Contribution

Approche nouvelle en recherche musicale dans l’œuvre du Dr Mouloud Ounnoughene

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Zohra CHERIEF Publié 20 Mai 2021 à 09:18

Par : Professeur Zohra CHERIEF 
Linguiste et interprète Université Alger 2 

L’apport novateur dans l’œuvre du Dr Mouloud Ounnoughene sur “Le dialogue des cultures musicales” s’est traduit par une réflexion renouvelée sur les modalités de la recherche  dans le domaine musical, ou comment questionner différemment les particules de sens et de sons qui émergent harmonieusement dans certaines musiques, mais dont les fragrances paraissent différentes au genre en question, parfois aussi exotiques.” 

Comment retrouver ces notes, ces compositions, ces tonalités qui se sont glissées lors d’une fusion, d’une rencontre ou d’une influence aisée et, nonobstant, bien vécue ?
Dans cette écoute attentive permanente, cette quête de ce qui se joue différemment et de ce qui émerge comme une nouvelle polyphonie, il essaie vaillamment de trouver et d’expliquer des origines différentes et comment tout cela impacte certaines partitions : c’est le mélange des époques, des compositeurs, des musiques, voire des sensibilités qui se glissent subrepticement dans d’autres visions du monde en se faisant une place, car les invariants humains et l’atlas des émotions humaines restent identiques pour nous tous dans le fond.  
Il y a comme une kinesthésie et une catharsis, une tolérance et un exotisme bien accueilli, à côté de nouveautés qui, revivifiant à chaque fois différemment les musiques des uns et des autres, leur permettent d’être mieux appréciées.
Mais comment peut-on détecter, saisir et expliciter tout cela ? Par quels moyens, par quelle méthode réussit-on à retrouver et à illustrer ces fusions heureuses que nous livrent la sensibilité de l’ouïe musicale bien rodée et travaillée, mais aussi le holisme créatif d’un chercheur émérite qui s’acharne à trouver ces trésors cachés dans les partitions ? 
En écoutant attentivement le Dr Ounnoughene lors de ses communications, je repense à toutes ces approches récentes qui gagneraient à être connues, et surtout mises en application afin de ne pas perdre tous ces résultats obtenus lors des recherches indépendantes, comme c’est le cas ici pour la musique.
On gagnerait tellement à les injecter et à les faire fructifier dans des cadres plus concrets tels que les programmes d’enseignement, dans des équipes de recherche, ou en les proposant directement aux institutions concernées par la thématique. 
Pour revenir à la musique, cela donne une vision toute différente et plus ouverte en permettant aussi de tout mettre en reliance et apprendre – ou réviser – des faits tant historiques, culturels, anthropologiques ou autres.
Comment y arriver ?
En ayant recours par exemple à la déconstruction de Derrida qui doit traverser toute recherche de ce niveau, mais il faut d’abord définir clairement le concept en contexte, puis déterminer le sens de l’attitude déconstructrice à l’égard de la vérité, ou quelques parcelles d’une vérité qu’on n’atteindra jamais. 
Si le concept derridien en question tient une place importante ici aussi, il est rarement considéré et appliqué en lui-même de manière approfondie. Déconstruire n’est pas le contraire de construire (dont l’antonyme est détruire), mais c’est étudier tous les agencements et les interactions qui existent dans un tout, sans morceler les parties. Donc, on peut tout déconstruire si on est bien outillé dans le domaine étudié, mais en essayant de comprendre le fonctionnement, l’évolution et l’émergence de nouvelles données au sein du même ensemble. 
Le Dr Ounnoughene déconstruit les œuvres symphoniques, les interroge et les fait jouer différemment à chaque découverte, mais les laisse aussi dans leur entièreté et leurs spécificités originelles. 
Il étudie toutes les hypothèses possibles et déconstruit les symphonies et autres musiques pour mieux les appréhender et les comprendre dans tout ce que recèlent le secret du langage de la musique et les modulations, ainsi que la grammaire des partitions musicales. Il cherche des vérités, quelques fragrances de cet Aletheia grec, issu de la philosophie antique et utilisé par Parménide. 
Cet Aletheia permettait, dans toute quête, d’opposer la doxa à la vérité.
Mais il y a aussi et déjà une posture holistique dans son approche des problématiques qu’il tente d’élucider. 
