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Ce qui doit se faire

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Rédaction Nationale Publié 03 Février 2021 à 20:16

Par : El-Hadi Makboul
         Expert international, ancien DG du cneap

“40 années de gestion anarchique et la propagation de ce fléau de la corruption dans tous les domaines ont laissé des séquelles graves dans la société algérienne tout en menaçant l’ensemble des institutions de l’État et en mettant en danger lourdement l’avenir des générations futures.”

La lutte contre la corruption et les transferts financiers illicites est une affaire trop sérieuse pour ne la limiter qu’à une simple “campagne » qui ciblerait certaines personnalités et chefs d’entreprise à la faveur des changements en cours. L’impact d’une telle opération “mains propres” conduite sous l’effet de la pression ne conduirait qu’à des dégâts multiples et à des résultats désastreux et suicidaires pour l’économie nationale. En effet, la disparition durant la décennie 1990 de centaines d’entreprises publiques algériennes, accompagnée par l’arrestation, l’isolement et le départ vers d’autres cieux de milliers de cadres algériens constituant l’élite et le fleuron de l’économie nationale et la mise en faillite volontaire de ces entreprises sur la base d’un véritable plan de destruction savamment orchestré à l’époque par certains cercles décisionnels constitue un véritable crime qui devra un jour être élucidé pour la vérité historique et pour que de tels évènements ne se reproduisent jamais plus en Algérie.

Ainsi, la perte en une décennie de notre principal outil économique et industriel, créateur de richesses et d’emplois, suivi par les mises en faillite volontaire de grandes entreprises et la perte de près de 400 000 emplois confortée par une privatisation fortement mouvementée, forcée et contestée sans aucune vision stratégique, ont fini par anéantir et affaiblir nos potentialités économiques et nos ressources, réduire par la même nos véritables capacités de production et accroître ainsi notre dépendance économique et alimentaire pour une longue période encore.

Aujourd’hui, certes, la situation et le contexte sont différents, mais cela doit nous alerter en premier plan sur les erreurs et les actes à ne pas commettre encore une fois, qui finiraient par détruire et anéantir notre économie et créer des tensions sociales et politiques insolubles et notamment : la disparition de nos potentialités économiques et industrielles dans les différentes branches d’activités.

L’appauvrissement d’une partie de la population et l’apparition en 1992 du fameux “filet social” à la faveur des mesures d’ajustement structurel édictées par la Banque mondiale et le F.M.I. L’augmentation du phénomène de la corruption qui a bloqué tout développement économique national. La forte dépendance de notre économie envers les marchés extérieurs dans les différents secteurs, filières et produits de base. L’ouverture sauvage sans règle ni stratégie ou contrôle du marché national à tous les produits étrangers, souvent contrefaits et impropres à la consommation. La perte et le départ de grands managers et la disparition d’une élite nationale compétente, qualifiée et engagée, dont certains font aujourd’hui les beaux jours des pays d’accueil et des grandes entreprises étrangères.

Cependant, si notre pays a pu éviter jusque-là par miracle des crises structurelles graves et profondes et des tensions sociales aigues, cela est dû en grande partie à la disponibilité de la manne pétrolière qui a pu juguler provisoirement cette situation de crise en permettant en partie à notre pays de surmonter momentanément cette délicate période, mais qui demeure encore très précaire si des solutions et mesures adéquates et urgentes ne sont pas apportées par les décideurs tant au plan de la vision stratégique que de la mise en œuvre d’une politique économique et sociale audacieuse et cohérente, mais surtout fiable et performante. Cependant, en cette période l’intégrité et la confiance restent des éléments majeurs dans l’engagement et la mise en exécution des différents programmes économiques futurs. 

En cette période de double choc : économique et sanitaire, cette campagne “mains propres” aussi généreuse et nécessaire soit elle risque d’être en contradiction avec les réalités économiques et sociales et appelle de ce fait à une démarche pragmatique, volontariste et surtout innovante basée sur : une politique économique clairement affichée et approuvée par tous les acteurs et parties prenantes, la réduire au seul engagement de l’État est une erreur fondamentale et un échec assuré.

Un cadre stratégique et un plan d’actions de lutte contre la corruption sur la base d’un audit global et d’une évaluation de notre système économique et financier et de l’état de nos entreprises et institutions qui demeurent dans la tourmente à la faveur d’une gestion incohérente marquée par différentes interférences et orientations politico-administratives. Ainsi, durant cette période, des mesures efficaces d’accompagnement devront émerger et viser notamment : l’adaptation du cadre réglementaire et législatif et l’approbation des principaux traités internationaux de lutte contre la corruption. Le renforcement des capacités des institutions financières et de contrôle et l’adaptation de leur statut.

