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La nécessaire mobilisation des compétences et des élites

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M'hamed ABACI (*) Publié 05 Décembre 2021 à 18:31

Par : M'HAMED ABACI
ANCIEN CADRE FINANCIER À SONATRACH

La transition socioéconomique pour conduire le pays vers l’étape de l’après-pétrole et notre insertion dans la mondialisation est, aujourd’hui, l’une des tâches les plus nécessaires, mais aussi l’une des plus difficiles.

 

Dans un contexte mondialisé en constante évolution, il est difficile, d’emblée, de demeurer indifférent face à plus d’un demi-siècle d'indépendance et de gouvernance, une étape qui revêt une importance exceptionnelle, et une responsabilité historique, tant elle marque une grande période de l'histoire politique et économique avec le passé, le présent et le futur de l'Algérie. Un héritage est pourtant là : la politique des années 1970 a jeté les bases de l’industrialisation du pays, dont un tissu industriel et manufacturier et un potentiel agricole de dix millions d’hectares doté de mécanisation moderne classant l’Algérie après l’Espagne. Un paradoxe dans un pays d’une superficie de 2,5 millions de kilomètres carrés, le plus vaste d’Afrique et qui fait cinq fois la France en superficie et compte d’immenses richesses : pétrole, gaz, phosphates, énergie solaire… Le gouvernement va-t-il enfin aller vers un programme d’ajustement structurel interne (PAS) ? D’où il est nécessaire et important d’aller vers la création d’un ministère de l’Économie couplé à celui des Finances, afin de se mettre à un niveau mondial.

Où se situe la faille ? Explications
Notre économie est loin des réalités des marchés et des évolutions mondiales. En effet, l’Algérie est l’un des seuls pays au monde qui n’a pas abandonné le socialisme (l’Etat-providence), c’est dire que l’économie joue en Algérie un rôle politique et social, alors que nous sommes censés être dans une économie de marché depuis 1989, date de la première Constitution consacrant les réformes économiques et politiques. Il y a là une négation et un constat. 

D’abord force est de constater que les entreprises algériennes, petites et moyennes, constituent un non-sens parce qu’on a vu rarement, la petite entreprise devenir moyenne et la moyenne devenir grande, sinon ce serait faire fi de notre développement économique. C’est-à-dire que l’assise industrielle est absente ou, encore, que l’on ne fait pas la distinction entre l’entreprise et l’usine. Donc nos entreprises ne sont ni entrepreneuriales ni technologiques, laissant apparaître un besoin de pas moins de 2 millions d’entreprises de taille Pme/Pmi pour faire face au défi de la croissance économique. 

L’entreprise algérienne souffre, de manière générale, de déficiences  et de contraintes en harmonie avec les normes et les valeurs internationales, notamment elle ne s’imprègne pas assez de  cette réalité, particulièrement de ce qui se fait de par le monde en matière de technologies, de management, de savoir-faire et de formation afin de s’insérer dans la division du travail à l’échelle internationale et à l’exercice d’un management moderne  au sens du droit des affaires en bon pouvoir économique et financier.

Le secteur public souffre de sérieux problèmes de gouvernance et de management et le secteur privé, longtemps demeuré réduit, n’arrive toujours pas à créer une économie de l’offre et de l’innovation. Contrairement aux pays voisins, le secteur économique algérien éprouve du mal à attirer les investisseurs et à concrétiser ses objectifs sur le terrain. Il va sans dire que la transition socioéconomique pour conduire le pays vers une nouvelle étape, celle de l’après-pétrole, et notre insertion dans la mondialisation est certainement, aujourd’hui, l’une des tâches les plus nécessaires, mais aussi l’une des plus difficiles. À tel point que gérer nos entreprises sans contrainte et sans l’aide de l’État est devenu un sérieux problème pour nos dirigeants. 

Oui, ni le gestionnaire ni l’entrepreneur, encore moins le collectif des travailleurs n’ont encore acquis la culture et l’esprit d’entreprise pour une meilleure intégration dans l’économie de marché. 

Les conseils d’administration doivent exercer leur métier de manager attaché à l’esprit d’entreprise et, par conséquent, augmenter leur pouvoir d’action économique et financier dans l’économie nationale et à l’international. Pourtant, tous les pays ayant atteint aujourd’hui un haut niveau de développement économique et social ont reconnu la nécessité et l’intérêt grandissant d’une économie de marché qui œuvre au développement économique des entreprises et à la lutte contre la bureaucratie. 

Ainsi, se pose la question de savoir que valent réellement nos entreprises dans l’économie de marché et leur contribution à l’économie nationale.

