
Après des années de “gloire” et de proximité avec le “pouvoir”, c’est la disgrâce pour l’ancien patron des résidences de Club-des-Pins et Moretti, Hamid Melzi, avec à la clé des démêlés avec la justice.
Revers à la mesure de ce qui faisait sa force. Dimanche 19 décembre, dans la soirée, le procureur de la République près la cour d'Alger a requis, lors du procès en appel des jugements de première instance, un durcissement de la peine à l'encontre de tous les accusés dans l'affaire de l'ex-directeur général (DG) de la résidence d'État Sahel.
Selon l’agence officielle qui rapporte l’information, le parquet a également requis un an de prison ferme assortie d'une amende de 2 millions de dinars contre les accusés qui, auparavant, bénéficiaient de l'innocence dans cette affaire.
En détention provisoire depuis mai 2019, Hamid Melzi a été poursuivi pour plusieurs chefs d'accusation, dont “blanchiment d'argent”, “transfert de biens provenant de la criminalité”, “abus de fonctions à l'effet d'accorder d'indus privilèges”, “incitation d'agents publics à exploiter leur influence en vue de violer les lois et réglementations en vigueur” ainsi que “conclusion de contrats en violation des dispositions législatives et réglementaires en vigueur”.
Toutes ces charges sont retenues contre Melzi et ses co-accusés dans le cadre de la réalisation de cinq importants projets d’investissement octroyés de gré à gré, dont deux ont été confiés à l’entreprise chinoise King Young : le data center, le parc de loisirs de Ben Aknoun, la réalisation des 400 chalets de la résidence d'État, la rénovation de Djenane El-Mithak et le nouveau siège d'Air Algérie.
Fin septembre dernier, le Pôle économique et financier près le tribunal de Sidi M'hamed avait condamné l’ancien patron des résidences d’État à une peine de 5 ans de prison ferme, assortie d'une amende de 8 millions de dinars ainsi qu’une amende de 20 millions de dinars à payer au Trésor public à titre de dommages et intérêts, et le gel de tous ses comptes bancaires.
Dans cette affaire de corruption, de hauts responsables comme les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, tous deux en prison, sont poursuivis. Si le premier a été condamné à une peine de 6 ans de prison ferme assortie d'une amende d’un million de dinars, le second s’est vu infliger une peine de 5 ans de prison ferme assortie d'une amende d'un million de dinars.
Trois des fils Melzi – Ahmed, Salim et Mouloud – ont été condamnés, quant à eux, à une peine de deux ans de prison ferme, assortie d'une amende de 8 millions de dinars. Quant au quatrième, Walid, il a écopé d'une peine d'un an de prison ferme et d'une amende d'un million de dinars. En outre, les sociétés des fils Melzi doivent s'acquitter, solidairement, d'une amende de 32 millions de dinars.
D’autres peines ont été prononcées contre d’autres responsables impliqués dans cette affaire comme l'ex-directeur d'Air Algérie, Bekhouche Allache, condamné à deux ans de prison, dont un an avec sursis, et à une amende de 500 000 DA, l'ex-directeur général d'Algérie Télécom, Ahmed Choudar, condamné à un an de prison ferme assortie d’une amende d'un million de dinars ou encore l'ex-directeur de la résidence officielle El-Mithaq, Ahmed Cheriet, qui a écopé d’un an de prison avec sursis et d’une amende de 200 000 DA.
Face au juge, l’ex-patron de Club-des-Pins a balayé d’un revers de la main toutes les accusations retenues contre lui, se disant victime d’un complot fomenté par l’ancien patron de la Gendarmerie nationale, Ghali Belkessir, aujourd’hui en fuite.
Mais qui aurait prédit, il y a deux ans à peine, une telle fin pour un homme à qui certains prêtaient un grand pouvoir, au point de le faire passer pour le gardien des secrets de la nomenklatura, tout en l’affublant du qualificatif de “boîte noire” du régime de Bouteflika ? C’est que, avant sa chute, Hamid Melzi était un homme qui comptait dans l’establishment politique algérien, un intouchable même.
Pour preuve, il a régné un quart de siècle à la tête des résidences les plus sécurisées du pays et où habitaient les dignitaires du système, leurs familles et la clientèle. Des résidences qui faisaient fantasmer tant d’Algériens qui se les représentaient comme une sorte de corne d’abondance et un lieu très fermé où se jouait le destin du pays.
D’aucuns expliquent la puissance de Melzi et sa longévité à la tête des résidences d’État par sa “proximité” avec l’ancien patron des services algériens, Mohamed Mediene, dit Toufik. Pourtant, après le limogeage de celui-ci en 2015 par l’ancien président Bouteflika, le patron de la Société d’investissement hôtelière (SIH) n’a pas bougé de son poste, y compris après l’ouverture d’une enquête par la gendarmerie de Staouéli en 2017 sur les deux résidences de Club-des-Pins et Moretti. C’est dire l’importance et la diversité des protections dont il jouissait jusqu’alors.
Il aura fallu attendre la révolution populaire du 22 Février 2019 qui a charrié dans ses flots toute une flopée de hauts responsables, dont des généraux-majors, des Premiers ministres ou encore des hommes d’affaires influents, pour que Melzi tombe de son piédestal.
La présidence de la République avait annoncé, le 24 avril 2019, avoir mis fin aux fonctions de Hamid Melzi, directeur général de l’entreprise Sahel en charge de la gestion des résidences d’État.
Deux semaines plus tard, le 7 mai 2019, il a été placé sous mandat de dépôt, au lendemain de l’arrestation pour “complot contre l’autorité de l’État” du frère et conseiller de l’ancien Président, Saïd Bouteflika, ainsi que des généraux Mohamed Mediène et Athmane Tartag, actant, du coup, le revers de fortune d’un homme qui, près de trois décennies durant, a fréquenté les centres de décision et connu les fastes de la République, non sans jouir goulûment de ses privilèges.
Arab C.