Si l’on se fie aux résultats préliminaires des élections législatives anticipées 2021, l’on s’acheminerait tout droit vers un Parlement à forte domination masculine, la représentation féminine n’excédant probablement pas les 10%.
Une (autre) grave régression pour un pays qui, à l’issue des législatives de 2012, trônait au sommet du classement des pays arabes en matière de représentation féminine dans les parlements nationaux avec pas moins de 146 femmes ayant accédé à la chambre basse, soit un taux dépassant 31%. Pourtant, lors de la campagne électorale, certains partis politiques et listes indépendantes n’ont pas hésité à user et abuser de l’argument féminin pour tenter d’intéresser les Algériens à une élection très controversée.
Et de mettre en valeur leurs propres candidates (à l’image comme dans le discours) quitte à donner parfois dans la dérive langagière. Comme ce fut le cas d’Aïssa Belhadi, président du Front de la bonne gouvernance, qui s’est fendu de cette hallucinante déclaration à propos des candidates de sa formation : “Nos beautés sont des médecins, des ingénieurs, des mariées, des directrices… Nous vous avons ramené des fraises, mais sélectionnées, pas celles destinées à l’Afrique du Sud.
Nous avons réuni des compétences et des élites, conformément à l’objectif de notre parti, qui est de distinguer les élites populaires.” Ce dérapage verbal filmé qui est vite devenu viral sur les réseaux sociaux a provoqué un tollé, les internautes dénonçant des propos “sexistes”, “misogynes” et “attentatoires à la femme” qui illustrent la “médiocrité intellectuelle” de la campagne pour les législatives. Pour autant, l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie) n’y a pas vu matière à sanction, ne serait-ce que par un “rappel à l’ordre”, Mohamed Charfi ayant simplement indiqué qu’il n’y avait pas eu plainte pour diffamation.
Autre phénomène de régression politique relevé dans certaines régions à l’occasion de cette drôle de campagne, est l’apparition du “floutage” des visages de candidates de certaines listes qui, à l’évidence, n’avaient pas assumé leur statut de prétendantes à l’APN ou n’étaient pas convaincus par une participation à cette joute à hauts risques.
Pour le sociologue Mohamed Mebtoul, de l’université d’Oran, il ne faut pas se voiler la face : “Nous vivons encore dans une société patriarcale toujours forte dans son fonctionnement” et le chemin à parcourir pour parvenir à une parité homme-femme reste encore long : “Le recul (quoique non encore officiel) du taux de représentation des femmes au Parlement, confirmera une sérieuse régression à la fois pour la vie politique et pour la condition féminine.”
Il reste à prendre en compte les conditions qui ont entouré l’organisation de ces législatives anticipées pour juger de la réalité de la participation de la femme : multiplication des arrestations et incarcérations dans les rangs du Hirak, menace de dissolution d’organisations politiques et associatives, interdiction des marches populaires, refus de certains partis politiques de prendre part à ces élections. Résultat : 70% du corps électoral, au moins, ont tourné le dos aux législatives anticipées, selon les chiffres provisoires. Soit, l’écrasante majorité des Algériennes et des Algériens.
S. Ould Ali