L’économie algérienne entame sa 32e année de libéralisme économique. Notre économie demeure imparfaite et petite dans un environnement générateur d’un climat des affaires bureaucratique étouffant, à l’heure où l’économie  est celle d’un monde globalisé. Par ailleurs, l’on sait que l’Algérie est un pays avec une législation économique et financière surchargée et instable, tantôt de droit public, tantôt de droit privé, ce qui affaiblit l’économie, les stratégies et les performances de nos entreprises. Ceci dit, l’économie ne se décrète pas, elle se crée et se développe avec le capital humain.

Le marché des capitaux n’est crédible que s’il y a des entreprises privées viables économiquement ; celles qui produisent de l’endettement, des déficits comptables et des découverts bancaires quasi-chroniques doivent être privatisées. Par contre, nos entreprises sont organisées pour la plupart en Sarl (51%), en Eurl (35%), en SNC (9%) et seules 5% en SPA, alors que les emprunteurs de capitaux sont soit des sociétés par actions, soit cotées en Bourse. 

Pour notre grand malheur, économiquement, l’Algérie doit son salut à ses hydrocarbures, parce que c’est Sonatrach qui nourrit à ce jour notre pays. On ne peut par conséquent qu’être inquiet pour son devenir, car nous devons être conscients des conséquences fâcheuses de l’après-pétrole. Nous sommes encore loin d’une économie qui transforme la rente en richesse durable, sachant que les perspectives économiques de l’Algérie continuent à dépendre principalement des cours du pétrole sur les marchés mondiaux. 

Pour notre plus grand malheur encore, la richesse est attribuée au pétrole, pas aux efforts des hommes et des valeurs du travail. Il en découle que si un homme possède trop, ce n’est pas parce qu’il a travaillé dur, mais parce qu’il a su capter plus de rente que les autres. On capte la rente par ses connaissances, non pas par ses efforts. 

En effet, l’Algérie, qui a consacré ces dernières décennies entre 25 et 35% de son PIB à l’investissement, est distancée par de nombreux pays à l’instar du Kenya, de l’Afrique du Sud, du Nigéria... qui possèdent pourtant beaucoup moins de richesses que l’Algérie. Un secteur industriel, dont l'impact économique et financier est douloureux, est ainsi passé de 18% du PIB dans les années 1970 à 10% en 1996, pour chuter à 5% en 2000 et un taux d'intégration ne dépassant guère les 15%, ce qui reste relativement faible, contre 40%, voire 80% dans le secteur de la mécanique dans les années 1970. 

L’agriculture, fortement subventionnée, ne contribue qu’à hauteur de 12% du PIB ; sa productivité reste faible et dans sa quasi-totalité elle est versée dans l’informel. La productivité par heure de travail est en moyenne de 6 dollars en Algérie, contre 12 dollars en Tunisie et 60 dollars en France. 

La transition, le changement, est certainement aujourd’hui l’une des tâches les plus nécessaires, mais aussi l’une des plus difficiles dans le contexte actuel. Doit apparaître comme le plus grand défi à relever et une grande priorité nationale de la prochaine transition incarnant un nouveau projet socioéconomique, dont les socles sont la démocratie économique et le libéralisme économique qui œuvre à la création de richesse et, par conséquent, préserve l’argent public de tout préjudice et du gaspillage.
Que faire face à cette réalité ?

Pour y parvenir, nous avons besoin de deux grands ateliers, dans le souci de contribuer à créer un espace d’échange et de réflexion sur les questions économiques pour mieux répondre aux besoins nouveaux dans les affaires économiques, pour fonder une économie moderne et s’armer surtout dans la perspective de l’adhésion de notre pays à l’OMC.

Premier atelier : la réforme de l’entreprise pour la relance de la diversification de l’économie nationale et la création d’entreprises aux valeurs internationales. Cela suppose la simplification des conditions d’installation ; la liberté de création, le respect du droit des entreprises ; la protection des droits de propriété industrielle et intellectuelle ; le respect des règles et lois sur la concurrence et la transparence ; la qualité du système fiscal ; la qualité du système bancaire ; laisser émerger les libertés d’initiative et les idées novatrices avec l’implication des élus et des organisations professionnelles.

Deuxième atelier : définir et promouvoir les finalités de l’économie de marché et de la connaissance pour réaliser l’insertion nationale dans l’économie mondiale qui se joue en faveur des pays modernes. S’engager sur des réformes devant intégrer nécessairement de nouvelles politiques de gouvernance publique, propices et efficaces, pour s’attaquer aux contraintes structurelles actuelles pour l’exercice d’une réelle démocratie économique, un atout-clé de l’efficacité de l’Etat. La qualité de la réglementation ; le rôle et la place des intellectuels et des élites. Introduire la rigueur financière et la discipline budgétaire pour la gestion des fonds publics en matière de respect des règles et mécanismes et, par conséquent, lutter contre la bureaucratie et la corruption.

 

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