L’Actualité procès du meurtre d’hervé gourdel

Peine capitale pour les assassins

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Souhila HAMMADI Publié 19 Février 2021 à 23:53

Hervé Gourdel. © D. R.
Hervé Gourdel. © D. R.

Les huit terroristes, impliqués dans le rapt  puis dans la décapitation du ressortissant français en septembre 2014, ont été condamnés à la peine capitale  dont  sept  par  contumace.  Ses  accompagnateurs, accusés de non-dénonciation de crime, ont été acquittés.

“Maintenant, je peux faire mon deuil”, a déclaré Françoise Grand Claude, jeudi en fin de journée. Les assassins présumés de son compagnon Hervé Gourdel (un terroriste en détention et sept en état de fuite) venaient d’être condamnés à la peine capitale à l’issue du procès en première instance à la chambre criminelle près le tribunal de Dar El-Beïda.

Les témoignages sur les circonstances du rapt et de la décapitation du ressortissant français en septembre 2014 autant que l’attitude froide du principal accusé ont été éprouvants pour la famille de la victime. “J’ai du mal à parler”, confie la veuve devant la juge de siège. 

Elle avait suivi, soutenue par son frère, le déroulé du procès attentivement, exprimant tantôt l’émotion, tantôt la colère. “Je suis étonnée par les contradictions de l’accusé. Je me suis déplacée, avec les services de sécurité, à l’endroit où a été trouvé le corps d’Hervé. Nous avons marché longtemps dans un site difficile d’accès. Seule une personne qui connaissait les lieux pouvait orienter les militaires”, relève-t-elle à la barre.

Hamzaoui Malek, 36 ans, avait nié, lors de son audition, toutes les accusations portées contre lui, soit kidnapping, torture, homicide volontaire avec préméditation et constitution d’une organisation terroriste. Il accède à la salle d’audience sur un fauteuil roulant, vêtu de noir, les traits du visage adoucis par des lunettes de vue (il les enlève après son passage à la barre, arborant alors un visage impénétrable).

“Je souffre. Je demande le renvoi de l’audience”, requiert-il auprès de la présidente de la chambre criminelle. “Vos douleurs vous accompagneront toute votre vie. Vous serez jugé aujourd’hui”, lui répondit-elle, inflexible. Elle s’assure que tous les prévenus (les cinq accompagnateurs de Gourdel et un citoyen, inculpés pour non-dénonciation de crime, comparaissent libres), soient assistés de leurs avocats.

Elle autorise l’accès de la salle aux parents de Hamzaoui. Elle entame son audition dès la fin de la lecture de l’arrêt de renvoi. Le jeune homme s’adresse à la magistrate d’une voix à peine audible. Il parle de sa situation familiale, de l’abandon de l’école en classe de 3e année primaire, de sa rivalité avec un cousin terroriste qui lui aurait valu la perte de l’usage de son bras gauche. Il évoque les conditions qui l’ont mené à rejoindre le groupe terroriste Ansaria, affilié au GSPC puis à Al-Qaïda, en 2008, à 23 ans. Il affirme avoir passé des années au maquis, cloîtré à l’infirmerie. 

“Je n’avais pas des idées jihadistes, je ne partageais pas les convictions des terroristes. Je suis resté au djebel forcé, sans jouer le moindre rôle ou assumer une responsabilité. Je n’ai jamais porté les armes”, prétend-il. Ses déclarations n’ont pas vraiment convaincu. “Vous voulez nous faire croire que pendant six ans, les terroristes vous ont nourri et soigné sans profiter de votre présence parmi eux ?”, lui assène la juge de siège, sceptique.

Elle lui rappelle ses aveux devant les enquêteurs et le juge instructeur. “Le jour où je me suis rendu, blessé, on m’a collé cette accusation pour boucler le dossier et faire plaisir aux Français”, se défend-il. Il est aussitôt confronté à des captures d’écran de l’enregistrement vidéo montrant la décapitation d’Hervé Gourdel. 

“Vous êtes identifié sur ces images grâce à votre bras paralysé”, insiste la magistrate. L’avocat de la défense tente de semer le doute sur la fiabilité des preuves. En vain. Le représentant du ministère public accule le prévenu sur les circonstances de sa repentance. “Billal, un intermédiaire entre les services de sécurité et les groupes terroristes vous a incité à vous repentir, mais vous avez refusé. Cinq ans plus tard, lorsque vous avez senti votre mort proche, vous l’avez contacté pour vous aider à vous rendre”, lui assène-t-il. 

Malek Hamzaoui a été grièvement blessé à la hanche lors d’un ratissage des forces de l’ANP. La gravité de son état l’a contraint à se rendre aux services de sécurité. C’est lui qui indiquera, en janvier 2015, l’endroit où était enseveli le corps d’Hervé Gourdel. “Je n’ai signalé que la base dans laquelle on conservait les vivres.