On détecte, avec évidence, le déploiement d’un holisme cognitif tant sur un plan méthodologique a priori qu’épistémologique a posteriori, les deux se conjuguant de façon harmonieuse et complémentaire. Le holisme – du grec : holos, l’entièreté – est une approche où le tout est plus que la somme des parties. C’est une démarche de l’esprit plus que nécessaire de nos jours, car il faut revenir à la symbiose et à l’interaction entre les connaissances.
En l’écoutant, on constate rapidement qu’il touche à tout, mais le plus ingénieux, c’est qu’il sait comment avancer et exemplifier une hypothèse, l’illustrer par des extraits musicaux, puis nous faire comprendre aussi que l’explication avancée n’est pas forcément donnée par la somme des éléments trouvés, mais qu’elle suppose encore plus d’indices cachés à chercher encore et encore dans un cheminement réflexif qui ne s’arrête pas. 
On perçoit et on voit l’expérience sensible du musicien aussi, doublée de qualités innées d’un vrai chercheur qui n’arrête pas de chercher : et c’est peut-être cela en fait la qualité primordiale dans une recherche digne de ce nom.
On est aussi face à un holisme épistémologique dans lequel toutes les connaissances se soutiennent et se complètent, se regardent et s’interrogent, s’entremêlent dans une relation dialogique qui donne lieu à des résultats nouveaux et originaux.
Avec lui le navire est déjà en mer, l’odyssée commence déjà, il ne reste qu’à reconstruire tous les éléments retrouvés et à en faire une nouvelle perception de la musique qui s’écoute avec tous les sens et en toute connaissance !
Quand j’apprécie et mesure la somme des résultats soumis à une étude qui se veut critique et analytique à la fois, cela me rappelle Michel Foucault, lorsqu’il évoque l’épistémè grec qui signifie : savoir et connaissance ; et à l’occasion d’un débat avec Chomsky, Foucault avait écrit à ce propos : “Il faut pouvoir saisir les transformations d’un savoir à l’intérieur à la fois du domaine des sciences en général et en même temps à l’intérieur du domaine en question qui nous interpelle dans une société, une culture, une civilisation, à un moment donné.”
Le concept d’épistémè en musicologie est très intéressant ici, car il peut être associé au point de vue holistique adopté par le Dr Mouloud Ounnoughene, dans la mesure où il prend du sens et prouve qu’il existe une intelligibilité du système musical dans lequel il y a des continuités qui se révèlent au fur et à mesure que l’on fait de la recherche, ainsi que de l’extension à donner dans une espèce d’“energeia” comme fondement qui circule et revitalise de façon pérenne tout langage, et c’est ce concept revivifié que je retrouve à chaque nouvelle découverte que nous propose notre chercheur. 
C’est un peu comme dans l’œuvre sublime et apothéotique de Michel Foucault L’Archéologie du savoir, où il y a aussi une approche “archéologique” grâce à laquelle on essaie sans arrêt d’exhumer des archives fondatrices d’un autre point de vue, d’une autre sensation et avec une écoute singulièrement élective des partitions musicales. Et c’est alors que les configurations internes – qu’on pensait inébranlables – se modifient à chaque découverte, les référents empiriques laissent place à des nouvelles références systémiques où tout se met en reliance sous un nouveau regard porté sur ces morceaux si connus, et pourtant encore à découvrir sous d’autres angles.
L’archéologie du savoir qui se revivifie à chaque fois permet à la pensée de se ressaisir à la racine de son histoire, histoire qu’il faut interpréter et relire différemment en abordant de façon holistique la musique : c’est le cheminement presque initiatique que nous propose, lors de cette quête, notre chercheur le Dr Mouloud Ounnoughene.
C’est pourquoi il urge d’éviter une déperdition de toutes ces recherches indépendantes qui apportent tant dans le domaine musical en l’occurrence ici, et aussi par rapport aux nouveaux paradigmes de la pensée du XXIe siècle qui permettent d’aborder plus sérieusement les nouvelles problématiques.
Et enfin, tout cela offre une grande chance de faire fructifier ces connaissances en les mettant à la portée des instituts de musique, des conservatoires, des chercheurs en musicologie, et de les faire connaître aussi par un public algérien qui sait apprécier la musique dans toutes ses dimensions et ses variétés.

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