L’Actualité Grand Hôtel d’Oran

Histoire d’une privatisation ratée

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D. LOUKIL Publié 05 Janvier 2021 à 09:01

Après une fermeture qui aura duré plus de dix ans, les grilles du Grand Hôtel d’Oran ont été rouvertes pour une opération de restauration annoncée par les pouvoirs publics. Depuis quelques semaines, le perron est d’ailleurs devenu le refuge de sans-abri qui s’y sont installés avec matelas et barda.

Le hall de ce véritable édifice patrimonial et historique présente les signes de sa décadence, et les dégâts de cet abandon sont probablement bien plus importants sur la structure même, les chambres, les parties de restauration et les sous-sols.

Des avis d’appels d’offres ont été lancés en 2019 puis 2020 pour les travaux de réhabilitation et de remise en état du Grand Hôtel, désormais propriété publique inscrite au patrimoine de l’Entreprise de gestion touristique Ouest (EGTO), dont la direction est à Béchar.

Un premier appel s’est avéré infructueux, comme l’a expliqué le directeur du tourisme d’Oran, en raison de la difficulté de trouver des entreprises ayant les qualifications pour un chantier d’une telle importance avec l’exigence de préserver l’architecture de l’établissement.

Classé trois étoiles du temps de sa gloire, le Grand Hôtel est situé au cœur du centre-ville, à la place du Maghreb, juste en face de la Grande-Poste. La bâtisse de cinq étages, construite en 1920, comprend 80 chambres, plusieurs suites, un bar et un restaurant gastronomique. D’anciens employés de l’hôtel ont encore les yeux qui brillent quand ils se remémorent la grande époque de l’hôtel. “Vous savez que De Gaulle a passé une nuit dans l’hôtel ? Il y a eu aussi le grand boxeur Marcel Cerdan et d’autres figures connues qui ont séjourné dans le Grand Hôtel…

C’est un patrimoine, ce n’est pas qu’un hôtel !”, affirment-ils avec fierté. Pour l’un d’entre eux, Mohamed, la possibilité de voir l’établissement réhabilité est un rêve teinté de nostalgie. “On espère qu’il sera restauré et qu’il rouvrira Inch’Allah. Seul l’État peut le faire !”, estime-t-il. Mohamed se souvient du terrible épisode de la privatisation du Grand Hôtel, dans les années 2005-2008, le combat des employés pour s’opposer à cette privatisation et leur tentative de l’acquérir via la création d’un collectif des employés.
 
Privatisé, puis abandonné
Si aujourd’hui le Grand Hôtel d’Oran reste une référence, un patrimoine mémorial et historique, il est aussi pour un grand nombre d’anciens et de personnes du secteur du tourisme l’exemple-type d’une privatisation ratée ayant signé la mort de l’Hôtel.

À partir de 2005, quatre tentatives de privatisation ont été lancées pour le Grand Hôtel. En vain. C’était la période où tout devait passer par les privatisations, dans une logique plus idéologique qu’économique, pour relancer le secteur public, donc ne répondant plus à la nouvelle stratégie des pouvoirs publics de l’époque. Durant cette période, les employés de l’hôtel ont vécu le calvaire, leur avenir étant constamment compromis par l’incertitude. Finalement, en 2008, la cinquième opération de privatisation a abouti à une vente pour un montant jamais officialisé.

Le montant de la vente qui ne sera jamais révélé officiellement ne dépasserait pas 50 milliards de centimes, selon les employés de l’époque. Cette privatisation n’a finalement pas été suivie d’effet lorsque le nouveau propriétaire a réalisé qu’il ne pouvait pas devenir “propriétaire des murs”, toujours selon les déclarations des représentants des travailleurs du Grand Hôtel. Durant plusieurs années, les employés de l’hôtel ont résisté en organisant des grèves, en demandant leurs droits au départ ou les droits de cession du bien qui devait leur revenir, selon les dispositions juridiques de l’époque.

En 2010, la parenthèse de la privatisation du Grand Hôtel s’est refermée par sa récupération par l’EGTO et sa fermeture jusqu’à aujourd’hui.
Le lancement du projet de réhabilitation du Grand Hôtel est une gageure en pleine crise économique et sanitaire. Les investissements pour remettre sur pied l’établissement seront très élevés, d’autant qu’il faudra de nouvelles expertises sur l’état de la bâtisse.

Alors que le parc hôtelier d’Oran s’est enrichi ces dix dernières années, la réouverture du Grand Hôtel d’Oran ne pourra réussir qu’avec la mise en avant de son passé, son statut de témoin de l’histoire et, surtout, par l’exploitation d’un atout inestimable : son implantation au cœur de la ville d’Oran, pouvant intégrer un circuit touristique, patrimonial et culturel.

 


D. L.

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