
Invitée samedi après-midi à la librairie Multi-livre de Tizi Ouzou pour présenter son ouvrage Viols et filiations (Editions KOUKOU), coécrit avec Christiane Achour Chaulet, la psychanalyste et militante féministe Faïka Medjahed a animé, par la même occasion, un débat autour du féminicide, du viol et des droits des femmes en Algérie.
D’emblée, elle entame son intervention en expliquant que son livre est justement un ouvrage pour dire que nous avons, dans notre pays, une mémoire traumatique et que la violence a été quelque chose d’intrinsèque à tous les événements que nous avons vécus. “Nous avons vécu des événements qui nous ont tous traumatisés. Le fait aussi que le peuple n’a jamais eu accès à sa liberté a quelque chose de traumatique”, a-t-elle estimé.
Abordant le féminicide, elle a expliqué que ce phénomène a toujours existé et qu’il est encore à l’ordre du jour, mais qu’actuellement, “nous avons la chance de pouvoir en parler”. “Aujourd’hui, on parle de tout et pas seulement en Algérie, mais dans le monde entier, à l’exemple du phénomène #MeToo, où des actrices américaines ont révélé toutes les violences qu’elles ont subies pour avoir un rôle”, a illustré Mme Medjahed.
“C’est pour vous dire que grâce notamment aux médias et aux réseaux sociaux, nous savons aujourd’hui que le féminicide existe et nous ne le tolérerons plus”, a-t-elle poursuivi, soulignant que parmi les facteurs qui sont à l’origine de ce phénomène figure en bonne place le contexte mondial où on est sommé de réussir.
Une pression qui est exercée autant sur la femme que sur l’homme qui voit arriver la femme dans la vie professionnelle, a-t-elle estimé, citant l’exemple de la journaliste de TV4 Tinhinane Laceb, victime récemment d’un féminicide. “Elle a été assassinée parce que son mari ne supportait pas le fait qu’elle soit connue et reconnue et qu’elle soit actrice dans la société algérienne”, a-t-elle expliqué.
“Il y a là un phénomène de violence et non pas de rivalité”, a tenu à distinguer Mme Medjahed. Pour elle, cette violence s’explique aussi par le fait qu’avant, nos mères travaillaient aux champs du matin au soir, sans salaire et sans être reconnues, et même battues, alors qu’aujourd’hui, ces femmes veulent leur place dans la société.
“La place de la femme a beaucoup changé et ce, grâce, notamment, à l’école. Actuellement, elle occupe une place à tous les niveaux”, a-t-elle affirmé. “Seulement, il y a toujours ce plafond de verre à ne pas dépasser, ce qui fait que son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur”, a ajouté cette psychanalyste et militante féministe, pour qui le patriarcat est le système le plus archaïque qu’il faut absolument abattre. Parlant du viol, Faïka Medjahed a indiqué que c’est la chose la plus terrible qui puisse arriver à une femme ou à un homme.
“Chez la femme, le viol a toujours été, notamment durant la Révolution, une monnaie de violence, d’échange et de torture contre les moudjahidine, et cela s’est perpétué durant la décennie noire, période pendant laquelle, on volait et on violait les femmes pour faire pression sur le pouvoir en place”, a-t-elle soutenu. “Le corps de la femme a toujours été un moyen de pression”, a-t-elle ajouté.
K. TIGHILT