L’Actualité L’Autre Algérie

Monologue de l’Algérien irreprésentable

  • Placeholder

Kamel DAOUD Publié 17 Juin 2021 à 09:13

© D.R.
© D.R.

Par : Kamel daoud 
écrivain


“Qui me représente au final ? Pas Bengrina, c’est un produit dérivé de Bouteflika. Une jonction coûteuse entre le guérisseur cathodique, l’obsession pour le trumpisme arabe, la virginité et les stimulants sexuels. On va le subir tant que la génération Echourouk/Ennahar est encore là à demander le pouvoir, des salaires et la vengeance sur l’histoire et le déclassement après la chute de Grenade. Le bonhomme va promettre ce que promettent les herboristes contre le cancer, faire des dégâts et se résorber dans le désert en emportant du temps et des âmes. Alors qui ? Le FLN ? Non, il représente les morts et des os. Un vieil appareil dentaire qui mâche encore, alors que tout le reste du corps a disparu. Une absurdité dentaire. 

Il vivra longtemps parce qu’il est mort depuis longtemps. Non concerné par le temps, il ne l’est pas par les délais. Il vivra tant que vivra Bouteflika, l’ONM ou les intellectuels urbains qui lui laissent le reste du pays et accaparent les écrans. Alors le FFS, le RCD et autres partis autrefois glorieux aujourd’hui banlieusards identitaires ? Non. Aït Ahmed est mort et le feu laisse des cendres et les cendres épousent les vents. Pour l’autre parti, trop d’identité a fini par fabriquer trop de différences. Je ne me reconnais pas dans ses enfermements. Alors le RND ? Je ne travaille pas dans le secteur public. Je n’ai pas de cachet humide, mon père est mort et ma mère n’a pas de salaire. Le RND est un curieux lézard des murs chauds : sa moustache bouge, alors qu’il est presque mort. Ou l’inverse : son corps est vivant et sa moustache est en prison. Ce parti est une invention de la ventilation des subventions et des marchés publics. Il a l’histoire, la pose, les habitudes et l’aura d’un chef de daïra tenace. Il représente la caste des signataires et des donneurs d’ordre de service, contrôleurs publics bureaucrates. Alors qui ? Le MSP et autres escarcelles islamistes ? Non. Je préfère Allah à ses courtiers et je me méfie des dieux quand ils ont des barbes et ne gardent pas le silence céleste. Et puis ces gens-là ont des regards torves. Ils visent toujours autre chose quand ils vous parlent et semblent attendre du renfort quand ils semblent ne rien faire. 

Au fond, ils ne croient pas dans le pays, mais seulement comme on croit à une chamelle, à un tapis ou à une dune qui va bouger. Je m’en méfie car leur but c’est le passé, pas l’avenir. Ce qu’ils chuchotent n’est pas ce qu’ils déclarent. En fait, je me méfie des gens qui ne voient pas de différence entre la vie et la mort, mais seulement entre les hommes et les femmes. Et alors qui ? Le PT ? Il faut avoir d’abord des usines pour ensuite avoir des trotskistes. Les militaires ? On ne s’habille pas de la même façon et on se méfie l’un de l’autre à cause d’un conflit d’héritiers du pays. Les “autonomistes” ? Sûrement pas : leurs ancêtres voulaient libérer tout un pays, eux, ils se contentent de le casser en petits morceaux. Au mieux, ils manquent d’ambition et de grandeur, au pire, ils veulent juste creuser un trou plus grand pour un drapeau plus petit. Et alors qui ? Les hirakistes ? Ex-détenus ou détenteurs de la vérité absolue ? Algérois ou d’Aïn Defla ? Didouchien ou Algérien ? Twitter ou Facebook ? Engagé ou dégageur ? Amateur de selfie ou lutteur anonyme ? Le 22 février, je suis sorti pour lutter contre un selfie géant qui voulait prendre ma place et mon pays. Aujourd’hui, je suis en colère pour la même raison. Si les pompiers ont manifesté à Alger le dimanche et pas le mardi ni le vendredi, c’est qu’ils ne se retrouvent pas dans les selfies et l’histoire de leur pain est plus importante que celle de leurs téléphones. 

Passons. Qui alors me représente ? Les chiffres ? Le boycott ? Le Parlement ? L’ENTV ou Tebboune ? Peut-être Belmadi, mais il est de Champigny-sur-Marne, c’est loin. Les exilés ? Les immigrés ou les harraga ? La valise ou la chaloupe ? L’imam ? Ma femme ou ma mère ? La voiture ou la prière ? Mes enfants peut-être qui ont mes visages intimes. Le matin, je me lève et je vois se lever mon soleil enchaîné, je traîne mon ciel et ma terre, je vais au travail quand je le trouve et je vais vers demain si je n’en ai pas. Je marche puis je tourne, puis je tourne encore, et je finis par revenir là où le soleil se couche. Je voudrais bien être représenté pour pouvoir faire autre chose de mon temps que me chercher moi-même. Mais ce n’est pas le cas. Le peuple a un nom. Pas moi. Dieu a donné le ciel pour ceux qui attendent des réponses et la mer pour ceux qui veulent aller les chercher ; disent les plus audacieux. Les montagnes sont des tentes d’ancêtres ou personne ne peut entrer vivant. Et la terre ? Une tasse de café depuis Messali. Je divague. Tout cela pour dire que je fais de la vraie politique. Celle qui consiste à éviter qu’on en fasse sur mon dos…” 

 

 

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00