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Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

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M’hamed ABACI Publié 14 Mai 2021 à 19:19

Par : M’Hamed ABACI 
Ancien cadre financier de Sonatrach

L’économie, encore une fois, ne se décrète pas, elle se fait et se développe avec l’action et le propre de l’homme de la vision économique ou de l’évolution des marchés.”

Dans cette conjoncture marquée par la chute vertigineuse du prix du baril de pétrole de près de 60% de sa valeur et une baisse substantielle des réserves de change pour atteindre un niveau couvrant 12 mois d’importation, face à un marché énergétique incertain, “notre pays est menacé d’une paralysie de son système économique et financier”, après avoir dépensé des milliards de dollars de la rente pétro-gazière sur laquelle a reposé la politique économique des députés et des gouvernements de ces dernières décennies. Mais là est tout le problème : un faux importateur ou un faux investisseur est un mauvais contribuable ! 

On s’interroge sur la facture d’importation qui a dépassé durant ces deux dernières décennies les 40 milliards de dollars annuellement. Quant à la facture des services importés dans plusieurs secteurs, elle s’élève à 12 milliards de dollars par an contre une production locale estimée entre industrie et agriculture à l’équivalent de 30 milliards de dollars, avec une croissance excessive de la demande interne qui a presque triplé au détriment de l’acte de produire, à l’heure où le constat est particulièrement sévère aujourd’hui, au regard de la conjoncture énergétique internationale plutôt enfoncée, car on est passé de la politique de la demande à la politique de l’offre. En effet, notre pays ne peut désormais compter sur l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (l’Opep), qui ne peut s’engager dans une guerre des prix en raison de l’évolution de la concurrence devenue très rude avec la révolution des hydrocarbures de schiste, le développement rapide des énergies renouvelables, le marché spot et, enfin, du fait que l’Opep est faiblement intégrée dans l’économie mondiale et dans les espaces géostratégiques puisque cette dernière ne contrôle qu’environ 30% du marché mondial pétro-gazier. C’est inévitablement soulever l’heure de l’après-pétrole pour l’Algérie et la fin de la forte  étatisation de notre système économique et financier dans le souci de retrouver le chemin d’une bonne relance économique, à l’instar des pays émergents. 

Ce qui peut inquiéter l’équilibre socioéconomique présent et futur du pays, car, faut-il le rappeler, près de 75% de la population vivent aujourd’hui de la rente, et la fiscalité pétrolière continue à financer le budget de l’État pour près de 60%, et un niveau d’intégration de production de nos entreprises demeure très faible, à moins de 15%. Ainsi, l’écart est très important avec notamment un impact économique et financier douloureux, sans une maîtrise technologique ou un management industriel. Cela nécessite une seconde révolution industrielle, comme ce fut le cas dans les années 1970, où l’Algérie avait une politique industrielle et agricole, mais on est loin de tout cela aujourd’hui, comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.

Pour rappel, l’évolution de nos importations passe de 6 milliards de dollars en 1970 à 14 milliards de dollars en 1990, pour atteindre aujourd’hui 50 milliards de dollars à l’heure où nos entreprises, nos banques et nos importateurs se montrent incapables de se développer avec les règles et les mécanismes de l’économie de marché. Cela met en avant de grandes questions sur l’apport du commerce de l’importation dans la vie économique et sociale du pays. Existe-t-il une offre nationale de substitution qui pourrait faire face aujourd’hui à la réduction de nos importations ou à notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur ? Combien sont-ils les importateurs qui sont dotés aujourd’hui d’une organisation managériale ou d’une culture économique et commerciale au service de notre développement économique et du commerce extérieur pour 
l’image de l’Algérie?
Notre pays est aujourd’hui confronté à une vulnérabilité structurelle d’ordre socioéconomique, dont la structure de l’économie algérienne reste fort dominée par les personnes physiques qui représentent 91% (commerces et services), et 50%, composés de matières premières et d’équipements industriels, sont destinés au fonctionnement de nos entreprises. Cela dit, le gouvernement est devant la gravité de la facture des importations, qui représente près de 75% de nos besoins qui absorbent déjà nos recettes pétro-gazières. Plus dramatique encore, la politique budgétaire n’est guère idéale face à cette chute des prix du baril de pétrole de près de 60% de sa valeur qui risque de se poursuivre et aussi d’un record des transferts de devises de l’Algérie vers l’étranger.

Ce qui constitue aujourd’hui le vrai nœud de la crise actuelle, en effet, le gouvernement devra réduire la facture d’importation et les plans de développement de 50% pour équilibrer la balance des paiements, afin de maintenir et de sécuriser  nos réserves de change pour l’attrait des investisseurs directs étrangers (IDE). Aujourd’hui, le monde de l’entreprise est l’œuvre du professionnalisme (esprit d’entreprise, culture économique, expertise) et des banques d’affaires qui développent de nouveaux mécanismes de la microéconomique, comme étant l’une des mesures essentielles avec lesquelles nos entreprises et nos importateurs peuvent s’ouvrir sur le monde de l’économie et, par voie de conséquence, ouvrir le marché aux grands investisseurs pour développer des partenariats  stratégiques et donc attirer une croissance externe de soutien à la production nationale. Le vrai défi à relever pour une économie hors hydrocarbures. En ce sens, on ne doit pas soumettre l’entreprise à une instrumentation juridique ou procédurale de droit public trop forte.

