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Crimes contre Krim

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Mohamed MAIZ * Publié 18 Octobre 2021 à 09:43

Par : Dr Mohamed Maïz
Ex-SG du MDRA

Après dix-sept jours d’un simulacre de procès, accusant Krim d’être à la solde d’Israël, avec des témoins fabriqués et de faux témoignages, le verdict tomba sans appel : Krim Belkacem est condamné à mort par contumace avec, en prime, un véritable appel au meurtre (une fetwa de nos jours), publié cette fois par le quotidien de l’Ouest “La République”.

Il y a 51 ans, Krim Belkacem, le maquisard de la première heure, membre du groupe des six mandatés par le groupe des 22 pour déclencher la révolution du 1er Novembre, congressiste à la Soummam, premier colonel de la Wilaya III, plusieurs fois ministre du GPRA et son vice-président, premier chef de l’ALN, chef de la délégation aux négociations d’Évian et signataire de ces accords de paix au nom du peuple algérien, est assassiné le mardi 18 octobre 1970 dans une chambre de l’hôtel Continental à Frankfurt.
Un crime d’État à l’encontre d’un héros de l’histoire contemporaine de l’Algérie. Un crime commandité par Boumediene et exécuté par des agents de service, indifférents à l’illégalité des missions qui leur sont confiées.
Ce “faux pas” d’un régime dictatorial représente le symbole de l’élimination physique des opposants.
Un crime qui reste encore couvert d’une omerta et qui, à quelques rares écrits ou déclarations timides et isolés, n’a guère bénéficié d’une mise en œuvre historienne, y compris par les intellectuels et historiens étrangers qui ne se sont jamais hasardés à aller plus loin que : Krim fut découvert le 18 octobre 1970, étranglé dans sa chambre d’hôtel à Frankfurt.
Ce crime, comme tant d’autres commis par le régime de Boumediene, ne saurait être couvert par une autorité quelle qu’elle soit. Les commanditaires, les traîtres et les ignobles assassins qui ont trempé dans le crime abject d’un authentique révolutionnaire expieront, à défaut d’une justice terrestre, leur méfait devant l’inéluctable et immanente justice divine.
Forte personnalité, Krim Belkacem s’était, dès l’indépendance, opposé à la militarisation du pouvoir par les chefs de l’armée des frontières. 
Il faut remonter à 1969 et à cette cour spéciale décidée par Boumediene, pour juger et condamner Krim de crimes qu’il n’a pas commis, pour situer la chaîne des responsabilités de cet odieux et impardonnable crime.
Cette cour révolutionnaire qui sera présidée par le commandant Abdelghani, membre du Conseil de la révolution et chef de la 5e région militaire, sera composée du commandant El-Hachemi Hadjeres, de Zinedine Sekfali et de Fardheb Boumedienne, conseillers assesseurs, et des capitaines Seddik Mediouni, Abdelhamid Latreche, Mohamed Benmoussa, Hocine Hamel, Athmane Bouziane, Makhlouf Dib et Mabrouk Adda. Le siège du ministère public sera occupé par le commandant Ahmed Draïa, procureur général, assisté de M. Henni Merouane, substitut général. Telle fut l’annonce faite par le journal El Moudjahid annonçant l’ouverture du procès de Krim Belkacem et des militants du MDRA (parti créé par Krim en 1967,) en date du 24 mars 1969.

