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Comment développer les chaînes de valeurs industrielles territorialisées

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Mourad BOUATTOU Publié 03 Janvier 2022 à 16:10

Par : MOURAD BOUATTOU
PRÉSIDENT DU CLUSTER BOISSON AGROLOGISTIQUE PRÉSIDENT ALGERIA CLUSTERS

La mondialisation exige de nous projeter dans l’économie de la connaissance et de nous intégrer dans les chaînes de valeurs mondialisées ; cela dans le contexte de la Covid où le monde a vécu un total bouleversement dans les échanges commerciaux et la naissance d’une reconfiguration des espaces économiques.

Le dernier forum dédié au développement de l’industrie dans notre pays a montré le gap important qui sépare le secteur de l’industrie par rapport à sa contribution globale au PIB, soit un faible taux d’intégration de 4 à 5%. Avant d’aborder de manière opérationnelle notre contribution pour souligner l’approche structurante pour développer les filières industrielles et leur cadre organisationnel, sous forme de groupements économiques, il me sied de les replacer dans le contexte d’une réflexion stratégique pour amorcer une nouvelle vision assise sur un modèle économique intégrée.
Les assises industrielles organisées par le ministère de l’Industrie, qui se sont déroulées du 4 au 6 décembre dernier, ont affiché à travers le maître mot “La relance économique, c’est maintenant” la volonté des pouvoirs publics d’accompagner cette relance économique et de lever les contraintes bureaucratiques auxquelles se heurtent les industriels. 
Les propositions émises par les différents ateliers traduisent la volonté d’assainir le climat des investissements et l’environnement entrepreneurial, en mettant en œuvre concrètement l’appui politique et institutionnel exprimé lors de la plénière, en rupture avec le climat actuel de blocage que connaissent notamment plus de 400 projets vécus par nos investisseurs et opérateurs économiques, pour un retour à un climat de confiance et de facilitation de l’acte d’investir, garanti par la Constitution, dans un esprit d’équité et de transparence.
Parmi les autres mesures qui méritent d’être signalées, outre la levée des obstacles susmentionnés, il y a lieu de citer la création d’une agence foncière nationale avec une autonomie de gestion en collaboration étroite avec le ministère de l’Industrie, lever les blocages et la complexité des procédures bureaucratiques pour les entreprises ; dématérialiser les procédures et l’accès aux centres de décision en facilitant la transparence ; promouvoir la sous-traitance et le tissu des PME, et faciliter l’accès aux donneurs d’ordre ; promouvoir les produits locaux sur les marchés étrangers et le financement des exportations ; libérer les gestionnaires en matière de dépénalisation de l’acte de gestion (annonce d’une mesure législative en cours) en libérant l’acte d’investissement et d’exportation. 

Quelles sont les perspectives économiques pour une véritable relance de l’industrie ?
Les quatre ateliers qui se sont déroulés lors de ces assises ont mis l’accent sur la nécessité d’établir, sur la base du diagnostic de l’environnement actuel des affaires et de l’état de dépendance de notre économie monoexportatrice, une série de recommandations qui devraient se décliner selon une véritable stratégie et un plan d’action à court et moyen termes.
Parmi ces recommandations, celle d’impulser un cadre législatif et réglementaire, ainsi qu’un comité de pilotage pour une coordination intersectorielle, pour booster les pôles de compétitivité et promouvoir les chaînes de valeurs et clusters assis sur les filières industrielles, à fort potentiel de croissance ; valorisation des issues d’hydrocarbures (plus de 200 projets potentiels dans la pétrochimie), comme les résines PET, polypropylène ; les filières sidérurgiques en amont/aval, la filière textile, les produits agroindustriels…
Cette approche structurante, qui milite pour un nouveau paradigme économique, mérite qu’on lui consacre un contenu concret, loin des réflexions académiques, tant elle projette dans cet article de véritables réformes structurelles, autour de pôles de compétitivité et de développement des filières industrielles, source de valeur ajoutée pour l’économie locale.

Structurer les filières industrielles autour des pôles de compétitivité et clusters 
Les groupements économiques nécessitent une nouvelle vision et une stratégie de remontée des chaînes de valeurs pour booster les filières industrielles, par le décloisonnement des acteurs économiques, les effets de synergie croisée structurés en réseaux. 
La mondialisation exige de nous projeter dans l’économie de la connaissance et de nous intégrer dans les chaînes de valeurs mondialisées ; cela dans le contexte de la Covid où le monde a vécu un total bouleversement dans les échanges commerciaux et la naissance d’une reconfiguration des espaces économiques pour s’insérer dans ce nouveau paradigme, né d’une fragmentation de chaînes de valeurs internationales et un retour à la relocalisation, dans une logique de souveraineté et de sécurité sanitaire et alimentaire.
Notre pays, dans ce contexte, doit se positionner et intégrer son économie en valorisant ses ressources naturelles et en mobilisant ses compétences et son potentiel humain, dans une logique de mutualisation, en créant des synergies et en créant des réceptacles, basés sur l’organisation des filières industrielles et sectorielles, en fédérant nos industriels, l’environnement entrepreneurial et les institutions de recherche développement, triptyque appelé communément “Triangle d’or”. 
Impulsé par le ministère de l’Industrie, cette approche des pôles de compétitivité a connu un début de concrétisation en Algérie, accompagné par la coopération algéro-allemande sous forme de clusters, soit six, à l’instar du cluster Boisson-Agrologistique-Algeria Tourism Cluster ; Cluster mécanique de précision ; Cluster numérique ; Cluster énergie solaire et consortium des huiles essentielles et arômes et enfin le Cluster Dattes (abrités dans les centres de facilitation et le technopôle de Sidi Abdellah).
◗ L’interclustering exerce un effet de levier et réunit l’ensemble des filières représentées et des synergies imprégnées du paradigme de changement et d’innovation dans le mode de gouvernance.

