L’Actualité Souffles

Syndromes d’une frustration presque algérienne

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Amin ZAOUI Publié 08 Décembre 2021 à 22:08

© D. R.
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Quand  l’art  noble  est  abandonné, la  violence  domine.  Toutes sortes de violences. Quand la liberté individuelle est marginalisée, l’avenir humain est menacé. Quand la culture plurielle est chargée, celle de la violence s’installe. Et dans une société pareille, la femme est la première victime. On tolère une violence sexuelle animale au nom d’une pseudo-morale. Les femmes rasent les murs, et c’est normal ! Le langage masculin est  sexiste et racial, et c’est normal ! Au nom de la fausse pudeur imposée, les femmes peinent à traverser une rue centrale, et c’est normal ! Inimaginable de s’aventurer dans les ruelles, et c’est normal !

Qu’importe le jour, qu’importe la saison, qu’importe la météo, les femmes rêvent de déambuler tranquillement après le coucher du soleil comme au petit matin dans les rues principales d’Alger, d’Oran ou d’Annaba ! Quel rêve ! Peu importe le jour, peu importe la saison, le couvre-feu imposé par la frustration est instauré éternellement. Peu importe le vêtement féminin – normal, khimar, hidjab, haïk, nikab, ikhwan, djellaba, jupe, pantalon –, le regard porté sur la femme est un regard frustré. Le regard d’un violeur obsédé.  D’où vient cette culture de la frustration généralisée ou presque ? Elle est, sans doute, le résultat d’un discours religieux extrémiste, intolérant et dominant, qui ne cesse de diaboliser la femme. Il perdure depuis les années soixante-dix, présentant la femme comme un mal mielleux. Une malédiction divine inévitable.   

Cette culture de la frustration est aussi la conséquence du discours pédagogique construit dans une école fanatisée, où la femme est en permanence présentée comme mineure éternelle et coupable perpétuelle.
Cet état sociétal obsessionnel est aussi le produit d’une vie politique machiste, sans fond civique et sans référence philosophique. 
Ce discours frustré est le fruit amer d’un environnement pseudo-artistique, qui présente la femme comme un produit de consommation. Dans la publicité sur les produits cosmétiques. Dans des feuilletons-phare turcs ou égyptiens. À travers des clichés folkloristes.   Cette frustration est due aussi à un discours social qui présente la femme comme un fardeau fatal. Le rocher de Sisyphe. Et le mariage est la seule et unique issue pour se débarrasser d’elle. 
Tous ces facteurs sociopolitiques et pédago-artistiques ont contribué à la naissance d’un langage violent et sexiste, mais toléré. À l’émergence de la culture de la frustration. Cette culture de frustration place la femme comme une propriété. Une propriété comme les autres, mobiles ou immobiles. 
Dans une société dominée par la frustration individuelle ou collective, la cohabitation sociétale entre homme et femme est marquée par le déséquilibre, un rapport de dominant à dominée. Un colonisateur et une colonisée !  
Dans une société commandée par la culture de frustration, voiler une fillette de quatre ans n’est qu’un viol déguisé. Une gamine de quatre ans voilée est l’image d’une société au bord d’une obsession généralisée.  
Le corps féminin, par sa spécificité charnelle naturelle, fait peur à une société déséquilibrée, vide de la culture et du civisme !  
La mixité, elle aussi, fait peur. Dès que l’égalité des sexes est bannie, dès que la liberté individuelle est expropriée, la culture de l’hypocrisie intellectuelle, politique et religieuse s’installe confortablement. 
Comment peut-on sauver notre société de cette culture de la frustration ? Seule la culture de la raison, de la critique, de la tolérance, de l’égalité et de la liberté peut empêcher l’être humain de tomber en victime de la frustration. L’art, le théâtre, la musique classique, la peinture, la belle littérature sont le chemin capable de libérer l’homme de sa sauvagerie humaine, de son obsession. 
Tant que la femme n’a pas reconquis sa part d’humanité, tant qu’elle n’a pas recouvré la propriété de son corps, l’homme restera toujours dans sa frustration, victime, peut-être sans se rendre compte, d’une idéologie sexiste débordée. 
 

Par AMIN ZAOUI
 

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