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Tizi Ouzou : 99% des électeurs ont boudé le scrutin

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Samir LESLOUS Publié 12 Juin 2021 à 23:38

© Archives/Liberté
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“Tizi Ouzou tient jalousement à préserver sa première place de wilaya votant le moins dans tout le pays”, commente un activiste du Hirak.

Devant l’école primaire Khodja-Khaled, au centre-ville de Tizi Ouzou, règne, en cette matinée du 12 juin, le calme d’une journée que l’on croirait ordinaire. Il est 9h30, l’endroit est désert et les passants sont rares. Pourtant, les policiers déployés à l’entrée, aux premières heures de la matinée, scrutent le moindre mouvement. Sans doute pour parer à toute “mauvaise surprise”. Lors de l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, cette école avait fait partie des rares centres de vote qui ont ouvert leurs portes, mais à l’instar de toutes les autres, elle a été envahie par surprise et refermée moins d’une heure après son ouverture. Hier encore, certains jeunes qui ont participé à l’empêchement de l’élection présidentielle, avaient l’œil rivé sur cette école, mais à distance. 

On les retrouve attablés dans des cafétérias situées aux alentours de cet établissement et chacun y va de sa réflexion pour se moquer des élections législatives et des candidats. “Ils peuvent se compter sur les doigts d’une main ceux qui ont franchi l’entrée de l’école depuis son ouverture ce matin, et ils sont rentrés sur la pointe des pieds, en rasant les murs”, décrit l’un d’eux en sirotant tranquillement son café. “Les électeurs se cachent pour voter”, ironise son camarade. “À quoi cela sert-il d’entrer en confrontation avec un dispositif aussi impressionnant puisque, de toute façon, les gens ne se bousculent pas pour voter ? En outre les gens boudent les urnes alors autant obtenir zéro arrestation”, nous explique, plus sérieux, Mustapha. Pour lui, tout le monde a fini par comprendre qu’en Kabylie notamment, on n’a pas besoin de violence pour faire échouer une élection. “Plus de 20 000 personnes, la plupart en âge de voter, sortent chaque vendredi pour exprimer leur rejet de l’élection, et chacune de ces personnes a toute sa famille ou presque derrière elle donc le résultat est connu d’avance. Cela d’autant que les partis les plus enracinés dans la région n’ont pas participé à cette élection”, analyse-t-il. 

Cette philosophie qui tranche remarquablement avec celle qui a prévalu lors des précédentes élections est, à vrai dire, partagée par toute la ville de Tizi Ouzou. Une tournée à travers les plus importants centres de vote de la ville laisse amplement le conclure. Devant les centres Ouatiki-Saliha, Laïmèche-Ali, Mekacher, Hamoutène, Khodja-Khaled et tous les autres, règne la même ambiance. Seuls les dispositifs policiers musclés déployés à l’entrée sont là pour rappeler la tenue de l’élection. Autrement, aux abords de ces centres, l’ambiance est maussade, et à l’intérieur elle est plutôt morne.

Comme d’ailleurs dans toute la ville de Tizi Ouzou qui, en raison de la fermeture de la plupart des magasins et aussi de la suffocante chaleur d’hier, s’est quasiment transformée en une ville fantôme. Contrairement aux deux rendez-vous électoraux du 12 décembre 2019 et du 1er novembre 2020, aucune tentative de marche et aucun affrontement n’ont été enregistrés. Cela n’a visiblement pas empêché, selon des activistes du Hirak, quelques interpellations comme à Drâa Ben Khedda. Au siège de l’Anie, l’effervescence n’est également pas au rendez-vous. Dans la salle réservée à la presse, quelques correspondants locaux se morfondent depuis son ouverture au milieu de piles d’affiches destinées à sensibiliser autour de cette élection mais qui n’ont pas été distribuées. Il aura fallu attendre 11h30 pour que le président local de l’Anie, Youcef Gabi, apparaisse enfin devant les journalistes pour commenter le déroulement du vote et annoncer les premiers chiffres.

À 11h, le nombre de votants dans toute la wilaya était de 1 705 sur les 698 527 électeurs inscrits sur le fichier électoral dans la wilaya. Soit un taux de participation de 0,24%. “Un siège pour 155 voix, ça ne pèse pas lourd pour un député”, fera remarquer un militant politique. Sur les réseaux sociaux, les partisans du rejet jubilent. Mais pour M. Gabi, le plus important c’est qu’“il n’y ait pas eu d’incidents majeurs”. “La situation est nettement meilleure comparativement aux élections précédentes”, a-t-il affirmé, précisant néanmoins que 86 centres de vote à travers la wilaya ont été fermés pour “des raisons sécuritaires” ou après avoir enregistré des incidents. “À Azeffoun, 40 encadreurs se sont retirés de la surveillance des élections”, annonce le président de l’Anie précisant qu’à Akbil et Yakourène des urnes ont été saccagées. À 14h, le nombre de votants avait atteint 3 541, soit un taux de participation de 0,45%, et à 16h30, avec 3 928 votants il atteignait 0,56%. Le nombre de centres fermés enregistre également une hausse. Il passe à 136 centres, soit 229 bureaux de vote répartis à travers 15 communes sur les 67 que compte la wilaya. 

Avant la fermeture des bureaux de vote, le taux de participation pouvait encore très légèrement augmenter tout en demeurant toujours insignifiant. Une situation qui n’a, à vrai dire, rien d’original dans cette région lorsque l’on se souvient que même lors des élections législatives de 2017 auxquelles avaient participé les poids lourds de la représentation locale, le FFS et le RCD, le taux de participation n’était que de 17,40%. Depuis, le 22 Février 2019 est passé par là. “Tizi Ouzou tient jalousement à préserver sa première place de wilaya votant le moins dans le pays”, commente un activiste du Hirak. Il n’empêche que, quel que soit le taux d’abstention, Tizi Ouzou se réveillera ce dimanche, à l’instar de toutes les autres wilayas, avec son lot de députés à l’APN, mais sans légitimité populaire.     

Samir LESLOUS

 

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