Contribution

La nécessaire réforme

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M'hamed ABACI (*) Publié 20 Novembre 2021 à 20:46

Par : M'HAMED ABACI
ANCIEN CADRE FINANCIER À SONATRACH

“La comptabilité : algèbre du droit et méthode scientifique et technique d’observation, elle-même est l’ambitieuse servante des sciences économiques.”  (Pierre Garnier)

Cette approche globale de réforme comptable de l’État doit se baser sur les budgets-programmes et sur la comptabilité générale aux normes comptables internationales destinées au secteur public dites IPSAS. C’est un cadre de référence qui permettra de coordonner l’action des institutions et administrations de l’État.

L’actuel système budgétaire de caisse doit nécessairement tendre vers un système de comptabilité patrimoniale, notamment vers une comptabilité générale, bâtie selon une présentation comptable conventionnelle dite en “partie double”, qui est un instrument fiable pour renforcer la transparence budgétaire et répond à des normes comptables internationales très strictes et fidèles à la réalité économique et financière d’un pays ou d’une entreprise. Passer ainsi de la comptabilité de caisse d’un système sectoriel budgétivore et statique à celui d’une budgétisation par programme, dans l’optique d’un système de comptabilité patrimoniale qui permet, non plus, de savoir ce que l’État a dans ses caisses, mais plutôt d’apprécier ce que sont ses actifs (ses richesses ou ses potentialités économiques) et ses passifs (ses dettes et ses engagements).

En conséquence, la réforme budgétaire est incontournable de la réforme de la comptabilité publique et de la réforme fiscale, devant se baser sur des budgets-programmes en lieu et place de budgets sectoriels. Oui, financer les budgets-programmes de l’État, c’est piloter le budget de l’État à un niveau économique élevé, c’est-à-dire se préoccuper davantage des coûts, des prix de revient et de la rentabilité économique et financière, voire un budget sans déficit et sans inflation. 

Le déficit budgétaire, ces dernières décennies, s’est creusé pour représenter entre 9 et 25% du PIB, alors que la norme est fixée à 3%. Tout déficit a un effet destructeur sur les finances publiques et est un frein au rétablissement de l’économie créatrice de richesses. Ces déficits ont tendance à peser aujourd’hui sur la demande des ménages et des entreprises, puisque ces déséquilibres budgétaires ne se résoudront, évidemment, que dans une transformation structurelle de l’économie. Par contre, le résultat budgétaire excédentaire (positif) étant en fait une garantie de solvabilité vis-à-vis des investisseurs et du marché financier en général, l’État n’accèdera au marché obligataire ou de crédits que pour celles répondant à ce critère de solvabilité.

Il nous faudrait une croissance annuelle de 7% et plus par an pour surmonter la crise économique actuelle et un baril de pétrole à 90 dollars et plus pour pouvoir équilibrer le déficit budgétaire et ouvrir des perspectives socioéconomiques à notre jeunesse. Aujourd’hui, sans les subventions et les transferts sociaux, la pauvreté serait plus forte en Algérie et pourrait atteindre, selon nos estimations, 30% de la population après avoir dépensé 80%, de nos recettes d’exportation provenant de la rente pétro-gazière, “soit l’équivalent de 800 milliards de dollars dans les plans de relance qui devaient normalement soutenir la croissance économique potentielle ces deux dernières décennies”. Ce qui est une dérive budgétaire dramatique pour une économie dépendante du prix du baril de pétrole. Dès lors les systèmes comptable, budgétaire et fiscal ont besoin d’être considérablement adaptés et améliorés aux normes comptables internationales ; un pays qui maîtrise ses finances génère la richesse, le progrès, l’épargne et le profit maximum.

Cela a pour effet d’améliorer l’accroissement du contrôle parlementaire sur les finances publiques, la responsabilisation des gestionnaires des ressources du pays à travers la mise en place de pratiques comptables inspirées des normes comptables internationales, dites IPSAS (International Public Sector Accounting Standards). Un volet-clé de réforme des finances publiques, car la normalisation comptable est au cœur du système économique et financier du monde occidental et anglo‐saxon. Un facteur‐clé de confiance pour les investisseurs (IDE) et les actionnaires et un meilleur contrôle de l’argent public pour garantir une meilleure gestion des finances publiques devant fonctionner harmonieusement, en interface avec les comptabilités internationales. 

En effet, le souci étant d’aller vers une professionnalisation du secteur public dans la perspective de l’ouverture de l’Algérie sur le monde économique, car la nouvelle économie est celle d’un monde globalisé et mondialisé. Oui, l’Algérie ne peut se permettre le luxe de fonctionner en marge des évolutions mondiales. 

En effet, on ne peut parler aujourd’hui de comptabilité nationale, mais surtout de comptabilité internationale fondée sur une nouvelle conception consacrant un nouveau système de gouvernance et de système budgétaire, conçu sur un système de comptabilité générale (patrimoniale), avec la volonté de moderniser le secteur public et le rendre performant et transparent. Les États et entreprises des pays occidentaux et anglo-saxons sont valorisés sur les marchés financiers et boursiers à travers leur comptabilité aux normes comptables internationales, qui sont au cœur de leur politique de gouvernance économique et publique et de leur processus de politiques économiques et de stratégies.

L’évolution de la comptabilité publique en Algérie este un domaine en retard et encore mal connu du grand public ; ainsi dans le souci de contribuer au grands débats de l’heure, afin de dégager les propositions permettant d’avoir de meilleures approches des finances publiques, pour l’exercice d’un management public moderne qui aura pour effet d’optimiser les actifs de l’État en normes comptables internationales, dans la mesure où la réforme comptable de l’État que nous plaidons est basée sur une approche économique plus conforme aux règles d’une économie de marché.

