Contribution

Les martyrs d’Orléanville

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M'hamed ABACI (*) Publié 19 Février 2022 à 14:55

Par : M’HAMED ABACI
FINANCIER ET AUTEUR

Ceux qui se sont sacrifiés pour que le pays retrouve sa liberté doivent être élevés au panthéon de la gloire afin qu’ils ne soient pas oubliés par l’histoire et effacés de la mémoire des générations futures.

“Si nous venons à mourir, défendez nos mémoires”, Didouche Mourad. 

Il est donc grand temps de réunir les témoignages dispersés et de restituer les faits et les événements oubliés pour tenter de créer des liens entre ces hommes de la glorieuse révolution algérienne et les nouvelles générations, afin qu’il n’y ait pas de rupture dans la mémoire collective. Toute nation est fière de son histoire, elle se construit et assoit son unité nationale. En effet, l’Algérie célèbre le 18 février la Journée nationale du chahid. Cette date, la plus prestigieuse que le peuple algérien commémore chaque année, qui a mis fin à une colonisation de 132 ans au prix du sang d’un million et demi de martyrs. Une nation qui oublie, qui marginalise ou qui ne donne pas de l’importance aux valeurs humaines n’a sûrement pas d’avenir.

C’est l’histoire d’un peuple, d’une Révolution, d’une nation, d’un État national, de tous les martyrs et de tous les chefs historiques à l’origine du déclenchement du 1er Novembre 1954 et du congrès de la Soummam, qui ont pour noms Larbi Ben M’hidi, Rabah Bitat, Krim Belkacem, Mostefa Ben Boulaïd, Hocine Aït Ahmed, Didouche Mourad, Mohamed Boudiaf, Zighoud Youcef, Amirouche, Ahmed Benbella, Mohamed Khider, Abane Ramdane. Le peuple algérien a consenti les plus grands sacrifices qui ne peuvent s’effacer de sa mémoire, des souffrances qu’il ne peut jamais oublier, car il a écrit une des plus belles pages de son histoire. Toutes les couches populaires étaient mobilisées pour le noble idéal de la libération du joug colonial : paysans, ouvriers, chômeurs, étudiants et intellectuels ont mené le combat libérateur qui a inspiré bien des peuples colonisés, faisant des Algériens l’exemple à suivre pour vivre libre et indépendant. Cela appelle résolument de rappeler la célèbre phrase de Didouche Mourad : “Si nous venons à mourir, défendez nos mémoires.” 

En effet, cette immortelle citation, qui coïncide avec cette date historique, nous inspire amplement en tant que citoyen pour esquisser la rédaction de cette modeste contribution citoyenne à la mémoire de ceux qui ont sacrifié leur vie pour la libération de l’Algérie et porter très haut l’emblème national. Avec le grand et profond respect que je dois à l’histoire de mon pays et à sa lutte légendaire, j’estime qu’on doit rendre un vibrant hommage autant de fois qu’il faudra à ces combattants, ces patriotes, ces martyrs tombés au champ d’honneur ou décédés après l’indépendance (1962) pour l’inculquer aux générations montantes de façon à leur transmettre les valeurs du 1er Novembre 1954. Ils étaient tous jeunes et braves, ignorant complètement la peur, le danger et la mort, à l’exemple de l’héroïne Hassiba Benbouali, cette fille d’El-Asnam, l’actuelle Chlef. Qui se souvient de l’histoire de l’Algérie se souvient de l’héroïne Hassiba Benbouali, qui fut littéralement soufflée par une lourde charge de dynamite, explosée en compagnie de Petit-Omar, d’Ali La Pointe et de Hamid Bouhamidi dans la Casbah d’Alger. Ils ne pouvaient rien espérer que mourir pour la patrie, en héros, en martyrs… Comme aussi celui du douloureux souvenir de juin 1845 : les enfumades du Dahra, la vallée du Chéliff, commises par l’armée française, anéantissant des populations civiles qui se réfugiaient dans les grottes pour fuir les combats. Des figures marquantes de la Révolution algérienne ont donné leur vie à la patrie, comme le commandant de la Wilaya IV Si Djilali Bounâama, la famille Khelif, les sœurs Bedj, les frères Khatib, Mâamar Sahli, Mikioui et Ziane D’Elfi, Djouba M’hamed, Klouche (champion de France de cross-country), les frères Messabih, et la liste est longue. Ils comptent parmi les figures historiques et marquantes de la révolution algérienne dans la région. 

