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Et si on reprenait les rênes ?

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BEN MOHAMED Publié 19 Juin 2021 à 22:41

Par : BEN MOHAMED
POÈTE

“ Il est donc temps de revenir à la transparence, à la vérité.  De traduire dans les  faits  les  attributs   de  notre  République  démocratique  et  populaire  en associant les citoyens à la détection des problèmes  et  à  la recherche des solutions.”

Ce  mouvement était  pourtant  bien parti. Il s’est imposé aux  Algériens mais aussi  au  reste  du  monde, par  des  idées  novatrices  qui  ont  réussi  non seulement à restaurer l’image du peuple algérien écornée par nos islamistes et leurs attentats aveugles, mais aussi à ternir grandement l’image du pouvoir politique de notre pays. Ce mouvement a même servi d’exemple pour d’autres soulèvements populaires dans d’autres pays.  
Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ces quelques qualités qui ont suscité l’admiration dans le monde.
Avant tout, il y a son caractère pacifique qui avait résisté et qui résiste toujours aux multiples provocations des autorités ou de leurs hommes de main. Il y avait aussi tous ces jeunes qui passaient à la suite des marcheurs pour nettoyer les artères et signifier par-là même la propreté de l’esprit des manifestants et leur civisme.
Il y avait également ces gilets rouges qui s’interposaient entre policiers et marcheurs pour parer à tout dépassement des provocateurs missionnés pour cela.
Il y avait cette multitude de figures politiques, artistiques  et  intellectuelles qui participaient aux deux marches hebdomadaires, citoyens toutes catégories et étudiants soutenus par la population.
Il y avait toutes ces  contributions  d’universitaires  et  autres  personnalités compétentes qui publiaient chaque jour des réflexions et propositions tout aussi intéressantes les unes que les autres…
Bien sûr, je ferais preuve d’une grande ingratitude et d’une profonde injustice si j’oubliais le rôle de tous ces avocats qui se constituent et qui se déplacent toujours dans toutes les wilayates pour défendre bénévolement tous les détenus politiques du mouvement citoyen.  

Pour une Constitution alternative
Aujourd’hui, il y a comme un assèchement de la boîte à idées. Il semblerait qu’un certain nombre de militants démocrates se soient retirés des marches et des réseaux sociaux, parce qu’ils ont fini par croire que les islamistes et leurs idées ont commencé à remporter la partie. Or il suffit de regarder de plus près pour comprendre que c’est seulement le retrait en nombre des démocrates qui a mis en relief le nombre d’islamistes sur le terrain. Tout comme l’atténuation des voix démocratiques a permis plus d’échos aux voix islamistes.
Pire, du côté des démocrates, on perd un temps précieux à philosopher sur les idées insensées d’un pouvoir qui ne cesse de mettre de l’huile sur le feu. Au lieu d’aménager notre propre terrain de jeu politique, on préfère suivre le pouvoir sur son terrain. On semble oublier que le pouvoir et ses alliés islamistes maîtrisent parfaitement chaque petite parcelle de ce terrain miné. Pour nous, il est donc temps de comprendre, qu’il s’agit de quitter leur terrain parsemé de concessions diverses, mais aussi de populisme, de langue de bois et pour tout dire, de mensonges, de mauvaise foi et de complotismes en tous genres.
D’ores et déjà, il me semble important de mettre sur pied une commission d’experts pour rédiger une Constitution alternative digne de ce nom qui installerait les bases d’un véritable État de droit et de vraies institutions démocratiques. Une Constitution qui consacrerait avant tout, une vraie séparation des pouvoirs entre le civil et le militaire puis entre l’État et la religion, car ni Dieu ni la vraie foi n’ont besoin de l’État. Cette loi fondamentale consacrerait le contrôle du pouvoir exécutif par un pouvoir législatif constitué de vrais élus du peuple. Elle imposerait également une vraie séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire mais aussi entre l’exécutif et les institutions de contrôle aussi bien de la gestion que de la conformité des lois et règlements à la Constitution. Elle instituerait une véritable liberté de la presse, de la circulation, de la pensée, de la sphère associative…
Toutes ces libertés n’étant limitées que par l’atteinte à la liberté et à l’intégrité d’autrui.
Une telle Constitution vaudrait par elle-même un programme plus important que tous autres documents issus de discussions et de négociations sans fin où chacun essaierait d’imposer ses idées partisanes.

