  de  Boudour,  devra  encore rester  en détention  en  attendant  de  répondre  à  d’autres  accusations  liées à ses  activités  de  lanceur d’alerte  pour  lesquelles  il  a  été  interpellé  en septembre 2020.

Après un silence contraint de plus d’une année, soit depuis que la Chambre d’accusation de la cour d’Oran a ordonné son placement sous mandat de dépôt — décision qui n’a jamais été exécutée —, Saïd Boudour a pu enfin s’exprimer à l’occasion du procès par visioconférence qui s’est déroulé mercredi dernier au tribunal correctionnel de Fellaoucène.

Le  journaliste  qui  était  poursuivi  pour  outrage  à  corps  constitués  et diffamation, mais qui devait aussi répondre des accusations de menaces et de tentative de chantage en compagnie de son ami Noureddine Tounsi, a affirmé avoir été victime d’un coup monté par la police politique pour avoir “choisi de défendre les droits du peuple” et pour le rôle qu’il a joué dans la révélation du scandale des 701 kg de cocaïne du port d’Oran.

“C’est un honneur pour moi d’être en prison sous le règne de ce pouvoir”, a-t-il lancé, en rappelant que l’affaire de la cocaïne — elle a  précipité  la chute de l’ancien DGSN Abdelghani Hamel — lui  a  valu ainsi qu’à  Noureddine Tounsi d’être interpellés, une première fois, en plein mois de Ramadhan, en 2018.

Les deux hommes avaient, en effet, été arrêtés début juin de cette année-là par la police et transférés de nuit à Alger où ils avaient été interrogés en qualité de témoins par le magistrat instructeur du tribunal de Sidi M’hamed, avant d’être relâchés.

De retour à Oran, Boudour et Tounsi avaient organisé une conférence de presse pour dénoncer les conditions de leur arrestation et interpeller les autorités nationales sur les dépassements qu’ils avaient subis. Saïd Boudour a rejeté l’ensemble des accusations qui pesaient sur lui. L’outrage à corps constitués ?

“L’ancien chef d’état-major de l’ANP s’est ingéré dans la politique ; j’ai estimé qu’il n’en avait pas le droit”, a-t-il expliqué. Quant à la plainte de tentative de chantage et de menace portée par Klilich Cheikh, Boudour a affirmé qu’elle constitue un acte de représailles pour “un article documenté dans lequel j’avais dénoncé ses malversations”.

Le plaignant, qui, quelques instants plus tôt, avait essuyé le refus du juge à sa demande de report d’audience pour absence de son conseiller juridique, avait choisi de ne pas assister au procès. “Cet homme a même commandité mon agression physique que j’ai signalée aux autorités. Mais rien n’a été fait”, a encore déploré l’accusé.

Depuis la prison d’Oran où il se trouvait depuis dix jours, le journaliste a également tenu à dénoncer les conditions de détention indignes des êtres humains, le déroulement de l’audience qui ne garantit pas un procès équitable et la lâche agression d’Omar Boussag, un de ses avocats, lors de la marche réprimée du vendredi 26 février.

De son côté, le lanceur d’alerte, Noureddine Tounsi, a appelé les autorités à assurer sa protection. “Je suis menacé de mort. Je risque d’être exécuté en prison”, a-t-il lancé en évoquant, lui aussi, le scandale de la cocaïne du port d’Oran. “J’avais averti les autorités sur le trafic de cocaïne qui impliquait le fils de Hamel. Mais on ne m’a pas écouté. Je ne bénéficie pas de la protection en ma qualité de témoin dans cette affaire et je ne suis pas protégé en tant que lanceur d’alerte”, a-t-il encore regretté.

Tounsi a, lui aussi, réfuté les accusations de Klilich Cheikh. “C’est lui qui m’a menacé au téléphone et mon avocat dispose de l’enregistrement”, a-t-il répondu en réitérant son appel à une protection.

Au procureur de la République qui a requis la peine de six mois de prison ferme et une amende de 50 000 DA, les avocats de la défense (une trentaine appartenant à dix barreaux d’Algérie) ont plaidé la relaxe.

Ils ont mis en avant la nature politique du dossier, la qualité de journaliste et lanceur d’alerte des accusés, leur rôle dans la médiatisation de divers dossiers de malversation et les diverses violations dont, ont-ils estimé, la police et l’accusation se sont rendues coupables dans le traitement du dossier Boudour-Tounsi.

“Les journalistes et les lanceurs d’alerte doivent être récompensés et non pas jetés en prison comme de vulgaires criminels”, a estimé la défense, qui a notamment pointé l’absence de plaignant pour soutenir l’accusation d’outrage à corps constitués.

“La loi stipule qu’une plainte doit être déposée dans le cas d’outrage. Qui est le plaignant ? Où est-il”, se sont-ils interrogés en rappelant que ni un ministre ni un militaire, fût-il général de corps d’armée, ne peut être qualifié de “corps constitué”.

Ce dossier, comme des milliers d’autres, ne devait même pas atterrir dans un tribunal, a encore estimé la défense, en dénonçant l’instrumentalisation de la justice dont les magistrats n’arrivent pas encore à se soustraire de l’emprise de l’exécutif.

“Il faudra encore longtemps avant que la justice ne regagne la confiance du peuple”, a tranché un avocat. Après une courte délibération, le juge a accordé la relaxe aux deux inculpés pour les accusations de menace et tentative de chantage, et condamné Saïd Boudour à deux mois avec sursis pour outrage à corps constitués.

Un verdict qui a suscité la joie de hirakistes, tels que Dalila Touat, Khalti Baya ou encore Hassan Bouras, militant d’El-Bayadh, venus apporter leur soutien aux deux accusés. Postés devant le tribunal depuis la matinée, ils ont tenu à accueillir Saïd Boudour à sa sortie de prison.

Quant à Noureddine Tounsi, il devra encore rester en détention, en attendant de répondre à d’autres accusations liées à ses activités de lanceur d’alerte pour lesquelles il a été interpellé en septembre 2020.
 

S. OULD ALI

 

 

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