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DANS LE CONTEXTE DU MOUVEMENT DU 22 FÉVRIER 2019

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Arab AKNINE Publié 18 Avril 2021 à 23:22

Par :  ARAB AKNINE
MILITANT POLITIQUE

Le combat que mène aujourd’hui la société algérienne pour la modernité doit s’organiser et son contenu politique doit être clairement défini. Les résolutions  de  la  Soummam  sont  plus  que  jamais  d’actualité, incontournables. S’il ne les fait pas siennes, il perdra son aspiration révolutionnaire et l’histoire le consignera au registre des jacqueries.

Dans le cheminement politique de l’Algérie indépendante, le mouvement d’Avril 1980 constitue une séquence historique qui reste singulière et essentielle. Sa singularité première réside :
- d’abord dans sa forme d’expression et d’action indépendante et pacifique, en dehors du carcan de domination imposé par le système à la société algérienne ;
- dans son contenu, axé sur la revendication des libertés démocratiques et le pluralisme linguistique ;
- par l’implication de la population qui l’a adopté pour faire jonction avec cette revendication. 

Depuis maintenant plus de quarante ans, l’anniversaire du mouvement d’Avril 1980 est systématiquement célébré. A souligner que ces manifestations sont toujours organisées en dehors des milieux officiels et sans lien aucun avec eux. Bien plus qu’un simple rituel, cette commémoration est d’une importance capitale. Pourquoi ? Les festivités se déroulent dans une large mobilisation des milieux associatifs et de la jeunesse, avec une vigueur constante, ce qui est synonyme d’un attachement et d’une permanence. 

Pendant  que  l’essentiel  des  luttes  qui  ont suivi la décolonisation relève essentiellement du domaine des revendications sociales et syndicales, le mouvement d’Avril 1980 inaugure la contestation avec un thème insolite qui est celui de l’identité. Et dans ce sens, il inaugure un phénomène tout à fait nouveau et particulier. Célébrer l’anniversaire du mouvement d’Avril 1980 est devenu aujourd’hui une tradition bien établie. 

Des militants et citoyens s’expriment à travers des écrits, des conférences publiques et des festivités diverses pour marquer cet anniversaire. Cette pratique s’est perpétuée et s’est maintenue depuis quatre décennies pour devenir aujourd’hui presque un rite où les associations culturelles, les comités de village, d’étudiants et lycéens trouvent l’occasion pour donner écho et résonnance à l’expression du Printemps berbère de 1980.

À l’exception de l’année 1982 où le pouvoir  envoya les forces de l’ordre pour occuper les campus universitaires et empêcher la célébration du Printemps berbère, toutes ses tentatives de  manipulation et de récupération de la symbolique d’Avril 1980 ont échoué. 

Outre que la célébration d’Avril 1980 est l’affirmation d’un attachement aux valeurs de réhabilitation identitaire, de liberté, du pluralisme, d’égalité, de justice…,elle constitue également le rejet de l’imposture du pouvoir avec son paradigme de l’arabo-islamisme. 

De toutes les expériences de luttes qu’a livrées la société algérienne pour s’émanciper du système autoritariste qui s’est imposé à elle, celle du mouvement d’Avril 1980 est particulière. D’abord sa résonnance à l’échelle nord-africaine. C’est au Maroc en 2011 que la langue tamaziɣt sera décrétée langue officielle. 

Cinq ans plus tard, en 2016, l’Algérie décrète à son tour tamaziɣt langue nationale et officielle. Si ces mesures décrétées, à travers les textes officiels, peuvent avoir cette apparence d’acquis arrachés, il n’en est cependant rien dans les faits. Aucune avancée n’est relevée dans le secteur de l’administration par exemple et l’enseignement de la langue reste limité et facultatif.

Ne voyant rien de concret se traduire dans les faits, les citoyens ne retiennent que la manipulation par l’effet d’annonce avec l’espoir d’une démobilisation ; ou bien, la fausse réponse à un vrai problème. Il est certain que cette pratique de gestion par le fourbe a toujours été contre productive et génère l’effet inverse. Et a contrario, elle stimule et entretient la  mobilisation constante avec la vigueur qu’on lui connait.

Avril 2021 et le contexte de la révolte du 22  Février 2019 
Pour cette année 2021, la célébration du 41e anniversaire du Printemps berbère et du 20e anniversaire du Printemps noir se déroule dans un contexte particulier. En effet, depuis le mois de février 2019, l’Algérie connaît un bouleversement majeur. Un mouvement de mobilisation et de contestation pacifique drainant toute la société ébranle l’Algérie entière.

Dans une société algérienne considérée comme ayant définitivement abdiqué par lassitude et usure, ce mouvement de contestation qui a soulevé l’Algérie à l’unisson, civique et pacifique, qui revendique le départ du système et ses hommes a surpris le monde entier. Ce phénomène nouveau et généralisé n’est pas sans similitude avec le Printemps berbère de 1980.