Le réaménagement de l’organisation, des missions et du statut de la Banque d’Algérie et le renforcement de son indépendance. Le renforcement de la coordination entre les différents secteurs autour d’une structure pyramidale de suivi et de contrôle du phénomène de la corruption. La coopération renforcée au plan international et régional avec les institutions internationales et régionales et les pays abritant les paradis fiscaux, les avoirs volés et les banques. Le recours aux cabinets d’avocats spécialisés et à des experts qualifiés et expérimentés dans ce domaine et aux associations nationales et internationales actives notamment en matière d’alerte.

La mise en place d’un système de veille et d’alerte efficace protégé à tous les niveaux La promotion d’une politique nationale de “bonne gouvernance” au plan politique, économique, financière et sociale avec un programme propre pour chaque institution. La mise en place urgente d’un programme pluridisciplinaire de contrôle des opérations de transfert avec des experts qualifiés, orienté notamment vers les opérations : de transfert des entreprises importatrices ; de transfert des entreprises étrangères et des multinationales. Un contrôle systématique des marchés publics, des contrats et des mouvements des capitaux. Une lutte spécifique contre les sociétés-écrans et les activités informelles.

Le maintien en activité des entreprises concernées par les différentes affaires judiciaires et l’ouverture de leur capital après évaluation des préjudices causés au trésor public. Le remboursement global par les entreprises bénéficiaires des crédits d’investissement alloués par les banques dans le cadre de la réalisation de leurs projets. La création d’un comité national de suivi et d’évaluation en relation avec la Cour des comptes, la banque centrale, les douanes et les acteurs potentiels. L’ensemble de ces mesures et actions projetées devra constituer la future charte nationale entre les décideurs et tous les secteurs économiques et les acteurs clés.

Par ailleurs, en cette période dominée par de grands procès judiciaires sur la corruption, l’engagement doit être pris pour que les entreprises des personnes accusées de corruption, faisant l’objet de décisions judiciaires finales et de saisies définitives, soient renflouées, maintenues en activité et réinjectées sur le marché économique selon des procédures, des mesures et des dispositifs à mettre en place en urgence. Ces dispositifs auront pour but notamment de veiller à la survie de ces entreprises et au maintien de leurs activités ainsi que l’ouverture et la cession de leur capital et à la filialisation ou le transfert de leurs actifs à des repreneurs nationaux ou internationaux.

De même que la gestion et le management de ces entreprises devront être confiés à de véritables managers et bureaux de gestion spécialisés chargés de sauvegarder, gérer et préparer ces entreprises à des cessions ou à des reprises selon les dispositifs en vigueur et/ou conférer éventuellement ces entreprises à une structure nationale à créer avec le transfert de leur statut, une structure qui sera chargée de gérer ce type de patrimoine saisi tout en veillant à sa mise sur le marché, au maintien de l’outil de production en activité et surtout à la préservation de l’emploi.

Dans ce cadre les missions ponctuelles des administrateurs et managers désignés provisoirement pour assurer la gestion de la période de transition de ces entreprises devront laisser place à une gestion économique adaptée et réglementaire. Ainsi, il est clair que les mesures et décisions judiciaires finales devront être suivies obligatoirement, de mesures économiques et sociales urgentes et réglementaires et ce dans un délai convenable pour éviter la déperdition des équipements, les départs des managers, la faillite des entreprises concernées et l’arrêt et la perte de l’outil de production ainsi que la mise au chômage de milliers de travailleurs.

En effet, en cette période de crise, il faudra surtout préserver les activités économiques et éviter “le chômage exceptionnel de masse” accentuée par la crise économique et financière actuelle, et la crise sanitaire qui a conduit à l’arrêt de milliers d’entreprises, sans l’adoption par l’État d’aucun plan de sauvegarde ou de crise. Cette évolution du phénomène du chômage conduira nécessairement notre pays à vivre des moments difficiles de crise et des tensions sociales aigues, une aggravation de la pauvreté et un désarroi insoutenables, des populations déjà secouées par les multiples crises et une dégradation de leur niveau de vie.

Ainsi, construire un État fort avec des institutions solvables et pérennes devra être la priorité de l’État guidée par une politique de bonne gouvernance à tous les niveaux avec une véritable volonté de changement et un retour à la confiance. L’urgence d’une telle action d’envergure nationale salvatrice pour le pays doit être confortée par un véritable programme d’actions et une politique nationale adaptée avec la mobilisation de moyens efficaces de lutte contre la corruption à tous les niveaux car le mal est profond et encore bien ancré dans l’ensemble des institutions de la République.

En effet, 40 années de gestion anarchique et la propagation de ce fléau de la corruption dans tous les domaines ont laissé des séquelles graves dans la société algérienne tout en menaçant l’ensemble des institutions de l’État et en mettant en danger lourdement l’avenir des générations futures car la réduction de ce phénomène sera un bien fait pour la société et une source importante de financement des programmes de développement et de l’amélioration du bien-être social des citoyens, principes fortement souhaités et portés ces derniers mois par la société algérienne dans son ensemble.

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