L’information m’a été donnée par un terroriste appelé Marwan. Je n’ai jamais vu ‘le Français’. Mon groupe n’a aucun lien avec son assassinat”, continue à dédire l’accusé, droit dans ses bottes. “Si vous n’avez pas participé au kidnapping, comment pouvez-vous donner, aux enquêteurs et au juge d’instruction, des détails sur les faits”, martèle le procureur de la République. 

“Je fabulais. Ils (les enquêteurs) ont fait le scénario qu’ils voulaient”, réplique le prévenu imperturbable. Il insinue qu’il a été confondu avec Abdelmalek Gouri, le chef du groupe Djounoud el-Khilafa (les soldats du califat) responsable de l’assassinat d’Hervé Gourdel (il a été éliminé en décembre 2014). “Mon surnom au maquis est Abou Rahmane Abou Hafs. Je n’ai rien à voir avec cette affaire”, répète-t-il plusieurs fois. Il est néanmoins formellement démenti par quatre témoins oculaires du rapt. 

Oukara Karim, résident en France, était en contact avec Hervé Gourdel. C’est par son entremise, que ce passionné des sports de haute montagne, décide de venir en Algérie explorer un nouveau site d’escalade sur le versant nord du mont Djurdjura. “En 2014, beaucoup d’étrangers visitaient la région. Il n’y avait aucun risque”, assure-t-il à la barre.

Le chemin des randonneurs croise, néanmoins, le 21 septembre vers 19h à proximité du village d’Ath Ouabane dans la commune d’Akbil (wilaya de Tizi Ouzou), inopinément celui de quatre terroristes, qui les laissent partir. 

À quelques encablures, ils sont encerclés par un deuxième groupe, moins enclin à la bienveillance. “Ils nous ont posé des questions, puis se sont adressés à Hervé Gourdel. Comme il ne comprenait pas l’arabe, il ne répondait pas. Ils ont vite découvert que c’était un étranger. Ils l’ont emmené de force. Il ne réalisait pas ce qu’il lui arrivait. Nous avons essayé de les arrêter en leur certifiant qu’il est sur le point de se convertir à l’islam. Ils nous ont repoussés”, raconte Oukara, corroboré par Hamza Boukamoum, Oussama Bouhendi et Kamel Saâdi.

Cette faction venait de faire allégeance à l’État islamique (EI). Elle menace d’exécuter l’otage si les autorités de son pays ne renoncent pas à leur incursion militaire dans le Sahel. La vidéo, mettant en scène la décapitation de l’alpiniste, trois jours plus tard, met en émoi l’opinion publique des deux côtés de la Méditerranée. 

Sans ambiguïté, les quatre hommes désignent Malek Hamzaoui, comme l’un des terroristes, qui les ont attaqués ce jour-là et ont enlevé leur hôte. “Il était avec eux. Il portait une tenue afghane et une arme”, l’identifient-ils clairement. Les traits durcis et le regard glacial, l’accusé pousse un soupir exaspéré à chaque témoignage à charge. C’est au tour d’Amara Ferdjallah de se présenter devant la juge. Il raconte son histoire d’une voix forte : “Je passais par la forêt de retour d’un chantier.

À 21h, des terroristes m’arrêtent et me confisquent le véhicule. Ils me bandent les yeux, le temps d’embarquer quelqu’un dans la voiture et de démarrer. On m’a donné, de l’eau fraîche, de la galette et du thon en conserve. Quelques heures plus tard, on m’a rendu ma voiture, en panne de carburant. J’ai constaté qu’elle avait roulé sur 83 kilomètres. J’ai donné l’alerte au premier poste de gendarmerie.”

Les cinq guides de la victime attestent, aussi, qu’ils ont été retenus captifs pendant presque dix heures avant d’être relâchés. Leurs avocats plaident l’acquittement, soulignant qu’ils sont des victimes. “Ils ont informé la première caserne militaire, à 12 kilomètres du lieu de l’enlèvement dès qu’ils ont pu utiliser leur véhicule”, argumentent-ils.

Le parquet a requis trois ans de prison ferme et une amende de 100 000 DA contre Oukara, Boukamoum, Bouhendi, Saâdi, Amine Ayache et Amara Ferdjallah, placés sous contrôle judiciaire depuis six ans pour avoir tardé à informer les autorités sur l’enlèvement et n’avoir pas déclaré la présence d’un touriste étranger. Ils ont été acquittés par la présidente de la chambre criminelle près le tribunal de Dar El-Beïda et ses assesseurs. 
 

Souhila H.

 

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