L’Actualité Dalila Iamarène Djerbal, sociologue et militante des droits de femmes

“L’infériorisation des femmes est source de violences”

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Souhila HAMMADI Publié 01 Février 2021 à 23:21

Mme Dalila Iamarène Djerbal. © D.R.
Mme Dalila Iamarène Djerbal. © D.R.

La responsabilité des violences commises contre les femmes sont imputées à la passivité de l’entourage de la victime, mais aussi aux services de sécurité et aux autorités judiciaires, qui privilégient souvent la voie de la réconciliation sans mesurer l’ampleur du danger.

Le réseau Wassila, un collectif de militantes des droits humains, est confronté, depuis au moins deux décennies, aux violences infligées aux femmes généralement en milieu familial. Sociologue et militante des droits humains, Dalila Iamarène Djerbal livre son expérience avec les victimes et décrypte les causes d’un phénomène socialement déstabilisant.

Elle affirme que les femmes sollicitent le réseau Wassila “surtout pour la violence des proches : dans la grande majorité des cas, ce sont des violences physiques qui ne vont pas sans violences psychologiques, menaces, violences sexuelles, humiliations, et même tentatives de meurtre. L’objectif premier de ces femmes est la survie, essayer de mener un semblant d’existence ‘normale’, protéger les enfants, assumer les charges domestiques, travailler, c’est vital pour elles”. Elle explique que le coup fatal est asséné au bout de multiples sévices moraux et physiques : “Le féminicide n’est pas un accident dans une vie, c’est un long processus de destruction des défenses psychologiques de la victime par des violences portées chaque jour, sans laisser de traces, une gifle, un coup de pied, une humiliation, des menaces de faire plus, etc.” Elle accuse la société, la famille, qui inhibent la victime, en lui conseillant d’encaisser les coups au lieu de se défendre. “On va chercher chez elle une justification aux légitimes droits de violence de son agresseur.

Cette société qui en fait une mineure à vie dans la loi, ce qui détermine toute son existence et ses moyens d’autonomie, cette justice qui prend mieux en charge une victime d’accident de la route qu’une victime de violence humaine…” Les femmes en situation de détresse se rebellent parfois. Souvent, elles sont livrées, à nouveau, à leurs bourreaux, pieds et poings liés. “Ce qui est terrible, c’est de voir des femmes, après une tentative de fuir la violence, revenir dans ce ‘foyer conjugal’ parce qu’elles n’ont pas où aller avec des enfants, parce qu’elles n’ont pas de revenus, parce qu’elles ne trouvent pas le soutien des proches, parce qu’elles ont été renvoyées par des policiers qui banalisent ces violences, parce qu’un juge leur a dit : ‘ Que crois-tu ? Qu’une femme n’est pas battable ?’”, regrette notre interlocutrice. Elle évoque le cas d’une épouse qui a voulu dénoncer à la police son conjoint tortionnaire. “À chaque fois qu’elle déposait plainte, l’officier de service lui dit : ‘C’est vrai ce que tu racontes ? Retourne chez toi ! Comment vas-tu nourrir tes cinq gosses ?’ Il n’y a rien de plus destructeur que de mettre en doute les paroles d’une victime qui a déjà le plus grand mal à étaler sa vie privée et les humiliations subies face à des inconnus.” Au regard de la sociologue, “la société est en profonde crise morale.

Toute cette violence est d’abord la conséquence de l’infériorisation des femmes dans le code de la famille, dans la vie sociale, dans les médias, dans les discours religieux”. Elle estime que les services de sécurité (police, gendarmerie) et les autorités judiciaires “doivent prendre au sérieux tous les dépôts de plainte avec ou sans certificats d’ITT. Elles ne doivent pas renvoyer les victimes vers leur agresseur ‘pour la paix des familles’. Elles doivent interpeller l’homme violent et l’éloigner de la victime. Il faut décharger les victimes de toutes ces procédures bureaucratiques, comme les notifications par huissier, l’allongement des procédures qui ne font que retarder les jugements.

Il faut supprimer la ‘clause du pardon’ dans la loi sur les violences, car c’est l’impunité offerte au criminel”. L’État, garant de l’intégrité physique et morale des citoyens, est incité à “prendre des mesures concrètes de protection et de prévention, et pas seulement à déclamer des discours pour la galerie internationale. C’est à l’État de donner les moyens matériels à ces victimes, centres d’accueil, logements sociaux, travail, et non se défausser sur les familles précarisées par la situation économique, qui n’ont souvent ni l’espace ni les revenus pour accueillir femmes et enfants”, conclut Mme Djerbal. 

Souhila H.

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