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Faudrait-il s’inquiéter d’une hausse des salaires ?

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M'hamed ABACI (*) Publié 14 Mars 2022 à 09:16

Par : M’hamed Abaci
Ancien cadre financier

Le débat sur le pouvoir d'achat et la nécessité d'augmenter les salaires revient en force, face à une faible incidence sur la production et productivité et le chômage où l’actualité socio-économique est marquée, ces derniers temps par la persistance de l’inflation

Force est de constater que le gouvernement tente difficilement la transition d’une économie de rente vers une économie de marché tout en évitant l’amorce de réformes structurelles pour la maîtrise de l’offre et la demande, la stabilisation de la monnaie nationale et des prix fondés sur de nouvelles forces productives, et la concurrence. C’est très dommage pour l’économie algérienne, parce que l’activité économique fonctionnera mieux que lorsque la croissance économique hors la rente pétrolière et les subventions augmente régulièrement par une politique des revenus qui consiste à améliorer les revenus des entreprises et à soutenir la demande par exemple, crédit bancaire à la consommation, la revalorisation du SMlG. Voici un exemple pour illustrer ce point. Un investisseur propose l’arrangement suivant aux actionnaires d’une entreprise : il s’engage à prendre en charge 25% des dépenses pour recevoir en échange 25% des revenus futurs, c'est-à-dire 25% du profit d’exploitation. À la surprise des actionnaires, il refuse tout droit de vote et promet de ne jamais s’impliquer dans la gestion de l’affaire, pourvu qu’on ne lui cache pas les revenus et qu’on ne gonfle pas les dépenses.
Mais ce n’est pas le cas, cela s’est traduit par une hausse des inégalités de revenus et une faible incidence sur la hausse du chômage, c’est la grande fracture du marché du travail qui est en train de perdre son milieu professionnel, c’est-à-dire les valeurs du travail et les compétences ne payent plus avec une économie fortement subventionnée, alors que la bonne inflation par la réalité des prix du marché pourrait être un appui efficace pour opérer une redistribution des créanciers vers les débiteurs et du capital vers le travail. Or, ce n’est pas encore le cas pour notre pays, qui a le plus besoin aujourd’hui ce rééquilibrage pour soutenir le développement d’entreprises fortement innovantes et technologiques, œuvrant pour la croissance potentielle pour sortir de la crise économique et financière. Effectivement, depuis la chute drastique des prix du baril de pétrole en juin 2014, la majorité des produits connaît une hausse graduelle et démesurée provoquant inéluctablement une baisse du pouvoir d’achat des Algériens et en particulier les travailleurs et retraités. De plus, depuis, les salaires n’ont pratiquement pas évolué, ainsi la précarité de l’emploi et l’érosion du pouvoir d’achat demeurent tirés vers le bas par l’érosion de la monnaie nationale et l’inflation en hausse. 
À cet égard, l’entreprise en tant que source de revenus et de création de richesses et d’emplois, le rôle de l’État est de réguler et d’encadrer l’économie en passant de la régulation administrative et politique à la régulation économique où l’entreprise ne peut se désintéresser de ses choix socio-économiques et de leur évolution. Cela permet aussi de soutenir l’émergence et le développement accélérés d’entreprises ayant le potentiel industriel et managérial pour devenir des leaders d’envergure mondiale dans leur domaine. Sinon “la révision des salaires à la hausse sans l’augmentation de production et de productivité accélère l’inflation qui a pour nom cancer de l’économie”. Il y a un réel problème économique de fond, sachant que les salaires qui n’évoluent ni par rapport à la production et la productivité, ni adaptés à l’inflation réelle, c’est-à-dire négociés par les subventions et indexée sur le coût de la vie et on l’a vu ces derniers mois. Ajouter à cela les salaires et retraites qui sont aujourd’hui trop bas socialement et trop élevés économiquement pour les entreprises où encore 2 cotisants en moyenne pour 1 retraité, alors qu’il faut 5 cotisants et plus pour assurer l’équilibre financier de la caisse de retraite. À titre d’exemple : les dépenses des retraites ne dépassent pas 5% du PIB en Algérie ; en Tunisie, le taux est légèrement supérieur à 6%, et en France c’est 20% du PIB. L’urgence est de transformer la société qui va avec une politique salariale cohérente privilégiant le principe “travailler plus, gagner plus”, car la croissance économique potentielle permet grandement d’influer positivement sur les prix à la consommation. 
Il est urgent de trouver des solutions durables pour l’avenir économique du pays, dont notre économie est vulnérable. D’ailleurs, “la hausse attendue des salaires ne devrait donc pas avoir l’ampleur espérée, car nous sommes face à un risque inflationniste qui pourrait faire de cette hausse des prix une tendance beaucoup plus réelle et permanente qui mettrait encore en danger la consommation et le bien être des familles algériennes à faibles revenus”. En effet, la révision des grilles des salaires à la hausse, la revalorisation des pensions de retraite et la révision à la baisse du barème des salaires s’avèrent d’une efficacité limitée avec un effet négatif sur les moyens salaires et sont déjà d’une brûlante actualité, marquée par une conjoncture socioéconomique inquiétante, où la classe moyenne et la classe ouvrière sont confrontées aux dures réalités de la cherté de la vie. En 2018, la part des salaires dans le PIB était égale à 27,5%, contre plus de 60% dans les pays développés et pays émergents. Ce ratio indique que les travailleurs reçoivent 60% des richesses créées par les entreprises des pays développés.
