L’Actualité Le mouvement populaire confirme son retour après une année d’arrêt des marches

La deuxième vie du Hirak

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Souhila HAMMADI Publié 06 Mars 2021 à 22:20

© Yahia Magha/Liberté
© Yahia Magha/Liberté

Et de trois pour l’insurrection pacifique qui aura réussi à asseoir son retour vendredi dernier après les deux tests des 22 et 26 février. Une donne avec laquelle il faudra compter. 

Mobilisation massive, présence importante des femmes, dispositif sécuritaire allégé et moins répressif. C’est sous l’aune de ce triptyque que s’est décliné le deuxième vendredi post-trêve sanitaire, restituant au mouvement citoyen son souffle et son âme. “Les Algériens ont démontré, ce vendredi, que le Hirak est de retour en force. Il va s’étendre aux petites localités, les semaines à venir”, décrypte Nacer Djabi, sociologue. Pour lui, le peuple est conscient qu’il n’a pas obtenu ce qu’il désire contrairement aux prétentions du régime.

“Le fossé entre les Algériens et l’État s’élargit en raison de grands malentendus. La diaspora se mobilisera davantage à cause du projet de déchéance de la nationalité”, souligne-t-il. Il suppose que les mises en garde sévères du Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme compromettent la stratégie des pouvoirs publics. “Cette réaction est, certes, tardive, mais importante. Elle enlève à l’État l’argument de l’ingérence étrangère, puisqu’elle émane d’un organisme international dont l’Algérie est membre”, relève notre interlocuteur.

Les forces de la police nationale, déployées sur les parcours des marches dans les grandes villes, se sont abstenues, avant-hier, de recourir à la matraque et aux gaz lacrymogènes. Quelque 300 interpellations de citoyens ont été signalées dans vingt wilayas. Ils ont tous été relâchés en fin de journée. “Pour la première fois depuis le début du Hirak, il n’y aura, ce dimanche, aucune présentation d’activistes devant le parquet”, confirme Me Abdelghani Badi. “Oui, la résolution de l’ONU a pesé, car elle intervient dans le cadre de conventions internationales. Elle incitera le pouvoir à abandonner les approches sécuritaire et judiciaire au profit d’une solution politique”, estime-t-il. Dans le camp opposé, “ceux qui avaient légitimement peur des arrestations et des poursuites judiciaires renforceront les rangs des manifestants. C’est le deuxième souffle du Hirak après une année de graves violations des droits de l’Homme. Il confortera sa volonté du changement en dehors de la feuille de route du régime”, complète-t-il. Sans ambiguïté, le mouvement continue à puiser son essence du principe constitutionnel : le peuple, source du pouvoir. “Le Hirak est la solution”, “Le Hirak est un processus libérateur”.

Ces deux slogans évocateurs ont été transcrits, avec l’emblème national en toile de fond, sur des centaines de pancartes brandies lors la grande marche hebdomadaire. “Nous n’avions d’autre choix que de réinvestir la rue”, affirme un jeune manifestant, abordé à la rue Victor-Hugo, perpendiculaire à la rue Didouche-Mourad. “Nous avons suspendu les marches pour éviter une catastrophe sanitaire. Ils en ont profité pour réprimer les activistes. Personnellement, ça me faisait mal de ne rien pouvoir faire”, poursuit-il.

“Il y aura de plus en plus de monde dans les marches. Le ras-le-bol est général”, pronostique son camarade. Les deux protestataires rejoignent aussitôt la foule qui scandait à cet instant : “Echaâb yourid el-istiqlal” (le peuple veut l’indépendance), sous les regards impassibles des casques bleus.  Youcef Ramdane Taâzibt, membre de la direction du Parti des travailleurs, se réjouit du retour en force de l’insurrection populaire. “La répression n’a pas du tout cassé la révolution alimentée par la politique du gouvernement”, rappelle-t-il. “Les marches ont été suspendues à cause de la pandémie. Le pouvoir en place en a profité pour porter atteinte aux libertés. Il a procédé à des arrestations par centaines et à des condamnations à la prison. Une année après, force est de constater que le pays vit une régression sur tous les plans. Les conditions objectives du retour des manifestations sont réunies”, analyse-t-il. Il pousse à une exacerbation de la protesta par une envolée de revendications sociales.

“La flambée des prix, les licenciements et pertes d’emplois par millions (notamment secteur informel, disparition de la classe moyenne, des commerçants et artisans en faillite…), l’insécurité sociale gagnent du terrain”, égrène-t-il, considérant qu’il serait faux de circonscrire “les aspects de la révolution à la seule dimension des libertés. Les gens sortent aussi dans la rue parce qu’ils vivent dans l’indigence, pour que leurs enfants ne meurent plus en mer, par manque de soins…”.  

Souhila H.

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