Adapter les formes de notre lutte
Aujourd’hui les combats à mener par tous les moyens pacifiques, sont la vérité contre le mensonge, la dignité contre l’humiliation, l’honnêteté contre la corruption, l’amour du pays contre l’amour des privilèges, le droit contre l’impunité, la compétence contre le clientélisme, l’unité nationale contre le sectarisme, l’école du développement de l’esprit critique et créatif contre l’école du formatage…
Aujourd’hui, nous disposons d’une multitude de moyens de communication. Il est urgent de les maîtriser pour informer… informer … informer… Informer en vue de conscientiser.
On a une chance considérable, celle de ne pas avoir besoin de mentir. Il suffit d’ouvrir les yeux et de dire les choses telles qu’on les voit, telles qu’on les ressent sincèrement. Ouvrir des débats constructifs sur tout. Ecouter la voix de l’intérêt général, plutôt que celle des intérêts personnels, partisans ou claniques.
On nous a trop menti, et ce, depuis déjà le mouvement national antérieur au 1er novembre 1954. Il est donc temps de revenir à la transparence, à la vérité. De traduire dans les faits les attributs de notre République démocratique et populaire en associant les citoyens à la détection des problèmes et à la recherche des solutions. Il est temps d’innover et d’opposer la lutte pour un État de droit, aux nouvelles stratégies du pouvoir, marquées par des arrestations aveugles et musclées, par la censure, par le mensonge, par de grossières manipulations...
Le pouvoir a fait le choix de l’escalade dans la violence contre nos marches. Il est donc temps de déjouer son projet qui consiste à nous pousser vers une insensée confrontation à armes inégales. Aussi, serait-il plus judicieux de changer de tactique en adaptant nos stratégies à chaque situation nouvelle. 
Par exemple, sans sortir de chez soi, on pourrait se donner rendez-vous chaque vendredi à une heure fixe : chaque famille, de son balcon ou de sa fenêtre, ferait résonner ses casseroles durant une heure ou deux et dans les villes et villages du pays. Cette forme de manifestation aura l’avantage de multiplier le volume sonore de la contestation populaire. Mieux encore, le tintamarre des casseroles islamistes ne pourra pas se distinguer de celui des casseroles démocrates. Face à ce casse-tête, quelle que soit la réaction du pouvoir, elle ne sera que préjudiciable pour lui tant à l’intérieur du pays qu’au niveau de l’opinion publique internationale.  

Renouveler la boîte à idées
Il est impératif de se rappeler qu’avant le 22 février 2019, personne n’aurait pu imaginer une seconde, la chute de Bouteflika et d’une grande partie de sa bande ; personne n’aurait pu rêver de voir tant d’officiers tout puissants déboulonnés ; personne n’aurait pu soupçonner voir tant d’oligarques intouchables se retrouver en prison...
Ils paraissent tout puissants, mais au moindre courant d’air qui change de direction, ils tombent comme des châteaux de cartes. Comme ils violent les lois, ils ne sont protégés par aucune loi. Ils ont été les soutiens d’un État de non droit, ils en sont devenus les victimes.
Il est vrai que, pour le moment, ils détiennent la matraque, mais il est vrai aussi que le droit est de notre côté. Et la vérité finit toujours par avoir le dernier mot. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas baisser les bras et qu’il faut passer à d’autres formes de lutte.
Tout en restant sur le terrain de la non-violence, il serait peut-être temps que notre diaspora crée un Comité international de soutien au peuple algérien en lutte pour la reconquête de sa souveraineté et de ses droits citoyens. 
Ce Comité, constitué de femmes et d’hommes crédibles, divulguera par tous les moyens possibles les dépassements des autorités algériennes et les violations des libertés et des droits humains. Il informera l’opinion publique internationale sur ce qui se passe à huis clos dans notre pays. 
Enfin, il est temps de nous adresser à ces policiers qui s’acharnent contre leurs frères, qu’ils sont avant tout au service de leur pays et non au service d’un pouvoir. Nous devons leur rappeler qu’ils sont chargés d’appliquer et de faire appliquer la loi et non de faire la loi. 
Il convient également de rappeler à tous ceux que les privilèges du pouvoir font courir, qu’un État de non droit ne peut leur garantir l'immunité ; rappeler à tous ceux qui prétendent “vouloir changer les choses de l’intérieur du système”, qu'ils se feront eux-mêmes broyer par ce système ; rappeler à ceux qui retournent la veste chaque fois que le vent tourne, que ce vent risque à tout moment de les emporter.
J’ai été alerté par cette menace d’assèchement de notre boîte à idées, lorsqu’il y a quelque  temps de cela on avait lancé l’idée d’une désobéissance civile. J’avoue que j’ai été surpris par la façon dont on a transformé cette proposition en une opération contraire à l’esprit pacifique du mouvement. Au lieu de développer des actions pacifiques par lesquelles devraient se manifester cette désobéissance civile, on a préféré mettre l’idée au rebus.  C’est bien dommage.
Enfin, je tiens à rappeler que dans tous les pays, les mouvements fascistes pourtant minoritaires, ont des militants plus déterminés. Ils sont plus dans l’action que dans la discussion, ce qui donne cette impression de force. Les démocrates de leur côté sont pourtant bien majoritaires, mais ils ont plutôt tendance à tout remettre en question, à débattre de tout, ce qui serait effectivement une excellente voie, à condition que cela se concrétise par l’action et non par la paralysie.
Aujourd’hui nous sommes face à un pouvoir qui verse dans une répression aveugle et cela révèle plus de signes de faiblesse que de force. Il se débat plus qu’il ne se bat.

 

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