L’inflation affecte les catégories aux faibles revenus et salaires mais aussi et surtout la compétitivité des entreprises. La volonté politique d’encadrer ou d’administrer les prix s’avère d’une efficacité limitée, sinon il faudrait des milliers de contrôleurs qui ne changeraient d’ailleurs pas la problématique, dans la mesure où le contrôle des prix reposant sur le commerçant détaillant qui ne fait souvent que répercuter les surcoûts sur le consommateur. La mesure de la révision à la baisse du barème IRG pour les salariés et les retraités avec un niveau de vie faible sont soumis dans les mêmes conditions en tant que salariés après avoir payé cet impôt pendant toute leur vie professionnelle. 
À titre d’exemple : une personne ayant eu sa retraite en 1996 et une autre en 2020, ayant assumé la même fonction dans la même entreprise, n'ont pas la même pension de retraite, puisque cette dernière est calculée sur la base du salaire touché par chacun. Selon les statistiques la population active en Algérie est évaluée à un peu plus de 12 millions, dont le travail temporaire dans nos entreprises est de 40% dans le secteur public et 84% dans le secteur privé. Près de 70% ont un revenu net inférieur à 30 000 DA par mois et consacrent 80% de leurs revenus à l’alimentation, soins médicaux et produits de l’électroménager. En effet, l’inflation affecte les catégories aux faibles revenus et salaires mais aussi et surtout la compétitivité des entreprises. Nous estimons que ce recul du pouvoir d’achat de la classe moyenne et des retraités est le prix à payer dans une société qui ne produit presque rien et vit de la rente pétro-gazière. Avec un Smig à 20 000 DA, un père de famille avec trois enfants ne peut faire face aujourd’hui à la cherté de la vie. Alors que des footballeurs des ligues de football professionnel 1 et 2 qui sont payés à coups de centaines de millions, dont environ 80% de leur financement provient de l’État payent moins de cotisations sociales et fiscales. En effet, l’assiette de cotisation des joueurs des clubs professionnels en Algérie est fixée à 15 fois l’ancien SNMG (18 000 DA), soit 27 millions de centimes/mois (270 000 DA). L’équité fiscale et sociale impose que chacun paye sa juste part, quand on sait que des travailleurs et retraités après une carrière professionnelle de 32 ans, voire 40 ans et plus continuent à ce jour de déclarer leurs pensions de retraites et leurs salaires réels. Aussi, si le gouvernement souhaite agir sur la grille des salaires et leur éventuelle augmentation, à notre humble avis il est impératif qu’il songe d’abord au développement des performances économiques et des capacités des entreprises à répondre aux attentes des consommateurs en termes de prix, de qualité et de diversité des produits et services. Il faut préciser en effet qu’hormis le secteur de la fonction publique, la problématique des salaires est moins liée aux politiques économiques du gouvernement qu’au développement et à la croissance des entreprises. Autrement dit, une augmentation des salaires sans développement de l’entreprise est impossible sauf dans un système où l’économie est de type administré. De fait, administrer les salaires ou encore les prix est d’une efficacité limitée, la maîtrise de l’inflation et l’amélioration du pouvoir d’achat se mesurant par la contribution à la valeur ajoutée et les performances économiques des entreprises. Sinon la révision de la grille des salaires à la hausse entraînera la hausse des coûts d’exploitation de ces entreprises et, par conséquent, l’aggravation de l’inflation. En revanche, si la hausse des prix ne s’accompagne pas d’une revalorisation des salaires, elle détériorerait davantage le pouvoir d’achat des consommateurs et il en résulterait un problème d’écoulement des stocks de production. Globalement, entre 2000 et 2012, les salaires ont augmenté de près de 30% et depuis 2014, date la chute drastique des prix du pétrole, les salaires et les pensions de retraite de la classe ouvrière et la classe moyenne en général sont tirés vers le bas par un taux d’inflation en nette hausse chaque année. On note une perte de près de 10% du pouvoir d’achat qui accroît l’endettement des ménages et accélère les revendications sociales pour une augmentation des salaires. 
À son tour, en cas de non-productivité, cette augmentation des salaires accélère l’inflation. La solution est d’instaurer les règles et les mécanismes d’une économie de marché, qui plaide pour la réalité des prix et des salaires. Aujourd’hui, la priorité des priorités du gouvernement serait de privilégier une politique salariale cohérente favorisant les créateurs de valeurs ajoutées et encourageant le travail et l’intelligence. Enfin, rendre le travailleur actionnaire dans son entreprise ; aussi tous les Algériens doivent devenir des actionnaires dans le capital des entreprises publiques en mettant sur le marché obligataire la vente de valeurs mobilières. 
L’objectif étant leur participation aux fruits du développement, au moment où 50% de la masse monétaire est dans les circuits de l’informel et les bas de laine.

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