Quel audace et quelle honte !
Alors qu’il publiait la liste des juges pour la parodie de procès du MDRA, El Moudjahid insérait sans retenue et sans pudeur une dépêche faisant état d’une lettre adressée à l’ONU par Ali Farrah, président de la commission sur l’apartheid, dénonçant : “Le nouveau crime, que se préparaient à commettre en Afrique du Sud les tribunaux racistes contre douze Africains”, et exigeait l’arrêt du procès et la libération inconditionnelle des prisonniers !
Après dix-sept jours d’un simulacre de procès, accusant Krim d’être à la solde d’Israël, avec des témoins fabriqués et de faux témoignages, le verdict tomba sans appel : Krim Belkacem est condamné à mort par contumace avec, en prime, un véritable appel au meurtre (une fetwa de nos jours), publié cette fois par le quotidien de l’Ouest La République : “Tout Algérien se doit d’être l’auxiliaire de la justice en exécutant la sentence de mort en tout lieu et en tout moment.”
Un verdict et un appel au meurtre qui resteront à jamais une honte gravée sur le front des accusateurs cités, leur commanditaire et plus pour l’Algérie indépendante, à l’encontre d’un des plus prestigieux dirigeants de l’Algérie combattante, signataire des accords de paix à Évian.
Le 18 octobre 1970, dans l’hôtel Intercontinental de Francfort, en Allemagne fédérale, Krim Belkacem, héros et leader de la Révolution algérienne, est lâchement assassiné par des “agents professionnels” aux ordres du pouvoir de l’époque.
L’histoire, la véritable, c’est celle impartiale, une fois écrite, qui dévoilera sans nul doute la chaîne des responsabilités et des complicités à différents niveaux, ayant abouti à l’assassinat politique de ce héros de la révolution, certes devenu opposant au régime pour ses dérives totalitaires.
Passons sur la complicité des proches, sur les détails qui ont précédé le rendez-vous fatal du 18 octobre 1970.
Passons sur le concours des services marocains qui ont donné l’itinéraire, le pseudonyme de Krim Belkacem, alias Mohamed Maâmeri, et d’autres informations entre le 15 et le 16 octobre 1970 à des éléments ayant fait partie du complot, ainsi qu’à la police allemande.
Mais peut-on passer sans vouloir essayer de comprendre l’attitude des autorités françaises qui ont refusé l’entrée sur leur territoire à Krim pour prendre langue avec les émissaires de Boumediene ? La lettre de M. Buron, un des négociateurs à Évian, au président Pompidou demandant une explication sur ce refus est restée sans réponse. 
La France savait-elle ce qui attendait 
Krim ? Que dire de l’Allemagne fédérale, pays de démocratie, de liberté, des droits de l’Homme et surtout un État de droit dans l’affaire Krim Belkacem qui s’est déroulée chez eux ? 
À son entrée sur le territoire allemand, la police allemande est venue lui proposer sa protection. Pourquoi ? Contre qui ? Savait-elle que Krim était menacé ?
Krim, mis en confiance par ses amis d’Alger, soucieux de la gravité de la situation dans laquelle se trouvaient ses militants incarcérés dans les geôles du pouvoir de Boumediene, ne pouvait décliner l’offre de la rencontre – négociation avec les émissaires de Boumediene. Krim pouvait-il abandonner ses militants ? Avait-il d’autres choix ? À ceux qui considèrent que Krim Belkacem a été assassiné au cours d’une négociation secrète, si tel était le cas, Krim n’avait commis aucune faute.

Si la pratique de protection et de l’omerta adoptée par le régime algérien peut être comprise dans une dictature et un État de non-droit, nous ne pouvons comprendre l’attitude des autorités allemandes sur cet événement tragique. 
La raison d’État ne peut légitimer l’arbitraire, encore moins le crime. La justice allemande était-elle aussi inféodée au pouvoir politique ? Ou bien l’Allemagne a-t-elle tiré profit sur un plan économique sur le dos de Krim?
La police algérienne ayant conclu un marché au profit de l’Allemagne, à coups de centaines de milliards, quelques mois après le forfait, en signant un contrat avec Volkswagen pour équiper son parc automobile !
Aujourd’hui, 51 ans après l’assassinat de ce héros de la révolution, l’État algérien, représenté par son premier magistrat, soucieux de la concorde nationale, de la protection et de la vérité historique, est interpellé au nom de ces principes pour dire la vérité sur l’assassinat de Krim Belkacem. La réhabilitation de ce héros passe nécessairement par la demande du pardon au nom de l’État et du peuple ; elle passe aussi par le déjugement de la cour révolutionnaire et l’acquittement posthume de ce grand révolutionnaire qui a marqué de son empreinte et par son engagement pour l’indépendance de l’Algérie contemporaine.

Le lundi 18 octobre 2021 à 10h sera organisée au carré des Martyrs d’El-Alia une cérémonie de recueillement à la mémoire de ce grand héros afin de perpétuer la flamme de son combat pour une Algérie libre, indépendante, souveraine et unie dans sa dimension humaine et géographique, telle qu’il l’a défendue au cours des pourparlers à Évian avec les représentants de la France coloniale.

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