L’Actualité IL Y A SIX ANS DISPARAISSAIT HOCINE AÏT AHMED

Que reste-t-il de son combat ?

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Arab CHIH Publié 22 Décembre 2021 à 22:37

© Archives Liberté
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S’il  a  laissé  le  Front  des  forces  socialistes  orphelin, Hocine  Aït Ahmed, disparu il y a six ans, manque cruellement à la vie politique nationale qui ne cesse de se déliter. Ses idées et son projet, toujours d’actualité, sont comme abandonnés.

Il était — et il le restera pour longtemps — un symbole de l’engagement politique. Intransigeant et constant. Dernier des neuf historiques, les “fils de la Toussaint”, comme qualifiés par la terminologie coloniale, à l’origine du déclenchement de la guerre de Libération nationale à avoir tiré sa révérence, Hocine Aït Ahmed, dont on commémore le sixième anniversaire de la disparition, a consacré près de 70 ans de sa vie au militantisme politique et à l’idée nationale.

Pour beaucoup, il incarne, à bien des égards, le militant réfractaire aux marchandages politiques et au mercantilisme que ni la prison ni le long exil n’ont réussi à dévier de son idéal de démocratie et de libertés.

Et les hommages unanimes auxquels a eu droit “Si L’Hocine”, comme l’appelaient affectueusement les militants de son parti, à l’annonce de son décès, de la part des hommes du pouvoir comme des leaders de l’opposition toutes obédiences confondues, des fidèles comme des adversaires politiques, renseignent, si besoin est, de la grande stature et de l’influence dont jouissait cet homme exceptionnel dans la vie politique nationale et surtout au sein de son parti qu’il avait fondé en 1963, le Front des forces socialistes (FFS), pour s’opposer au régime autoritaire de Ben Bella et de Boumediène.

Un parti qu’il avait dirigé d’une main de maître un demi-siècle durant et auquel il a imprimé une ligne politique qui fait la part belle aux droits de l’Homme et sans concessions sur les principes démocratiques.

De son vivant, grâce à son charisme et à son riche parcours, Hocine Aït Ahmed avait réussi à faire préserver l’unité des rangs de son parti, malgré de nombreuses défections en cours de route, et à lui donner une ligne politique claire et un discours cohérent, réussissant à faire de lui un acteur incontournable sur l’échiquier politique national.

Seul bémol : sa grande aura, son poids écrasant et la structure bicéphale imposée à la tête du parti en 2013 (instance présidentielle et premier secrétaire) avaient, en quelque sorte, empêché l’émergence d’un leader à même de lui suppléer en dépit de l’existence de cadres aguerris.

Résultat des courses : une année seulement après sa disparition, le FFS, qui héritait d’un legs historique assez pesant, est confronté à des remous et à de graves dissensions entre différentes “ailes”, lesquelles atteignent leur summum en 2018 lorsque la direction légitime du parti menée alors par Ali Laskri se fait débarquer sans ménagement du siège national par une direction parallèle.

Dans l’intervalle, des purges, parfois liées à des ego, des différences d’approches ou d’ambitions pour le contrôle de l’appareil sont opérées au sein du parti. Aussi, beaucoup de cadres de valeur quittent volontairement le “navire”.

Cette grave crise dont les stigmates demeurent a failli emporter le plus vieux parti d’opposition. Ce n’est qu’avec l’intronisation à la tête du tandem Hakim Belahcel-Youcef Aouchiche qu’il a retrouvé une certaine stabilité qui lui a permis, non sans peine, de prendre part aux élections locales du 27 novembre dernier.

Compte tenu des vicissitudes vécues par le parti, le constat aujourd’hui est presque unanime : on ne remplace pas facilement un homme de la trempe d’Aït Ahmed, au parcours historique exceptionnel, qui a régné des décennies durant à la tête du parti, en le façonnant à son image.

“Depuis six ans, le FFS est orphelin d'un leader politique incontestable et d'un gisement de clairvoyance et de grande lucidité”, concède le membre de l’instance présidentielle du FFS, Hakim Belahcel, avant d’ajouter : “Même si notre parti, à travers sa direction et ses militants, veille scrupuleusement à être le digne héritier du legs politique et historique de notre défunt président, Hocine Aït Ahmed, il serait inconséquent de prétendre pouvoir le remplacer ou d'avoir la même emprise politique et pédagogique sur le fonctionnement du FFS.”

Le nouveau dirigeant du FFS n’a pas tari d’éloges sur le vieux leader qui, selon lui, avait su donner au parti une “méthode de fonctionnement” se distinguant par “l’esprit de collégialité comme exigence éthique et politique”. Il n’en demeure pas moins que la participation du plus vieux parti d’opposition aux dernières élections locales avec des résultats, que d’aucuns ont jugé mitigés, a quelque peu réveillé les vieux démons de la division, un temps mis sous l’éteignoir.

Ali Laskri, ancien premier secrétaire et poids lourd du parti, semble en vouloir beaucoup à l’actuelle direction qualifiée d’“appareil illégitime” ayant “piétiné le message d’Aït Ahmed”, non sans pointer du doigt “l’esprit manœuvrier et de trahison” de ses membres passés pour “des missionnaires au service du régime”.

“Vous avez abandonné la revendication démocratique et la révolution pacifique du Hirak pour sacrifier le combat historique du FFS à vos commanditaires”, a-t-il encore fulminé dans un post publié sur son compte Facebook. 

Des accusations que balaie d’un revers de la main Hakim Belahcel, lequel clame haut et fort que la direction actuelle du parti “tient farouchement à sa ligne politique originelle et continue à défendre les mêmes valeurs fondamentales, qui ont jalonné son parcours depuis sa proclamation en 1963”.

Ce chassé-croisé est peut-être révélateur : le FFS n’a pas su négocier le virage de la disparition de son leader historique. Vu sous cet angle, il n’est, plus que jamais, pas à l’abri de connaître d’autres soubresauts. 
 

Arab C.

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