L’Actualité BAISSE DE L’IRG ET AMÉLIORATION DES SALAIRES POUR SOUTENIR LE POUVOIR D’ACHAT

Une chute à amortir

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Ali TITOUCHE Publié 06 Novembre 2021 à 23:32

La dépréciation de la monnaie nationale a accéléré l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. © Archives Liberté
La dépréciation de la monnaie nationale a accéléré l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. © Archives Liberté

Les  mesures d’amélioration  des  salaires et de baisse  de l’IRG, annoncées  par  le  gouvernement  pour atténuer la crise sociale, devront  avoir  un  effet  positif  sur  le  pouvoir  d’achat  des ménages, mais risquent, néanmoins, d’être contrebalancées par l’inflation.

La présentation du projet de budget pour 2022 sera l’occasion pour l’Exécutif de défendre sa feuille de  route, notamment  en  matière de  pouvoir  d’achat, un  sujet  qui  alimente  désormais  toutes  les  préoccupations   des  ménages algériens.

Pour tenter de désamorcer la crise sociale et augmenter le pouvoir d’achat des salariés, le gouvernement propose dans le projet de loi de finances 2022 deux mesures, se rapportant essentiellement à la baisse du taux de l’IRG (impôt sur le revenu global) appliqué aux salaires et une hausse du point indiciaire dans la Fonction publique. 

Ces deux dispositions censées revaloriser les salaires, figés depuis neuf ans, se veulent une réponse immédiate à une érosion importante du pouvoir d’achat qui s’est accélérée ces dernières années sous l’effet de plusieurs facteurs, dont la dépréciation de la monnaie nationale et le retour des pressions inflationnistes.

L’Exécutif veut montrer que, malgré la crise, la question du pouvoir d’achat ne peut plus être occultée au profit des urgences budgétaires, même si, forcément, les mesures annoncées ont un coût qui ne fera qu’alimenter le déficit et la dette. Depuis l’annonce desdites mesures, la question qui taraude l’esprit des Algériens est de savoir quelle serait l’incidence des deux dispositions sur leurs salaires.

D’autant plus que pour l’ensemble des fonctionnaires, les rémunérations n’ont pas évolué d’un iota depuis 2012, année des fameux rattrapages salariaux qui se sont traduits, faut-il le rappeler, par une forte inflation, dont le taux flirtait dangereusement avec les 10%, nécessitant, l’année suivante, l’intervention de la Banque centrale qui s’est employée à déminer le terrain à travers une importante opération de désinflation. Quoi qu’il en soit, la décision d’augmenter les salaires au moyen de mesures fiscales est désormais actée par le gouvernement.

Il s’agit, d’abord, de réduire le taux d’imposition appliqué aux rémunérations des travailleurs. Mais en quoi cette mesure consiste-t-elle réellement ? Selon Abdelhak Zaïm, consultant en droit du travail, contacté par Liberté, la mesure consiste en une réorganisation des taux d'imposition avec la création de trois nouveaux taux d'imposition à 23%, 27% et 33%, en sus de celles déjà existantes à 0%, 30% et 35%. 

“Ce nouveau barème de l'IRG réorganise les tranches d'imposition avec, comme référence, des multiples du SNMG, avec 6 nouvelles tranches qui commencent des salaires mensuels inférieurs à 20 000 DA, puis entre 
20 000 DA et 40 000 DA, puis entre 40 000 et 80 000 DA, puis entre 80 000 et 160 000 DA, puis entre 160 000 et 320 000 DA et enfin, les salaires supérieurs à 320 000 DA”, explique Abdelhak Zaïm.

Le projet du gouvernement maintient également la non-imposition des salaires mensuels inférieurs à 30 000 DA et un 2e abattement spécifique pour la tranche des salaires imposables égaux ou supérieurs à 30 000 DA et inférieurs à 35 000 DA, souligne Abdelhak Zaïm, qui précise, dans la même foulée, que le projet de loi de finances maintient également l'abattement général de 40% sur l'IRG avec un minimum de 1 000 DA et un maximum de 1 500 DA.

