Cette arrestation a provoqué une mobilisation de la population ; mobilisation qui a pris de l’ampleur, pour sa libération.
La mise sous mandat de dépôt, jeudi dernier, de l’activiste d’Aokas, Djamel Ikni, par le tribunal de Sidi M’hamed (Alger), a suscité colère et indignation parmi la population de sa région, où la mobilisation pour sa libération a pris une ampleur depuis son arrestation, lundi 30 août, par la police, à la cité des Palmiers.
Après la décision de sa mise en détention provisoire à Alger, plusieurs citoyens d’Aokas, à l’est de Béjaïa, se sont rassemblés, jeudi soir, devant le domicile de Djamel Ikni, en signe de solidarité avec lui et sa famille. Vers 18h, la foule, qui a vu grossir ses rangs, a décidé d’improviser une marche pacifique vers la symbolique placette Katia-Bengana, sise au centre-ville d’Aokas. Brandissant le portrait du jeune incarcéré à Alger, les marcheurs ont renoué avec l’ambiance des manifestations du mouvement populaire du 16 Février 2019 à Kherrata, en scandant les slogans traditionnels du Hirak.
D’autres slogans qui se sont greffés aux revendications principales de la manifestation du jour, à savoir “la libération des otages” (détenus d’opinion), dont Djamel Ikni. “Djamel est militant et non un terroriste !”, clamait la foule en guise de riposte aux accusations retenues par le tribunal de Sidi M’hamed contre leur camarade incarcéré depuis jeudi 2 septembre.
Mercredi soir, un rassemblement pacifique a été observé par un groupe de militants du Hirak, à la place de la liberté d’expression Saïd-Mekbel de Béjaïa, en signe de soutien à l’activiste Djamel Ikni et à sa famille.
À noter que le jeune activiste d’Aokas a été transféré à Alger, jeudi dernier, après trois jours de garde à vue passés au commissariat central de Béjaïa. Une décision qui a soulevé un tollé sur les réseaux sociaux. “Pourquoi ne l’a-t-on pas jugé à Béjaïa ?”, s’interrogent un bon nombre d’observateurs de la scène politique régionale. Selon des avocats engagés dans la défense des militants politiques à Béjaïa, la comparution de l’activiste Djamel Ikni devant le pôle pénal national, chargé des infractions liées aux TIC, qui siège au tribunal de Sidi M’hamed, s’explique par les charges retenues contre lui, dès lors qu’il est poursuivi pour ses publications sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, il y a lieu de signaler que la ville de Kherrata, considérée comme l’épicentre du Hirak, a vécu des scènes d’émeutes durant les deux journées de mercredi et jeudi derniers, où des affrontements entre les forces antiémeutes et de jeunes manifestants ont éclaté aux abords de la place baptisée symboliquement du nom de la Révolution du 16-Février-2019. Un rassemblement empêché.
L’intervention musclée des forces de police s’est soldée par l’arrestation de plusieurs manifestants qui seront relâchés tard dans la soirée. La détermination des hirakistes de Kherrata à réinvestir la rue, en revenant à la charge le lendemain, a replongé cette ville historique dans l’émeute, puisque les affrontements ont repris le jeudi 2 septembre.
Aux tirs de bombes lacrymogènes des renforts de CRS, les manifestants surchauffés lançaient des pierres. Des échanges de coups qui ne manqueront pas de provoquer des dommages à des véhicules de particuliers qui étaient stationnés au bord de la route.
Il faut dire que ces scènes de violences enregistrées dans la ville de Kherrata ont fait réagir certaines organisations non gouvernementales (ONG) et autres associations qui appellent au calme et à la vigilance.
Ainsi, le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) appelle, dans une déclaration rendue publique, hier, à “ne pas répondre aux provocations, afin de préserver le caractère pacifique de la dynamique populaire et la symbolique de Kherrata pour son engagement et son activisme pacifique et rassembleur durant le Hirak”.
En outre le RAJ condamne et dénonce la répression du rassemblement initié par des citoyens de Kherrata, et interpelle le pouvoir sur “l’urgence de mettre un terme à la répression, aux intimidations et aux harcèlements policiers et judiciaires contre les militants, ainsi qu’aux atteintes aux libertés démocratiques, notamment la liberté d’expression, de rassemblement et de presse, garanties par la Constitution et les différentes conventions que l'Algérie a ratifiées”.
De son côté, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh) appelle aussi au “calme, à la vigilance et à la sauvegarde du caractère pacifique du combat citoyen”. “Kherrata est bien le symbole du Hirak pacifique, ne laissez pas ternir cette symbolique gravée dans l'histoire. Vigilance et pacifisme !”, lit-on dans le communiqué de la Laddh.
Pour sa part, l'association culturelle Asaki (Éveil), qui organise le Café littéraire de Tichy, qualifie l'arrestation de Djamel Ikni de “provocation de trop”. “Nous ne pouvons rester indifférents devant tant d'humiliation et d'injustice. La peur doit changer de camp !”, notent, dans leur communiqué, les animateurs de l’association Asaki.
KAMAL OUHNIA