L’Actualité À L'HÔPITAL COVID D'EL-KERMA (ORAN)

Le choc du vécu des malades

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D. LOUKIL Publié 22 Décembre 2021 à 22:28

© Archives Liberté
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Oran est, depuis peu, l'une des wilayas qui semble la plus touchée par la 4e vague,  et le plus dur est à venir, redoutent les spécialistes.

L’hôpital Covid d'El-Kerma, à 13 km d'Oran. Il est presque 13h et les va-et-vient des personnes se présentant dans cette structure hospitalière, entre visiteurs et nouveaux malades entrants, se font plus denses. Dans un coin du hall, un homme d'un certain âge est assis seul sur un banc. Tête baissée, les yeux rougis par les larmes, nous apprenons qu’il vient de perdre un parent. Le décès s'est produit peu de temps avant notre arrivée. Ces scènes se font très fréquentes ces derniers jours et le plus souvent la nuit.  

Au rez-de-chaussée ou aux deux étages supérieurs, où, d’après la professeure en charge de la structure, plus de 90 malades sont actuellement hospitalisés, une odeur indéfinissable, malgré nos masques sur le visage, nous prend à la gorge. Le froid est glacial et humide dans les couloirs et dans les chambres à deux lits, où l'on retrouve hommes et femmes ensemble. 

Tous, pour la plupart, sont sous oxygène. Des garde-malades nous apostrophent, leur visage est marqué par la fatigue. “Il n'y a pas de chauffage, et si vous avez besoin de quelque chose, il n'y aura personne pour vous venir en aide ! La nuit, nous entendons les appels provenant des autres ailes”, lâche un jeune homme et il n'est pas le seul.

Tous n'en peuvent plus, et ce, au même titre que les soignants que nous avons croisés. “Moi, je suis là pour mon mari, je suis assise toute la nuit sur une chaise pour surveiller ses constantes, car s'il a un problème, il partira !... Si vous avez un malade, il vous faudra rester avec lui”, raconte une femme, ajoutant que, parfois, pour tenir, il faut être deux garde-malades.

Il est certain que ces derniers ne portent pas de tenues de protection, ils apportent des couvertures, de la nourriture pour eux et pour leur proche luttant contre la mort. Il y a les mieux nantis qui ont des résistances, des bains d'huile pour supporter les nuits glaciales d'El-Kerma, les bouillottes aussi sont utilisées pour tenter de réchauffer les mains ou les pieds d'un père, d'une mère, d'une tante... L'on ose le scénario catastrophe d'un court-circuit.

Autre aberration au sein de cette structure très sensible, parce que dédiée à la Covid-19, ce sont encore les gardes-malades qui lavent le sol de la chambre avec de la javel et du crésyl qu’ils ont apportés. Tous, sur place, doivent faire avec les moyens de cet établissement de santé de 60 lits, qui a été ouvert dans l'urgence lors de la 3e vague de Covid, où seule une partie a des lits disponibles. 

Hier, on nous a confirmé sur place à El-Kerma que le service de réanimation n’est toujours pas fonctionnel, et pourtant vital pour les malades Covid. À l'hôpital de Chtaïbo dédié également à la Covid, les 12 lits de réanimation sont tous occupés. Les manomètres, dont il est souvent question, sont, pour la plupart, inutilisables, nous dit-on.

La professeure que nous avons rencontrée et qui est une hospitalo-universitaire du CHUO explique que la situation est pénible : “La situation est très difficile avec cette 4e vague. Nous n'avons pas eu une journée avec zéro hospitalisation, zéro consultation, c'est la même virulence que la troisième vague avec, probablement, toujours le variant Delta.”

Et de poursuivre : “Certes tout n'est pas parfait, mais nous tenons. La population devrait prendre conscience de la gravité de la situation, nous sommes mobilisés et nous faisons du mieux que nous pouvons. Rester à El-Kerma n’est pas évident.” Nombre de soignants, en effet, demandent à rejoindre leurs précédents services au CHUO, n'arrivant pas à tenir face à la pression du virus et des proches des malades. 

Ce sont là deux vécus, deux réalités, qui s'entrechoquent. Pour certains, les garde-malades ne sont pas disciplinés, et pour ces derniers, ils n'ont d'autre choix que de parer, comme ils peuvent, aux défaillances de la prise en charge. Si l'on nous affirme qu'il n'y a pas de crise d'oxygène pour cette 4e vague, un problème incompréhensible impacte pourtant directement la disponibilité de l'oxygène pour les malades.

“L'évaporateur ou réservoir d'oxygène est installé à l'extérieur, et en hiver, avec le froid glacial d’El-Kerma, l’oxygène givre”, nous ont expliqué nos interlocuteurs. Oran est, depuis peu, l'une des wilayas qui semble la plus touchée par la 4e vague, et le plus dur est à venir, nous dit-on encore.
 

D. LOUKIL

 

 

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