Contribution

Comment réussir la transition

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Mourad KEZZAR Publié 14 Décembre 2021 à 08:40

Par : Mourad KEZZAR
Cadre supérieur Secteur hôtelier public 

Délaissé depuis les années 1990, le secteur du tourisme en général et de l’hôtellerie en particulier est pollué d’idées reçues qui déroutent investisseurs, managers et étudiants.

De l’avis des hôteliers algériens, le nombre de clients qui passent la nuit chez eux et préfèrent manger dans le restaurant de l’hôtel ne cesse de diminuer. Censé être un centre de profit, le restaurant de l’hôtel algérien de moyen standing, à quelques exceptions, s’avère un gouffre financier au point où des hôteliers de droit privé et public recourent périodiquement à la fermeture pure et simple de leurs cuisines. À travers cette contribution, nous essayons de présenter un état des lieux et de proposer des pistes de redressement, sachant qu’il n’existe pas de recette miracle et que chaque hôtel-restaurant est un cas particulier. En Algérie, la restauration en hôtellerie répond avant tout à une exigence règlementaire. La législation hôtelière du pays exige le service petit-déjeuner dans tous les établissements. Le service déjeuner et/ou dîner est exigé, lui, à partir de la troisième étoile. Le service dîner, à l’instar du service déjeuner, en plus de répondre à une condition de classement, est censé apporter du chiffre d’affaires, du profit et offrir au manager les outils de sa gestion des packages. Alors que le service déjeuner est quasi inexistant dans les hôtels algériens, le service dîner fonctionne au ralenti, à l’exception de cas précis. 

Le poids de la localisation
Si l’on se réfère au critère localisation, on peut citer trois types d’établissement hôtelier : urbain, tourisme et thermes. Les hôtels sahariens ne sont pas le sujet de ce travail.
La clientèle des hôtels urbains, si elle n’est pas issue d’une commande publique ou privée, est sensible au prix, de par son pouvoir d’achat. Et, à ce niveau, le restaurant de l’hôtel de séjour est mis à rude concurrence avec les restaurants à proximité. Afin de garder leur clientèle hébergement, ces hôteliers urbains se sentent obligés de vendre séparément hébergement et restauration (hors petit-déjeuner), évitant tout packaging. 
La clientèle des hôtels de tourisme est d’essence demandeuse au moins du service dîner. On voit mal un établissement hôtelier au bord de la mer ne proposant pas de repas pour sa clientèle en séjour. Or, même ces hôtels de tourisme ont renoncé aux packagings et aux formules du genre demi-pension. Le ridicule est poussé au point où le service au restaurant est à table et à la carte même durant les hautes saisons. 
La clientèle des curistes, dont une grande partie de leur facture est prise en charge par des organismes sociaux, prend ses repas au sein des stations thermales beaucoup plus pour profiter d’une rente que pour apprécier une qualité. 

Pourquoi cela ne marche-t-il pas ? 
Bien qu’il soit difficile d’expliquer pourquoi cela ne marche pas pour les restaurants des hôtels de moyenne gamme, on peut dresser un état de certains éléments, tels que la politique tarifaire, la structure des coûts, le marché du jour et les idées reçues qui égarent nos pistes.
En Algérie et d’une façon générale, les restaurants d’hôtel de moyenne gamme appliquent la même fourchette de prix. Le menu à 3 plats est cédé entre 2 000 et 3 500 DA. Cet entendement sur une telle tarification ne peut s’expliquer que par deux hypothèses : soit c’est le prix pratiqué par un hôtel leader sur lequel s’aligne la concurrence, soit c’est le juste prix qui découle de la structure des coûts. À l’inverse de nos voisins de l’Est et de l’Ouest, dans le secteur de l’hôtellerie, le “la” est donné par le secteur public. C’est ce secteur qui reste la référence pour les nouveaux entrants, y compris en matière de prix. Et dans le secteur hôtelier public, la question des coûts est devenue, à tort ou à raison, une obsession. Partant de ce principe, nos hôteliers-restaurateurs cherchent le ratio F&B le plus bas possible. Pourtant, pris dans l’absolu et non greffé à une politique managériale, tout ratio de gestion devient un non-sens, une absurdité, un choix contre-productif. 
D’ailleurs, il arrive que ce soit le menu au ratio le plus élevé qui dégage le meilleur résultat d’exploitation. 

Commençons par redresser le service dîner
Le captage restauration dans un hôtel moyenne gamme algérien doit passer, à court et moyen termes, par le redressement du service dîner. Pour cela, nous devons commencer par inclure dans nos tableaux de bord un nouvel indicateur, soit le “taux de captage dîner/hébergement”. Une fois admis dans le tableau de bord, nous serons dans l’obligation de suivre son évolution.  Chaque hôtelier doit se fixer lui-même des objectifs selon, entre autres, l’historique de son établissement, sa localisation et son marché. L’essentiel est d’offrir ce qui satisfait le client de notre établissement et non selon nos coups de cœur.