Rôle des clusters et pôles de compétitivité
◗ Fédérer les acteurs des filières industrielles, en créant un climat favorable au partenariat public-privé, aux facteurs de synergie et de confiance ; dans les chaînes de valeurs associées au développement économique local.
 ◗ Promouvoir la “compétitivité” et l’innovation par le renforcement des alliances stratégiques au sein des écosystèmes et pôles de compétence de réseaux de partenaires régionaux, nationaux et internationaux.
Cela n’est qu’un aperçu de leur ambition, en tant que noyaux durs structurés et abrités dans des centres de facilitation (il existe 23 C.F dans les wilayas), autour de pôles de compétitivité, voire agropôles ou pôles de compétitivité, en intégrant progressivement leur écosystème et les remontées de chaînes de valeurs.
Nous avons des atouts et nombreux de ces clusters stimulent l’innovation notamment avec les centres de recherche existants dont la localisation répond déjà à la spécificité de la cartographie des pôles de compétitivité : le centre de recherche agroalimentaire dans le campus universitaire de Béjaïa, à l’instar du centre de recherche mécanique industrielle, au sein du pôle de compétitivité de Constantine, celui de l’électronique ‘en cours’ et d’autres, à l’instar du pôle de Sidi Abdellah qui héberge le cluster numérique et l’École supérieure de l’intelligence artificielle ; intégrant aussi des partenaires comme le Gaan.
Il existe dans le monde des milliers de clusters, à l’instar de Silicon Valley, où un de nos chercheurs vient d’être primé, en marge des assises, par le président de la République.
Le modèle inclusif répond à cette approche structurelle, pour passer d’une logique individuelle à une logique collective.
Dans un webinaire, j’ai souligné que nos aïeux avaient dans nos contrées et villages ruraux une clairvoyance ancrée dans nos valeurs, sous forme d’organisation socioéconomique (assimilée à des clusters sociaux), dans un esprit de partage, de confiance, par la concertation (tachawour sacralisé par notre religion), esprit participatif, source de développement local.
Nous devons nous inspirer des modèles d’organisation économique existants, en les adaptant à l’environnement socioéconomique et culturel, en nous projetant sur la modernité, l’innovation et le monde économique contemporain, mobilisant l’intelligence collective, en valorisant nos potentiels et nos ressources humaines et matérielles, dans un climat de confiance retrouvée.
Des réformes structurelles ont été initiées par Algeria Clusters dans ce sens auprès des ministères concernés pour une assise juridique pérenne, permettant de faciliter l’instrumentation de ces groupements (régis par le code du commerce) par l’introduction de codes génériques d’activité, à savoir “promouvoir les chaînes de valeurs industrielles et sectorielles”
et la création de technopôles, appelés souvent pôles d’excellence. 
Leurs objectifs reposent notamment sur :
◗ L’attractivité et l’inclusion des chaînes de valeurs industrielles par un modèle d’organisation innovant, dans une logique d’inclusion participative “bottom-up” et de partenariat public-privé.
◗ Promouvoir les pôles d’excellence par la bonne gouvernance reposant sur la compétitivité, l’innovation et les nouvelles technologies de l’information.
◗ La mutualisation des moyens et des compétences, en ciblant des plateformes logistiques et une reconfiguration d’un schéma directeur par un maillage intégrant les prestataires logisticiens et le futur HUB logistique.
- Cas probant : approche structurante pour développer des filières agroalimentaires.
Cas de la filière lait : quelles sont les pistes pour une véritable stratégie de promotion des agropoles laitiers? 
En Algérie, depuis des lustres, il y avait un potentiel d’élevage et de production laitière plus ou moins organisé en coopérative laitière, quoique artisanale, mais disposant d’un potentiel de territoire appelé “bassins laitiers”. Nous citerons les régions Soummam, Sétif, M’sila, Souk Ahras, Sidi Bel-Abbès, méritant qu’on s’y intéresse, comme noyaux durs, pour créer de véritables agropôles, réunissant éleveurs, vétérinaires, fermes laitières, collecteurs et transformateurs (notamment ceux dans l’industrie UHT).
Le cluster Boisson agrologistique a réuni avec l’université de Sétif et les producteurs de lait les institutions locales relevant de l’agriculture, les acteurs de cette filière, pour projeter un cluster dédié à cet agropôle laitier ; cela, pour amorcer un début de dialogue et de concertation : ce n’est qu’un début à encourager, pour faire face à des besoins par de nouveaux modes de consommation poussant la perte de diversité agricole et un moindre intérêt pour les métiers agricoles.
Perspectives de développement pour l’accompagnement des filières industrielles : approche structurelle pour ériger des groupements économiques, favorisant le partenariat public-privé :
- Promouvoir le tissu industriel et les PME :
Le développement des PME doit être avant tout guidé certes par des politiques d’accompagnement des pouvoirs publics et en concertation avec les organisations professionnelles et patronales. 
Pour ce faire, les barrières institutionnelles doivent être baissées et un climat positif de confiance généré en termes d’attractivité des territoires, des IDE, visant des perspectives de marchés et de profit.
Les considérations macroéconomiques évoquées ci-dessus doivent être envisagées parallèlement à des initiatives plus localisées à développer et à promouvoir, sous forme de chaînes de valeurs territorialisées en les légitimant, par rapport au vide juridique actuel, et à positionner les territoires en tant que pôles de compétitivité, berceau d’excellence aux niveaux national et international, en s’appuyant sur leur potentiel en termes d’infrastructures, de savoir-faire, de compétences locales, en boostant la recherche-formation et l’innovation, source de valeur ajoutée et de croissance économique.

 

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