L’économie, encore une fois, ne se décrète pas, elle se fait et se développe avec l’action et le propre de l’homme de la vision économique ou de l’évolution des marchés. Cela dit, nous devons plaider pour des entreprises stratèges et un État régulateur orienté par les règles et les mécanismes du marché pour faire croître notre économie, car l’administration algérienne, restant imprégnée de l’esprit de l’État-providence plutôt que de l’esprit d’entreprise, fonctionne toujours selon l’ancien mode de gestion et ignore presque tout des évolutions de la globalisation et de la mondialisation de l’économie. Notre état d’esprit est que c’est toujours l’État qui édifie l’économie en oubliant l’entreprise, l’importateur et l’investisseur, qui sont l’outil principal pour diversifier notre économie en tant que vrais acteurs-clés dans le processus du développement économique et du commerce extérieur. 

L’évolution des marchés n’est plus liée aux politiques économiques, mais aux performances économiques et à la capacité de l’entreprise   sur les marchés en réponse aux attentes des consommateurs en termes de prix, de qualité et de diversité des produits offerts. Dans la perspective d’une bonne politique de croissance interne et externe, il serait judicieux d’agir sur la nécessité d’améliorer le management et les performances de nos importateurs dans le commerce extérieur.

Cela signifie mobiliser de nouvelles ressources pour financer leurs importations via les exportations, ce qui marque définitivement la rupture avec l’ère de l’aisance financière et du pétrole plus cher des années 2000, tant l’impératif d’assurer la transition économique vers une économie d’entreprise est d’adapter les règles et les mécanismes de l’économie de marché. La course au profit maximum n’est justifiée dorénavant que si en même temps l’activité commerciale de l’importateur s’intègre dans une approche économique et sociale. Par conséquent, ce qui protège les intérêts financiers du Trésor public pour permettre à l’État de dépenser l’argent public de façon judicieuse et de faire donc un bon usage des finances publiques en créant plus de valeurs d’activités économiques et technologiques pour une nouvelle vie économique et sociale des Algériens dont l’enjeu est très important et décisif dans les mutations mondiales qui nous font face. Oui, en effet, ce n’est pas normal dans une économie de marché que les importateurs continuent de fonctionner avec le concours financier de l’État  pour financer leurs opérations de commerce d’importation, notamment les subventions du taux de change bancaire par rapport au marché de la devise et sur les réserves de changes provenant de la rente pétro-gazière, lorsque l’on  considère que seules les exportations hors hydrocarbures peuvent financer le marché et soutenir la croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat. En effet, le marché doit être au service des intérêts stratégiques du pays et préserver les intérêts du Trésor public pour permettre à l’État de dépenser l’argent public de façon judicieuse et de faire donc un bon usage des finances publiques au profit de la collectivité nationale. C’est bien pourquoi ces derniers doivent jouer un rôle économique et commercial stratégique dans les relations du commerce extérieur et intérieur bien établi, notamment comme acteurs à l’exportation et à l’importation, appelés à participer effectivement et efficacement dans la production de richesses et prendre des initiatives économiques. Oui, plus on accélère les règles et les mécanismes de l’économie de marché, plus on donne aux entreprises et aux banques la grande possibilité d’évoluer en croissance économique interne et externe.

Une telle approche nous conduit à aborder la question concernant l’heure de vérité pour l’après-pétrole, car prendre conscience de l’enjeu de l’entreprise, c’est prendre conscience de l’importance des politiques publiques pour renforcer le budget de la nation en matière de fiscalité ordinaire et de la balance des paiements en devises fortes. C’est aussi encore mieux de répondre aux besoins et contraintes induits par les mutations qui affectent la stabilité sociale en matière d’emplois et de pouvoir d’achat des Algériens. Comment expliquer une telle situation ? Tout a commencé au milieu des années 1980, par l’introduction du fameux programme antipénurie (PAP), pour concrétiser pleinement le slogan “Pour une vie meilleure”. Ce qui exclut toute perspective de développement industriel et de l’économie des entreprises. Et puis vint l’avènement de milliers d’importateurs sur la base d’un simple registre du commerce aux dépens des règles du jeu de l’économie de marché et d’une économie diversifiée, ce qui a valu la suppression du ministère du plan dont on connaît aujourd’hui les répercussions négatives sévères. “Les Algériens et le prix du baril de pétrole.” Oui, en effet, mis à part les hydrocarbures, l’Algérie n’exporte presque rien.

 

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