L’Actualité Reprise du transport interwilayaS des voyageurs

La fin du diktat des “fraudeurs”

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Amar RAFA Publié 03 Janvier 2021 à 09:25

© Louiza Ammi/Liberté
© Louiza Ammi/Liberté

Cette reprise, les voyageurs l’attendaient avec impatience après des mois de suspension et de déchirure familiale.

Il est 11h à la gare routière du Caroubier, à Alger. Au lendemain de l’autorisation de la reprise des transports terrestres interwilayas, on ne se bouscule pas au portillon de cette gare où un agent posté est chargé de faire respecter les mesures sanitaires, port de bavette et prise de température. À l’intérieur du vaste hangar glacial qui abrite les guichets pour la vente des tickets et les magasins, il n’y a pas grand monde. Seules quelques personnes sont assises sur des bancs en prenant leur mal en patience dans l’attente de l’horaire fixé pour leur départ. Une ambiance austère. Même les boutiques et “gift-shops” sont fermés, excepté un bureau-tabac dont le propriétaire s’affairait encore à nettoyer la devanture de son magasin pour la reprise de ses activités après 10 mois de fermeture.  

La reprise des transports terrestres interwilayas, les voyageurs, qu’on a pu approcher, l’attendaient avec impatience après des mois de suspension et de déchirure familiale, selon leurs témoignages. Affalé sur un banc, dans un coin à peine éclairé et emmitouflé dans sa doudoune au point de ne laisser paraître que le bout de son nez, un jeune qui ne dissimulait pas son soulagement, se réjouit : “Enfin, je vais pouvoir rendre visite à ma famille qui habite Tébessa. Jusque-là, je n’étais en contact avec ma mère que par Facebook, ou la webcam, sans plus.

” Pour Islam, 26 ans, comme pour nombre de voyageurs, l’autorisation des transports publics interwilayas est aussi synonyme de libération du diktat des “fraudeurs”, un sobriquet dont sont affublés les chauffeurs de taxi clandestins.  “Nous ne pouvons recourir qu’aux fraudeurs et même aux taxis qui ont doublé les tarifs de la course. Par exemple, de Médéa jusqu’ici, j’ai déboursé la somme de 1 000 DA alors que d’habitude le prix ne dépassait guère les 400 DA”, déplore-t-il avant de lâcher presque dépité : “Les pauvres malheureux sont las de payer, à chaque fois, le prix de la mauvaise gestion.”  

En partance pour Tizi Ouzou, Mhamedi, un quadragénaire, a émis le souhait que cette reprise des transports puisse contribuer à mettre fin aux problèmes du transport qui profitait aux clandestins qui modulaient les tarifs à leur guise, notamment la destination qui était fixée à 1 000 DA. “Maintenant, ce ne sera plus le cas puisqu’il y a un car tous les quarts d’heure”, dit-il. Un constat partagé par un autre voyageur en partance pour l’Est. Revêtu de son ample djellaba, Mohamed fait les cent pas, impatient de rejoindre sa destination, exactement à Tébessa pour des raisons familiales. “Après tant de mois, c’est une bénédiction de Dieu. Car auparavant on avait recours aux courses des taxis clandestins, qu’on payait à 5 000 et 6 000 DA la course”, confie-t-il. 

Près de Mohamed, deux jeunes dames, avec un bébé, disent, elles aussi, “être contentes de pouvoir prendre le car pour Khenchela au lieu des taxis fraudeurs qui nous prenaient 3 000 DA par personne, alors que le prix d’une place par car est tout juste de 1 003 DA. Soit, trois fois moins cher”.

Mais sitôt sorti de la gare routière, de nombreux taxis clandestins n’hésitent pas à accoster les passants et autres voyageurs. “El-Bordj”, “Sétif”, crient-ils. Interrogés, ils se laissent aller à la confidence. “Avant cette réouverture, nous avons bien travaillé, surtout avec les gens modestes. C’est surtout les militaires que nous transportions. Ce n’était que du plaisir. Nous avons sillonné les 48 wilayas et nous avons bien profité pour visiter notre pays durant la pandémie de coronavirus. Étant pères de familles, nous pensions aux gens de condition modeste comme nous en leur proposant des tarifs abordables”, raconte un chauffeur clandestin.

Non loin de là, au milieu d’un carrousel de taxis interwilayas, une dame d’un certain âge affirme, elle aussi, avoir subi le diktat des clandestins. En partance pour Oran, elle raconte : “Mon fils n’étudie pas depuis 2 mois et il doit passer son BEM. Mais pour apporter le dossier de transfert de mon fils à Baba Hacène (Alger), le clandestin a réclamé 10 000 DA pour un aller simple. Et dès la reprise des taxis, je n’ai pas hésité un seul instant àfaire le choix entre rater mon boulot et prendre le taxi.”

Stationnés dans une place balayée par un vent glacial, les taxis attendaient dans une organisation impeccable, par quais et par wilayas, les clients qui n’étaient pas nombreux. “Ce n’est que le début, nous espérons bien plus de voyageurs dans les jours à venir. Nous avons attendu 10 mois, pourquoi ne pas patienter davantage ?”, lance un chauffeur de taxi de Djelfa. 

Vers un retour à la normale 
Même si c’est encore timide, les associations et les organisations professionnelles du secteur tablent, elles aussi, sur un retour progressif à la normale durant les prochains jours. Le président-directeur général de la Société de gestion des gares routières d'Algérie (Sogral), Youcef Tessa estime que la reprise sera progressive.

“Les bus ont commencé les réservations aujourd’hui et ce sera progressif, en respectant les instructions du ministre de tutelle, en ce qui concerne les horaires du confinement. Mais, c’est un très bon début”, dit-il. “La reprise n’est pas une surprise pour nous. Donc, nous nous sommes préparés sur tous les plans matériel et humain, notamment pour le respect du protocole sanitaire qui est appliqué dans son ensemble”, ajoute-t-il lui dont l’entreprise a pâti durant ces longs mois. “Nous attendions, poursuit-il, avec une grande impatience la reprise, qui est une bonne nouvelle pour les personnels, pour les voyageurs et l’entreprise qui a perdu 75% de son chiffre d’affaires et enregistré un déficit de 1,7 md de dinars.” Sogral enregistre 700 départs par jour et un nombre annuel de voyageurs de 86 millions durant 2019.

Pour sa part, le président de l'Unact, Aziouez Boukerrou, affirme qu’au premier jour de la reprise, il y a eu plus de 120 taxis qui sont sortis. “Les chauffeurs de taxi ont souffert 10 mois durant. Nous avons touché le fond, sans aucune aide des autorités, et ce, en dépit des déclarations du président de la République d’accorder une aide de 30 000 DA”, explique-t-il. Aussi “bien que le véhicule de 9 places ne soit autorisé à prendre que 5 clients, nous avons décidé de respecter l’actuelle tarification jusqu’à nouvel ordre.

Et ce, malgré le fait qu’elle soit dépassée, puisque nous avons eu 4 augmentations des prix du carburant, plusieurs augmentations des assurances automobiles et sociales, ainsi que l’achat des véhicules et les pièces d’entretien du véhicule”, rappelle-t-il avant de conclure qu’“il y a un manque à gagner mais nous savons que cette situation est provisoire”.

 


A. R.

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