Contribution

De la nécessité d’une action forte du gouvernement

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M'hamed ABACI (*) Publié 12 Septembre 2021 à 10:25

Par : M'hamed Abaci
Ancien cadre financier à Sonatrach

L’évolution des marchés n’est plus liée aux politiques économiques de l’État, mais aux performances économiques et à la capacité de l’entreprise sur les marchés en réponse aux attentes des consommateurs en termes de prix, de qualité et de diversité des produits offerts.

L’objectif dans cette contribution synthétisée est de rechercher soit théoriquement, soit pratiquement, à quel système de prix nous obéissons. Cette question stratégique nous amène à parler du sujet qui nous préoccupe et qui occupe les devants de l’actualité nationale en soulevant la grande problématique, dont tout le monde aujourd’hui est conscient : il s’agit des subventions généralisées sans ciblage et du montant consacré aux transferts sociaux, directs et indirects, qui représente entre 25 et 28% du PIB, et qui ont pour effet de comprimer artificiellement les prix réels du marché en Algérie. Cela va du logement, des prix de produits de première nécessité, en passant par la santé, l’éducation, l’enseignement supérieur, l’agriculture, les œuvres sociales et les différents dispositifs de création de microentreprises, de soutien à la croissance et de création d’emploi. Si ce n’était cet effort financier colossal de l’État, il y a risque d’une inflation qui a pour nom cancer de l’économie et le taux d’inflation dépasserait largement les 20% et la pauvreté serait plus forte qui pourrait concerner, selon nos estimations plus de 30% de la population. Ceci dit, l’économie en Algérie joue beaucoup plus un rôle politique et social qu’économique quand on sait que l’explosion des déficits budgétaires que notre pays enregistre depuis deux décennies, avec notamment une croissance sans précédent de la dépense publique soit près de 55% du PIB et une création monétaire excessive sans rapport avec la croissance économique pouvant être dangereuse pour l’économie nationale et peut aussi affaiblir la confiance des IDE. Explications : le niveau d'équilibre budgétaire par référence au prix du baril de pétrole se situe à un seuil préoccupant ces deux dernières décennies, passant de 37 dollars à plus de 75 dollars en 2009 pour atteindre aujourd'hui 90 dollars et une création monétaire excessive sans pour autant être transformée dans l’économie réelle. La croissance reste encore faible à l'égard des besoins du marché et de la société en général. Ainsi, l’Algérie, un pays à qui peut bien s’appliquer l’adage qui dit que “l’argent ne fait pas le bonheur, bien qu’il y contribue”, alors que l’entreprise est la seule source de revenus. Ceci dit, une économie sans développement de l’entreprise est une économie nécessairement administrée et bureaucratique. Oui, l'entreprise est le cadre de la vie quotidienne de millions d'Algériens et d’Algériennes où s’effectue collectivement le travail salarié. 

C'est du moins ce qu'on espère dans cette dynamique, à savoir favoriser l'émergence d'une classe d'entrepreneurs capables de prendre des risques et de relever les défis technologiques et managériaux induits par les exigences de l'économie de marché dans l'économie nationale et à l'international. À cet égard, il faut que l’État se préoccupe des conséquences de ses choix économiques. L’entreprise ne peut se désintéresser de ces choix et de leur évolution, car ils réagissent ensemble sur la conjoncture socio-économique du pays. Ainsi, parler de l’inflation et du pouvoir d’achat, dans le contexte actuel de la crise pétrolière et monétaire qui secoue le pays, revient à aborder un sujet qui rend compte, d’une part, la forte étatisation du système économique et financier et, d’autre part, du fait qu’aujourd’hui l’économie algérienne ne fonctionne pas sous le système de liberté des prix, une situation que l’on peut rapprocher à l’absence d’une véritable économie de marché compétitive et concurrentielle. Nous assistons à des tendances monopolistiques dans la sphère informelle (économie souterraine), laquelle contrôle près de 60%, du marché de la consommation et 50% de la masse monétaire, faisant que les réseaux commerciaux sont déstructurés entre le producteur et le consommateur, voire encore les banques et l’administration fiscale. Il y a aussi l’inflation cachée ; à titre d’exemple, le sachet de lait d’un litre subventionné par l’État et cédé au citoyen à 25 DA, le cafetier du coin tire de cette subvention une marge commerciale pouvant représenter 5 à 7 fois le prix en cédant le contenu du même sachet en lui ajoutant environ 30% d’eau au détail à ses clients entre 25 et 30 DA le verre et le plus souvent à moitié rempli. Cette situation n’a fait que décourager le producteur et l’orienter vers des activités spéculatives dans l’informel. 

La volonté politique d’encadrer ou d’administrer les prix s’avère d’une efficacité limitée, sinon il faudrait des milliers de contrôleurs qui ne changeraient d’ailleurs pas la problématique, dans la mesure où le contrôle des prix reposant sur le commerçant détaillant qui ne fait souvent que répercuter les surcoûts sur le consommateur. La maîtrise de l’inflation et l’amélioration du pouvoir d’achat se mesurent par la contribution à la valeur ajoutée des entreprises. Oui, l’évolution des marchés n’est plus liée aux politiques économiques de l’État, mais aux performances économiques et à la capacité de l’entreprise sur les marchés en réponse aux attentes des consommateurs en termes de prix, de qualité et de diversité des produits offerts. C’est un sujet-clé qui marquera le plus le nouveau visage économique de l’Algérie. Les Algériens vivent des fins de mois de plus en plus difficiles, marquées par l’inquiétante cherté de la vie, le pouvoir d’achat a diminué de près de 60%, selon les statistiques. Ce sont donc les faibles revenus parmi les salariés, les retraités et les couches pauvres qui pâtissent le plus de l’augmentation des prix, voire l’inflation affecte aussi la compétitivité des entreprises. Globalement, depuis 2012, les salaires et les pensions de retraite de la classe ouvrière et classe moyenne sont tirés vers le bas par la dépréciation de la monnaie nationale, gonflant d’ailleurs artificiellement les recettes fiscales et les prix. 

