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La gestion financière des clubs professionnels en question

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M’hamed ABACI Publié 02 Mai 2021 à 18:32

Par : M’Hamed ABACI 
ANCIEN CADRE FINANCIER À SONATRACH

Pourquoi ne parviennent-ils pas à diversifier les sources de financement, dont l’État reste le principal pourvoyeur, au point où ces clubs se retrouvent tout simplement en faillite depuis le lancement du professionnalisme en 2010 ?” 

L’argent alloué aux clubs de football professionnel n’est pas encore orienté ou utilisé dans un esprit d’entreprise et de culture économique, qui devrait notamment participer à la libération de l’environnement des sociétés sportives et leur adaptation aux règles et mécanismes de l’économie facteur-clé de toute dynamique d’investissement et de financement des sociétés commerciales. Malheureusement, nos clubs restent toute l’année à gérer les salaires des joueurs à coups de centaines de millions de centimes par joueur sans prendre en considération les critères de performance. Ajouter à cela un championnat classique selon l’ancien modèle dit sport amateur décrété “pro”, à la charge et aux seuls moyens de l’État, sans parvenir à élever le niveau compétitif à l’international, voire l’équipe nationale est le fait de joueurs formés et évoluant à l’étranger, y compris l’entraîneur, qui aménagent l’arbre qui cache la forêt. 

L’autre aspect du problème, l’assiette de cotisation des joueurs des clubs professionnels en Algérie est fixée à 15 fois l’ancien SNMG (18 000 DA), soit 27 millions de centimes/mois (270 000 DA). L’équité impose que chacun paye sa juste part, et c’est injuste de voir des footballeurs rémunérés à coups de centaines de millions qui payent moins de cotisations sociales et fiscales. Sinon, de quel professionnalisme parle-t-on aujourd’hui ? L’économie du sport s’avère incontournable dans le processus des réformes économiques de notre pays, sinon il est difficile d’attirer des investisseurs ou de nouveaux actionnaires qui connaissent l’économie. Le mode de financement actuel des clubs professionnels est loin de répondre à une approche économique et sociétale, visant à construire sereinement le nouveau projet sportif qui permettra la nécessaire autonomie financière des clubs sportifs professionnels avec de nouvelles règles de gestion, règles qui contribueront à créer une économie de production de la richesse et de l’emploi qui s’ajouterait au produit intérieur brut (PIB) du pays. C’est ici toute la triste réalité ; nous sommes présentement en présence d’un déficit de compétitivité économique du football professionnel algérien, alors qu’à l’évidence le football professionnel, c’est aussi l’économie, qui constitue un business à forte valeur ajoutée. 

Il ne peut se permettre une continuité dans l’amateurisme, tiré par la dépense publique. La situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le football professionnel soulève de grandes inquiétudes sur son avenir, nous montre la faillite du football national et plus largement l’impuissance à gérer le modèle sportif professionnel et, à ce titre, les clubs professionnels visent plus de subventions étatiques que la performance sportive et économique. Il faut reconnaître que les clubs professionnels des Ligues 1 et 2 fonctionnent toujours sur de vieilles idées de l’époque de l’amateurisme, où l’unique intérêt se résume entre le plaisir du jeu et la rente (subventions étatiques). L’idée répandue est que c’est l’État “beylik” qui doit financer le standing des clubs de football professionnels et le soi-disant sport de performance. 

Mais les clubs n’ont pas encore admis qu’il y a lieu dorénavant de se conformer avec leur nouveau statut, celui d’entités économiques gérées en mode de sociétés par actions en concrétisant notamment l’objectif économique porteur de richesses et de valeurs ajoutées en adéquation avec les règles et mécanismes du marché. C’est cette situation qu’explique l’impasse actuelle dans laquelle sont engloutis pratiquement l’ensemble des clubs évoluant en Ligues 1 et 2. Or, les enjeux sportifs et économiques du football professionnel justifient largement que l’État doit se pencher sur le devenir du football professionnel en Algérie. Il va sans dire que l’heure est plus que jamais aux choix durables, à savoir les clubs sportifs professionnels de football doivent se préparer à accepter de nouveaux actionnaires puissants aux profils différents et par conséquent sont appelés à revoir leur gouvernance à travers une gestion moderne à même de développer le football professionnel en Algérie. En effet, les Sspa ne doivent plus être un simple sigle, mais de véritables sociétés commerciales qui créent la richesse, l’emploi, exportent leurs produits (joueurs) et sujettes à dégager des bénéfices dont une partie est réinvestie et d’avoir un actif net comptable positif. La publication des comptes sociaux s’impose (bilan, compte de résultat et l’annexe 3) dans trois journaux au moins à grand tirage plaidant plus de transparence pour une gestion saine.