Dans la forme et dans le fond. Pacifique, il cible dans son expression le système et revendique son départ avec ses hommes. Il se réclame de la modernité et se réfère à ses fondements doctrinaires : liberté et démocratie. Il y a également dans ses mots d’ordre des références à l’histoire et spécifiquement aux résolutions du congrès de la Soummam pour récuser la théocratie et le militarisme. Si cette dynamique a secoué le système dans ses fondements profonds qui s’est déchiré sur la place publique dans une lutte de clans féroce, la volonté et la détermination de ce dernier pour le maintien du statu quo sont cependant intactes.

Ce qui se traduit par le recours aux mêmes techniques de manipulation pour récupérer le mouvement et le dévier de sa ligne pour la rupture avec le système. Il est certain que l’épreuve de longue résistance pour un mouvement organisé horizontalement contre une dictature militaire ne peut être sans conséquences.

Par la technique de la manœuvre : la répression d’abord puis la manipulation et la récupération ensuite, le mouvement fait face au phénomène d’essoufflement. Éprouvé, certes, mais il ne plie pas. Cependant, il lui reste à trouver la parade adéquate pour se donner les ressources nécessaires à sa survie. Il lui faut d’abord lever certains amalgames pour clarifier sa démarche et ses objectifs. 

L’expérience et le cheminement de la démarche du mouvement d’Avril 1980 peuvent servir d’exemple aujourd’hui. Il y a dans son évolution des éléments qui peuvent nous apporter les éclairages nécessaires afin d’assurer une pérennité à cette révolution et la prémunir d’un reflux mortel.

Le débat est le meilleur antidote aux impasses dans les dynamiques politiques. A ce sujet, la contribution d’Arezki Aït Larbi, publiée dans le journal “Liberté” du 01/04/2021, est intéressante. La clarification est nécessaire pour éviter les amalgames qui constituent souvent des nœuds et des sources d’impasses.

Lever l’hypothèque politique par la clarification 
Une des caractéristiques commune aux deux mouvements (Avril 80 et 22 Février 2019) est leur dimension plurielle même si le dernier a brassé plus large. Quand la mouvance islamiste se réclame aujourd’hui de la dynamique du 22 Février, elle cultive là un sérieux amalgame.

A l’inverse de sa position dans le processus en cours, elle s’était placée jusqu’ici en dehors et contre le Printemps berbère depuis sa naissance en avril 1980 (plusieurs agressions commises contre les étudiants de la faculté centrale à Alger en 1981, assassinat de Kamal Amzal en 1982).

Le cœur de cet amalgame réside dans la double référence à la fois : liberté et démocratie, inscrites au sein des principes fondamentaux du mouvement du 22 Février 2019 et sacré (islam) comme soubassement idéologique de leur action politique qui, lui, est spécifique à cette mouvance. Quelle est la place réservée à  la liberté de penser, en tant que fondement de la démocratie, dans l’espace du sacré ? La modernité politique découle de la longue expérience humaine.

Par la réflexion, des femmes et des hommes ont forgé des instruments idéologiques et doctrinaires de cette pensée moderne qu’on appelle la modernité tout court. C’est le résultat du processus de la sécularisation du politique. Quand on se réclame du camp de la modernité, aucune place ne doit être accordée à l’amalgame et au flou. Tous les sujets méritent discussion et sans concession aucune.

A l’inverse, cela s’appellerait le désordre qui à son tour appelle l’hégémonie. C’est la logique de  l’hégémonie par le désordre. Tous ceux qui vont dans ce sens constituent de fait des appuis au statu quo qui pérennise le système. C’est par l’affirmation des préalables qui sous-tendent la modernité qu’on aura d’abord la clarté pour révoquer les amalgames et les archaïsmes. 

Ces  préalables  sont  la  liberté  de  penser, l’égalité  des  sexes, la  liberté confessionnelle, le respect du pluralisme politique et culturel…En dehors de ces principes, nous ne connaissons pas de nation dans le monde qui ait réussi son envol. Le mouvement d’Avril 1980 a regroupé en son sein des segments idéologiques divers aux principes assez proches, ce qui lui a assuré un minimum de cohésion, tout en permettant à chacun de demeurer fidèle à ses principes propres. 

En dépit de cette diversité idéologique des groupes qui n’ont pas toujours été en phase, il a su se donner ce minimum de cohésion nécessaire pour le combat unitaire. Une similitude de plus avec la lutte armée du peuple algérien post-congrès de la Soummam. 

Cette caractéristique a permis la compétition loyale et la stimulation du débat contradictoire, toujours perfectible au sein du mouvement d’Avril 1980 ; même si quelquefois il a été traversé par des débats très houleux mais sans remettre en cause sa cohésion et son unité.  Le combat que mène aujourd’hui la société algérienne pour la modernité doit s’organiser et son contenu politique doit être clairement défini. Les résolutions de la Soummam sont plus que jamais d’actualité, incontournables. S’il ne les fait pas siennes, il perdra son aspiration révolutionnaire et l’histoire le consignera au registre des jacqueries.

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