Enfin, de lui donner son rôle et sa pleine efficacité et responsabilité dans l’économie nationale à l’effet, de réduire les gaspillages liés aux coûts de fonctionnement des administrations publiques et des collectivités territoriales, la lutte contre la corruption, le bureaucratisme économique... En effet, il est regrettable de constater, après plus de 32 ans de libéralisme économique, consacré par la fameuse Constitution de 1989, que les systèmes déficients prévalent toujours dans la gouvernance et les politiques budgétaires, dont aujourd’hui l’impact s’avère douloureux, notamment la dégradation de la structure des finances publiques du pays.

Car une mauvaise gestion financière et une comptabilité inappropriée sont deux facteurs qui favorisent la mauvaise gestion du système économique et financier de l’État et dans lesquelles on ne peut pas maîtriser les risques de gestion budgétaires ou les plans de soutien à la croissance, voire les subventions et les facilités fiscales et parafiscales qui résultent de la politique budgétaire sans rendement économique et financier. Maîtriser aujourd’hui la finance publique est une question cruciale ; beaucoup pensent que les finances publiques, c’est la caisse exclusive des pouvoirs publics ; ainsi, l’argent public, ne devrait plus être, comme par le passé, octroyé selon une fonction de caisse, alors qu’au niveau international, la notion de comptabilité publique de trésorerie est devenue caduque. 

Trois réformes structurelles importantes sont à engager pour l’efficience et la performance du fonctionnement de l’État dans sa globalité, notamment dans ses aspects économique et social : le budget de l’État, la comptabilité publique et la fiscalité comme levier fondamental de modernisation du secteur public. 

En effet, “la comptabilité publique en Algérie, telle qu’elle est pratiquée actuellement, est une comptabilité de caisse, pour répondre à une logique de gestion de rente (l’État-providence), assurant juste les mouvements en moins (-) et/ou en plus(+) de la caisse dans une optique purement de trésorerie fondée sur l’encaissement et le paiement (recettes – dépenses)”. Cela veut dire que les comptes publics sont tenus sans prise en compte des engagements pour cerner la dimension comptable du patrimoine de l’État comptabilisant les droits, les obligations et les immobilisations conformes à la comptabilité générale. 

En conséquence, nous ne pouvons parler d’un système comptable de l’État efficient, cohérent, transparent, performant et d’un meilleur contrôle sur les finances publiques dans notre pays. Cela, dans la mesure où nos finances publiques se pratiquent au quotidien, selon une fonction de caisse, et ce, au bon vouloir des pouvoirs publics ; rarement on applique l’ingénierie budgétaire ou réalise des études technico-économiques, des prospectives et analyses des conjonctures économiques et financières pour transformer notre économie de rente en une économie de production et de transformation dans l’économie nationale. 

Cette approche globale de réforme comptable de l’État doit se baser sur les budgets-programmes et sur la comptabilité générale aux normes comptables internationales destinées au secteur public dites IPSAS. C’est un cadre de référence qui permettra de coordonner l’action des institutions et administrations de l’État. Pour cela, on doit passer nécessairement d’un système sectoriel budgétivore et statique à une budgétisation pluriannuelle, par programme en tant qu’unité comptable opérationnelle, gouvernée sur l’approche économique et l’obligation de résultat aux gestionnaires de l’État. C’est-à-dire améliorer la responsabilisation et la capacité de bien gérer les finances publiques, améliorer l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques. 

Le budget de l’État ne doit pas coûter au contribuable ou à la nation plus qu’il ne peut rapporter, et ce, en se rapprochant notamment de la culture financière et comptable de l’entreprise pour pouvoir mieux répondre aux besoins économiques nouveaux et fonder une économie de marché moderne ; cela aura pour effet d’avoir de meilleures armes en adhérant à l’OMC et à tirer avantage de l’Accord d’association avec l’UE.

Il est donc primordial de préparer la ressource humaine, notamment la formation des agents comptables de l’État spécialisés et du statut du comptable public rénové pour être en mesure d’exercer leurs tâches et responsabilités avec compétence, et capables aussi de défendre les intérêts de l’État, l’introduction des moyens informatiques modernes et enfin l’assainissement de la comptabilité publique et budgétaire.

La réforme de la fiscalité de l’État doit être nécessairement accompagnée de la réforme du budget et de la comptabilité de l’État, en raison des changements et des mutations profondes qu’elles impliquent en matière d’interface avec la globalisation de l’économie mondiale, qui engage de plus en plus l’utilisation de règles et de références communes. En plus de cette nécessité, il y a le besoin de disposer d’une information budgétaire, économique et financière crédible, fiable et vérifiable au moment où le problème des statistiques est réellement posé avec acuité en Algérie (1).
C’est le grand enjeu d’un nouveau mode de gouvernance et d’un nouveau management public pour s’adapter à l’évolution de l’économie mondiale, consacrant la prééminence de l’économique sur le juridique et le fiscal, à l’heure où le discours officiel du gouvernement algérien prône une nouvelle économie. 

Voilà, en effet, un thème qui peut à lui seul résumer toute la problématique qui entrave l’efficience de la gestion des finances publiques, accroissant les fraudes, les irrégularités, les flux financiers illicites et fuites de capitaux et les risques de corruption. La comptabilité de l’État n’a jamais été une préoccupation quand on sait que les réformes économiques intervenues en 1989 imposent normalement cette réforme pour une rupture avec le système d’une économie administrée, notamment instaurer un système comptable et financier qui réponde aux exigences de l’économie de marché, notamment faire de la réforme comptable de l’État, la réforme budgétaire et la réforme fiscale les trois piliers de la nouvelle politique économique du gouvernement. 

(1) Voir notre livre L’Information de gestion et statistiques (Editions Othmania, Alger 2008)

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