La quasi-totalité des sociétés sportives par actions (Sspa) sont en situation de faillite dans la gestion, à savoir des déficits croissants, des actifs nets comptables négatifs, des dettes énormes et des subventions étatiques qui s’évaporent sans donner aucun résultat. Selon le responsable de la direction de contrôle (DCGF), les clubs professionnels de Ligue 1 enregistrent un déficit cumulé de 1 000 milliards de centimes. Dans ces conditions, il convient de noter qu’aux termes des articles 715 bis 18 et 715 bis 20 du code commerce, il est stipulé ce qui suit : “Le dépôt de bilan est prononcé si du fait des pertes constatées dans les documents comptables (le bilan) l’actif net comptable de la société devient inférieur au quart du capital social de la société, le conseil d’administration est tenu obligatoirement dans les quatre (4) mois qui suivent l’approbation des comptes annuels ayant fait apparaître cette perte du capital social, de convoquer l’assemblée générale extraordinaire à l’effet de statuer, s’il y a lieu, de la dissolution anticipée de la société. Si la dissolution n’est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de reconstituer l’actif net comptable à concurrence d’une valeur au moins égale au quart du capital social, soit (25%).”

Plusieurs questions restent posées avec force puisque la conjoncture est à l’assainissement, au redressement, à la transparence, à la rentabilité des ressources. On doit souligner que sur ce plan, les clubs professionnels doivent se préparer à accepter de nouveaux actionnaires, comme aussi ils sont appelés à revoir leur gouvernance en s’engageant dans la voie de la transparence pour répondre à de nouveaux besoins de financement par le marché. Parmi ces questions, certaines sont fondamentales :
- Les actionnaires, qui sont-ils ? que font-ils dans ce cas de situation ?
- Sont-ils vraiment prêts pour le développement du football professionnel ? 
- Les actionnaires sont-ils de vrais investisseurs ou de simples rentiers ?
- Y a-t-il des clubs qui réalisent un quelconque projet d’investissement dans l’économie du sport ? 
La culture de l’actionnariat est appelée à se développer dans tous les segments du marché et de souscription auprès du grand public à titre de solidarité à travers les collectivités locales, entreprises, investisseurs, hommes d’affaires, commerçants, bailleurs de fonds, notables, citoyens, supporteurs, travailleurs. Logiquement, les clubs de football professionnel peuvent collecter des capitaux à travers des prises de participations financières sous forme de vente d’actions (ouverture du capital social) ou de titres participatifs dans le renforcement de leurs fonds propres. Il faut savoir qu’un club sportif professionnel se gère, se développe et se contrôle au même titre qu’une entreprise économique devant se soumettre au droit des sociétés commerciales. Cela implique d’investir de l’argent dans le club pour bâtir une économie d’entreprise de droit privé.    
En effet, la situation des clubs sportifs professionnels soulignée ci-dessus s’est aggravée en raison, d’un côté, d’un mode de gestion et de gouvernance fortement étatisé. De ce fait, il n’y a pas eu séparation de l’argent du contribuable (des centaines de milliards ont été injectés par l’État et ses démembrements dans les clubs, sans valeurs ajoutées) et une activité commerciale qui n’existe presque pas, engendrant aujourd’hui plus de charges que de revenus et de produits. Il n’y a pas eu non plus séparation entre le droit de propriété (les actionnaires), le droit de gestion (le staff dirigeant) et le financement dans les sociétés sportives (Sspa) ou encore l’ouverture de leur capital social, un moyen de développer une économie privée et d’investir librement dans les sociétés de façon à développer la culture de l’actionnariat et de l’investissement créateur de richesses et d’emplois. 
Car, logiquement les Sspa vont augmenter leur capital social et, par voie de conséquence, collecter des capitaux en mettant en vente des actions, comme cela se pratique partout ailleurs dans le monde. De l’autre côté, les clubs cumulent des déficits chroniques, en raison particulièrement du coût de fonctionnement élevé et de l’inflation salariale qui se fait au détriment de la rentabilité des Sspa. La masse salariale est la première charge des sociétés sportives qui représentent jusqu’à 90% du budget de fonctionnement. Charge trop élevée comparativement aux clubs européens professionnels qui fonctionnent avec une masse salariale brute (salaires, charges fiscales et parafiscales), en moyenne 64% du budget, dont entre 40 et 45% représentant les salaires. “Tout cela n’est pas étonnant, quand on laisse n’importe qui faire n’importe quoi ou encore quand l’infirmier devient médecin.” 
À titre d’exemple : l’activité économique des clubs professionnels de football selon les statistiques génère en France environ 6 milliards d’euros, 26 000 emplois ; les contributions fiscales et parafiscales s’élèvent à 1,54 milliard d’euros/an, alors que chez nous la question des charges sociales, bien plus que celle de la fiscalité, est un des handicaps de pérennité de nos clubs.

D’où vient l’argent du football professionnel ?
La première source d’argent d’un club de football professionnel, c’est celle de ses actionnaires qui sont souvent des opérateurs économiques ou des hommes d’affaires possédant une grosse fortune ; les recettes publicitaires ; les produits résultant des activités ou biens propres concédés ; les recettes de la billetterie des stades ; les recettes des droits de retransmission télévisuelle des compétitions ; les recettes provenant des contrats de parrainage d’équipement et de commercialisation de l’image de marque d’une entreprise ; les recettes résultant du marché de transfert, de vente ou de prêt de joueurs. En effet, à chaque mercato, des transferts de joueurs s’effectuent ; les primes liées aux performances et aux titres. Avec cet argent, le club peut investir dans l’achat de nouveaux joueurs et garder une partie de l’argent pour des investissements au sein du club.
Le bureau fédéral, issu des élections du 15 avril courant, organe souverain qui gère le football du pays, apportera-t-il les réponses nécessaires et les solutions concrètes à ces problématiques ?

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