Pour ainsi dire, ce nouveau barème de l’IRG est profitable à l'ensemble des salariés sans exception. Concrètement, l’incidence de ces nouvelles impositions sur les salaires est calculée selon les tranches de rémunération. Abdelhak Zaïm estime que “l'effort de baisse d'IRG est notable, en taux, pour les bas salaires et en montant pour les hauts salaires”.

En guise d’exemple, le spécialiste en droit du travail explique qu’un travailleur dont le salaire imposable est de 50 000 DA paiera un IRG à 5 800 DA au lieu de 8 500 DA, soit un gain de 2 700 DA (en taux -31,76%), tandis qu’un salarié dont la rémunération imposable est de 150 000 DA paiera un IRG de 34 900 DA au lieu de 40 000 DA, soit un gain de 5 100 DA (en taux -12,75%).

Selon les calculs de l’expert, le maximum de gains que l’on peut espérer est de 8 800 DA pour les salaires  égaux ou supérieurs  à  320 000 DA. Ainsi, le nouveau barème d’IRG entraînera  des  profits de 2 700 à 8 500 DA pour les salaires supérieurs à 50 000 DA. 

Les rémunérations inférieures à 50 000 DA sont sujettes à de multiples abattements et/ou exonérations ; ce qui entraînera des gains, en valeur, en fonction des taux d’IRG appliqués. Elles sont aussi, pour la plupart, concernées par la seconde mesure liée à la hausse du point indiciaire dans la Fonction publique qui permet de fixer les salaires de base et l'ensemble des primes et indemnités y afférentes. 

L’inflation en embuscade 
Selon notre interlocuteur, la révision à la hausse du point indiciaire dans la Fonction publique “induira une augmentation directe de la rémunération brute, ce qui provoquera l'augmentation de la rémunération nette, en sus de l'effet baisse d'IRG”. 

Dit autrement, cette mesure touchera l'ensemble des fonctionnaires dont le salaire est fixé en référence au point indiciaire. Cependant, les gains en valeur dépendent de l’effort de hausse que consentira le gouvernement au bénéfice des fonctionnaires, dont une bonne part des rémunérations est inférieure à 50 000 DA.

En attendant de voir leurs nouvelles fiches de paye, les salariés, laminés par la crise sanitaire et les conséquences indirectes du choc pétrolier de la mi-2014, qui a induit un gel des rémunérations et des promotions, continuent à faire face à des fins de mois pour le moins difficiles.

Les dispositions proposées par le gouvernement dans son projet de budget pour 2022 sont destinées à atténuer les dégâts de la crise sociale, mais cet effort pourrait être contrebalancé par plusieurs facteurs favorisant l’inflation, dont la dépréciation, désormais clairement assumée par l’Exécutif dans son projet de loi de finances 2022, le poids de l’informel qui accapare des parts non négligeables de la sphère marchande, la hausse de la monnaie fiduciaire hors banques et de la masse salariale qui, à son tour, pourrait alimenter les tensions inflationnistes, etc. 

En termes plus clairs, l’inflation et la dérégulation des marchés domestiques pourraient venir prendre, d’une main, ce que le gouvernement entend concéder aux salariés, de l’autre main.

Ce serait l’éternel retour à la case départ. Les rattrapages salariaux de 2012, rappelons-le, ont alimenté essentiellement les circuits de l’économie parallèle qui, à leur tour, ont poussé le taux d’inflation à des niveaux jamais vus depuis les années 1990. 

Ce pourquoi, les syndicats des fonctionnaires restent, pour le moment, prudents face aux annonces du gouvernement, étant donné la flambée des prix et les conséquences possibles de la révision du dispositif des subventions annoncée par l’Exécutif.

La question du pouvoir d’achat pose, certes, celle de la qualité de vie et de la justice sociale, mais aussi celle de l’accès aux produits et services de qualité et à des prix abordables pour l’ensemble des classes sociales et professionnelles. Cela implique le renforcement du potentiel productif du pays et une lutte sans merci contre les fléaux économiques contribuant à la hausse de l’inflation.   
 

Ali TITOUCHE

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