L’Actualité 60e ANNIVERSAIRE DES ACCORDS D’ÉVIAN

Une victoire peu célébrée

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Arab CHIH Publié 30 Janvier 2022 à 00:41

© D. R.
© D. R.

Soixante  ans  après leur  paraphe, les  Accords  d’Évian  continuent  de symboliser, aux yeux des Algériens, l’acte ayant signé le clap de fin de la longue nuit coloniale.

Jalon important de la Révolution algérienne, le cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 à la suite de la signature, la veille, de ces accords entre les délégations algérienne, conduite par Krim Belkacem, et française, menée par Pierre Joxe avait ainsi mis fin à une guerre meurtrière de 7 ans et demi.

Acte de naissance de la République algérienne, cette date consacre, indubitablement, la victoire du peuple algérien sur le colonialisme et le combat libérateur de plusieurs générations de militants.

Ayant joué un rôle-clé dans les négociations, Saâd Dahleb, un des membres de la délégation algérienne, a déclaré, en 1982, à une chaîne de télévision française que les Accords d’Évian ont été “une grande réussite”, voire “une œuvre extraordinaire”, rien qu’en mettant fin à la guerre.

“On était contents de la fin du cauchemar, car la guerre d’indépendance a été un cauchemar(…)”, a témoigné l’historien Mohamed Harbi, dans un entretien télévisé accordé en mars 2018 à Algéria-Watch. C’est dire l’importance de cette date pour tous les acteurs de la guerre de Libération nationale.

Aussi, au lendemain de l’indépendance, les autorités l’avaient institué Journée nationale de la victoire. Mais si l’on a toujours célébré officiellement ce grand évènement, très peu de rencontres et de colloques lui ont été consacrés afin de fixer cette belle page de notre histoire contemporaine dans la mémoire collective.

Même les intellectuels et les historiens ont brillé par leur “démission”, en consacrant très peu d’ouvrages à un épisode-clé de la Révolution algérienne. Et en ce 60e anniversaire, l’on ne dérogera certainement pas à la règle en se suffisant de quelques cérémonies festives pour célébrer des Accords ayant permis de matérialiser, après des décennies de lutte, le rêve d’indépendance. 

Cette célébration a minima en Algérie de la date du 19 mars contraste fortement avec ce qui est mené de l’autre côté de la Méditerranée où une multitude de livres sont dédiés à la guerre d’Algérie, mais aussi aux Accords d’Évian, sans parler des innombrables rencontres qui leur sont consacrés.

Il y a quelques jours seulement, la Bibliothèque nationale de France (BNF) et l’Institut du Monde arabe (IMA) ont organisé, à Paris, un colloque intitulé “Colonisation et guerre d’Algérie : oppositions intellectuelles”.

Même le président Macron y a mis du sien en faisant, à moins de deux mois de la date de la tenue des Accords d’Évian et en droite ligne de sa politique de “réconciliation des mémoires”, un geste fort à l’endroit des “Français d’Algérie” en reconnaissant la responsabilité de l’État français dans deux fusillades ayant eu lieu à Alger le 26 mars 1962, et à Oran le 5 juillet 1962. 

Certes, les Accords d’Évian font partie de l’histoire récente de la France et le fait que les Français s’y intéressent n’a rien d’étonnant. Mais pas jusqu’à se les approprier et rendre les Algériens s’intéressant à cette séquence historique otages d’une grille de lecture étrangère, faute d’une production intellectuelle locale.

Pourtant, les Accords d’Évian symbolisent d’abord et avant tout la victoire de l’Algérie sur le colonialisme. Au vrai, cette date, comme celle du 20 Août 1956 et bien d’autres, est quelque peu frappée de suspicion dès la fin de la guerre d’indépendance.

Opposé aux Accords d’Évian, le défunt président Boumediene avait, dès son accès au pouvoir, imposé une sorte de chape de plomb sur cette date et sur l’histoire de la Révolution, en général, où il n’avait pas joué un rôle de premier plan.  Et depuis, le pays est resté, en quelque sorte, prisonnier de cette appréhension revancharde et subjective de l’histoire.

Aujourd’hui, avec la disparition d’un grand nombre de moudjahidine, les nouvelles générations ont tout à gagner à se libérer du poids très pesant des déchirements d’avant et d’après l’indépendance, mais aussi à adopter un rapport adulte et dépassionné avec l’histoire en général et la Révolution en particulier.
 

A. C.
 

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