La chasse aux idées reçues
Délaissé depuis les années 1990, le secteur du tourisme en général et de l’hôtellerie en particulier est pollué d’idées reçues qui déroutent investisseurs, managers et étudiants. À titre indicatif, je vais traiter de quatre d’entre elles (prescripteurs, cantines, cartes diversifiées, cuisine traditionnelle).
Il y a d’abord celle relative aux prescripteurs : comme je l’ai déjà expliqué lors d’autres contributions (quotidien national Liberté du 19 octobre 2021 et Tourisme Magazine n° 135 du mois de novembre 2021), le recours aux prescripteurs avantage les séjours en demi-pension, améliorant ainsi le taux de captage restauration. Comme énoncé aussi plus haut, ce sont les demandes des prescripteurs à but lucratif et non lucratif qui favorisent les offres demi-pension et plus dans les hôtels de tourisme. D’où en finir avec cette idée reçue selon laquelle les prescripteurs sont là pour grignoter dans nos recettes déjà garanties.
Il y a aussi cette idée selon laquelle les cantines des travailleurs de l’hôtel sont un gouffre financier, une source de problèmes, donc bonnes à fermer. Plusieurs hôtels, et face au repli du chiffre d’affaires F&B, vont vers la solution extrême et de facilité, celle de fermer carrément les cantines. Souvent tout commence par les employés qui se plaignent de la mauvaise qualité de leurs repas servis par le communard. Il s’ensuit des soupçons selon lesquels la direction, et afin d’améliorer le ratio denrées, puise dans la quantité et la qualité des denrées destinées à la cantine. Et au lieu de chercher la cause, actualiser les procédures et les renforcer, on décide la fermeture les cantines. S’il est inadmissible que l’économat et la cuisine d’un hôtel ne fonctionnent que pour la cantine, des hôtels-restaurants sans cantine est une aberration. 
À travers ces fermetures, les premiers “inspecteurs de la qualité”, que sont les salariés de l’hôtel, sont éjectés du circuit de la production-distribution, enfonçant la cuisine dans la médiocrité. Fermer la cantine de l’hôtel, c’est aussi se priver d’une capacité d’approvisionnement, ainsi que d’un atelier de formation continue en basse et moyenne saison. Alors que pour l’image de l’hôtel, le pire est qu’un client partage la même table du restaurant du coin avec les réceptionnistes qui l’avaient accueilli le matin même ! 
En règle générale, on dit que la diversité est une richesse. Or, dans des secteurs d’activité tels que la restauration et où le professionnalisme et la maîtrise des coûts sont un gage de réussite, cet énoncé devient cette autre idée reçue nuisible. Un restaurant de moyenne gamme est appelé aujourd’hui à limiter l’offre de sa carte. Nous devons apprendre à ne pas “obliger” le client à prendre les trois plats que sont l’entrée, la viande et le dessert si le service est à la carte. Le client peut très bien se suffire d’un seul plat sans qu’il ressente de la gêne chez l’hôtelier-restaurateur. Dans la restauration, il y a un principe plus important que ceux dits d’Omnes : la satisfaction du client.
De cette idée reçue de la diversité découle celle de la cuisine traditionnelle de parade, une des causes de la stagnation du marché de la cuisine traditionnelle proposé par l’hôtellerie de moyenne gamme. En effet, des hôtels-restaurants 1 à 3 étoiles proposent des menus de la cuisine traditionnelle uniquement en 3 plats et plus. Un “copier-coller” néfaste sur la cuisine française classique. 
On doit faire comprendre au client qu’il peut prendre un couscous ou une chorba frik seuls, comme cela se fait dans nos foyers. La cuisine traditionnelle n’est pas une cuisine de parade mais de thème ! 

Retour au marché du jour
Par marché du jour en hôtellerie-restauration on entend achat de denrées périssables qui vont des viandes aux fruits et légumes. D’usage, chaque matin, le chef fait son marché. En Algérie, et jusqu’aux années 1990, l’économe et le chef, accompagnés du contrôleur de gestion, se déplacent sur les grands marchés des viandes, fruits et légumes. Malheureusement, je viens de découvrir que cette bonne pratique a été délaissée depuis le début des années 2000, notamment dans le secteur public. Aujourd’hui, on recourt à des consultations sous forme d’appel d’offres. Les fournisseurs, bonne saison mal saison, et durant toute une année, feront subir à l’hôtelier le prix moyen retenu lors de la consultation. Dans ces conditions, aucun restaurant d’hôtel travaillant dans le respect de la législation ne sera compétitif et concurrentiel. Pourtant, avec un petit effort, on peut concilier marché public et marché du jour. C’est faisable et nous le préconisons. À travers cette contribution, j’ai cherché à donner aux hôteliers et aux étudiants quelques pistes à même de les aider à traiter de la question du captage restaurants-hôtels. 

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