La chute, chaque année, de près de 10% du pouvoir d’achat accroît l’endettement des ménages et accélère les revendications sociales pour une augmentation des salaires qui, à leur tour, en cas de non-productivité, accélèrent l’inflation. Nous estimons que ce recul du pouvoir d’achat de la classe ouvrière et moyenne et des retraités est le prix à payer dans une société qui ne produit presque rien et vit de la rente pétro-gazière. Les importations couvrent près de 75% des besoins des ménages et des entreprises, cela provient de la faiblesse de la production, de la productivité et du faible taux d’intégration industriel ne dépassant guère 15%. Cela souligne l’urgente nécessité pour l’Algérie de se doter d’un nouveau système de gouvernance et de gestion des entreprises qui développe de nouveaux mécanismes de la microéconomie pour stimuler l’économie aux investisseurs (IDE). 

Cette hausse multiple et généralisée des prix et des services à la consommation s’explique à notre avis par quatre raisons essentielles. La première raison est la dépréciation successive du dinar et la révision à la hausse des taxes et impôts sur les importations. La deuxième raison est liée à l’absence d’une politique salariale cohérente privilégiant le principe “travailler plus, gagner plus”, l’incapacité de produire plus et plus de productivité, car la croissance économique potentielle permet grandement d’influer positivement sur les prix à la consommation. La troisième raison est la non-proportionnalité entre les énormes déficits budgétaires et la croissance économique où l’écart est important et les déficits budgétaires se situent en moyenne entre 9 à 28% du PIB, générant des pressions sur l’inflation et par conséquent sur la hausse des prix, des intérêts bancaires et le recours à la planche à billets pour financer ces énormes déficits budgétaires.

La quatrième raison concerne les marchés bancaires et financiers non concurrentiels et insuffisamment impliqués, où la gestion active du taux d’intérêt bancaire ne joue pas encore son rôle normatif attractif de l’épargne pour agir sur le niveau des prix des biens et services et, par conséquent, juguler le niveau d’inflation avec un impact au niveau du pouvoir d’achat. Résultat : les salaires qui n’évoluent ni par rapport à la production et la productivité, ni qui sont indexés sur le coût de la vie. Aujourd’hui, la majorité des travailleurs, retraités et Algériens en général, ont un revenu net inférieur à 30 000 DA par mois, consacrent 90% environ de leurs revenus à l’alimentation générale et soins médicaux. Le salaire minimum (SMIG) ne doit pas descendre aujourd’hui sous le seuil de 40 000 DA. 

Les couches pauvres et moyennes sont les premières victimes de cette situation. Le pouvoir d’achat des Algériens, à plus de 70%, est fonction de la distribution de la rente des hydrocarbures via les soutiens, subventions et transferts sociaux. Ajoutons à cela les salaires et retraites qui sont trop bas socialement et trop élevés économiquement tant pour le budget de l’État que pour les entreprises. D’autre part, le rapport salaires sur le produit intérieur brut (PIB) est inférieur à 25%, contre plus de 45% à la fin des années 1970 ; il est de plus de 60% pour les pays développés et émergents. Un ratio de 60% indique que les salariés reçoivent 60% de la richesse créée par l'entreprise. Aujourd’hui, le rôle de l’État est de réguler et d’encadrer l’économie en passant de la régulation administrative à la régulation économique. 

En effet, le principe d’équilibre budgétaire, devenu un principe d’équilibre économique, c’est-à-dire sans déficit ou du moins ne dépassant pas le ratio admis qui est de 3% et sans inflation pour permettre à l’État de dépenser l’argent public de façon judicieuse, pour développer une bonne assise de l’économie. Sinon, on ne peut ni évoluer, ni prospérer, ni combattre le chômage, l’inflation et la corruption.

Qu’est-ce que l’inflation ? Nous pouvons dire que l’inflation est une hausse des prix et nous pouvons également dire que c’est en fait la valeur économique de l’argent qui déprécie ou dévalue ; le raisonnement est valable dans les deux sens. Si vous préférez exprimer cette idée en termes plus économiques, vous pouvez dire que l’inflation est la perte du pouvoir d’achat. En d’autres termes, on dira que l’inflation est la perte du pouvoir d’achat. 
Qu’est-ce que le pouvoir d’achat ? Le pouvoir d’achat, c’est la quantité de biens et de services qu’un ménage peut consommer avec l’argent qu’il gagne et dont il dispose. Il dépend donc de deux facteurs : l’inflation et le revenu disponible. Le pouvoir d’achat normalement doit évoluer en fonction des variations des indices de prix et des revenus réels. 

En conclusion, la maîtrise du processus inflationniste renvoie d’un côté à toute la politique économique du gouvernement et concerne tant des facteurs exogènes du marché que les départements ministériels, et de l’autre côté nos entreprises engendrent aujourd’hui plus de charges que de produits, de productivité et accusent un déficit important en management industriel. 

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