
Au lendemain de l’annonce-choc du gouvernement concernant un avant-projet de loi prévoyant “la déchéance de la nationalité”, des personnalités et des politiques se sont montrés indignés en estimant haut et fort que “pareille proposition ne saurait trouver écho auprès du peuple” ni “ne trouverait terrain d’application de par son aspect illégal”.
Le texte prévoit, en effet, la mise en place d'une procédure de déchéance de la nationalité algérienne acquise ou d'origine qui sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l'État ou qui portent atteinte à l'unité nationale.
La mesure s'appliquerait aussi à celui qui active ou adhère à une organisation terroriste, ainsi qu’à celui qui la finance ou qui en fait l'apologie. Ce dispositif concerne également toute personne qui collabore avec un État ennemi. Pour Rachid Nekkaz, fondateur du Mouvement pour la jeunesse et le changement (MJC), “il s’agit là d’un projet de loi illégal et anticonstitutionnel”.
“Si le Conseil constitutionnel algérien valide ce projet de loi, il sera condamné par le Comité les droits de l’Homme des Nations unies”, écrit-il sur son compte Facebook. La réaction a été tout aussi forte de la part de Louisa Hanoune, SG du Parti des travailleurs (PT), qualifiant la mesure de “discriminatoire”. Elle exige “le retrait immédiat de l’avant-projet de loi”.
Raisons ? “L’atteinte à l’intérêt national de l’État et à l’unité nationale sont deux crimes qu’on ne peut identifier du fait de leur caractère élastique et assez étendu, et que, par conséquent, sous un régime autoritaire, de telles accusations sont utilisées sans discernement”, soutient-elle.
Pour sa part, le célèbre avocat Mokrane Aït Larbi estime que “le retrait de la nationalité algérienne d’origine, héritée de père en fils, est totalement inacceptable”, ajoutant que “quelle que soit la gravité des crimes commis par le titulaire de la nationalité d’origine, celle-ci ne peut lui être retirée”. Encore plus indigné, Me Aït Larbi rappelle que “même les harkis, on n’a pas osé leur retirer la nationalité.”
C’est aussi l’avis de Mostefa Bouchachi, avocat et militant des droits de l’Homme, qui, très explicite sur la question, soutient que “la loi algérienne sur la nationalité de 1970 modifiée en 2005 ne donne aucunement le droit de déchoir un Algérien de sa nationalité d’origine quels que soient les crimes commis”.
“De plus la Convention internationale de 1961 interdit le recours à la déchéance et stipule que chaque personne a droit à un nom, un prénom et une nationalité”, dit-il. Avocate et cadre dirigeante du RCD, Fetta Sadat estime, de son côté, sur sa page Facebook, qu’“il s’agit là d’une autre dérive”, assurant que “les tenants du pouvoir de fait usent, de manière outrancière, de tous les moyens pour étouffer toute voix discordante”.
“Déchoir les opposants vivant à l’étranger de leur nationalité algérienne, en plus d’être dénué de tout fondement légal, constitue une atteinte flagrante à l’unité nationale. Soubresaut pitoyable d’un système moribond en mal de légitimité et en perte de vitesse qui ne recule devant aucune ignominie pour assouvir son esprit revanchard et rancunier”, soutient-elle.
Nabila SAÏDOUN