À cette journée qui fait date de l’histoire de l’Algérie indépendante, il nous paraît important de rappeler à cette occasion, comme l’attestent des témoignages auprès de leurs anciens compagnons d’armes et membres de leur famille, que cette région est l’un des berceaux de la révolution algérienne, qui n’a pas encore livré tous ses secrets sur les martyrs et les moudjahidine qui ont marqué l’histoire de notre pays par leur bravoure et leur héroïsme. À l’exemple de l’engagement révolutionnaire des Khelif d’Orléansville, l’actuelle Chlef, une famille historique de moudjahidine d’itinéraire nationaliste et révolutionnaire qui compte 18 valeureux combattants entre chahids et moudjahidine de la nation, qui ont marqué la résistance dans la région et l’histoire de notre pays par leur bravoure et leur héroïsme, mais qui, hélas, ont été oubliés jusqu’à devenir inconnus par la génération d’aujourd’hui. Ils sont pourtant morts pour l’indépendance du pays. En effet, dans la matinée du 18 février 1962, les habitants de la ville d’Orléansville, l’actuelle Chlef, ont été réveillés par de violents coups de feu. L’accrochage fut très violent entre les trois moudjahidine et les soldats de l’armée française, à savoir Si El-Hadj M’hamed, Si Allal et Si Tayeb, qui opposèrent une farouche résistance, mais vers 12h Si El-Hadj M’hamed et son adjoint Si Allal tombèrent en héros en plein centre-ville, les armes à la main, où s’étaient réfugiés au bain maure (hammam Ouled-Larbi dit Rekab), aujourd’hui détruit par le séisme de 1980. Quant au troisième, Si Tayeb, blessé, il s’est rendu aux soldats français. Selon des informations, ce dernier est toujours en vie et réside dans la wilaya de 
Tissemsilt. 

La maison natale de ces vaillants combattants de l’ALN (frères et cousins Khelif) est située à Lardh El-Beydha (ex-Saint-Facteur), à 5 km au nord-ouest de la ville de Chlef. Ils ont pris le maquis alors qu’ils étaient très jeunes. Ils ont donné leur vie et leur jeunesse à l’Algérie “pour faire briller sur le pays le soleil de l’indépendance”. Ils sont toujours présents dans les cœurs et les mémoires des habitants de Chlef et ont pour noms Khelif Benouali, Khelif Boualem, Khelif Abdelkader, Khelif Mohamed Belhadj, Khelif El-Hebib dit Sissani, Khelif Slimane, Khelif Benabdallah, Khelif Baghdadi, Khelif Mâamar, Khelif M’hamed, et la liste est longue.

Ou encore, dans cette famille symbole de la Révolution, les frères et les cousins Khelif étaient de cette trempe d’hommes fidèles à la cause nationale et à la patrie. Ils sont notamment 18 valeureux combattants entre chahids et moudjahidine de la nation qui sont presque oubliés. Alors qu’Ils comptent parmi les figures historiques et marquantes de la révolution algérienne dans la région d’El-Asnam, l’actuelle Chlef. Ils sont toujours présents dans les cœurs et les mémoires des habitants de Chlef. Le premier membre de la famille révolutionnaire Khelif, Si El-Hadj M’hamed, tombé au champ d’honneur en compagnie de son adjoint Si Allal dans un violent accrochage avec les soldats de l’armée française en plein cœur de la ville d’Orléansville, l’actuelle Chlef. Le chahid Benouali dit Si El-Hadj M’hamed, après avoir effectué son cycle primaire et coranique, intégra le mouvement national à l’âge de 20 ans et n’a cessé d’être depuis actif, dans la voie du militantisme et de la lutte révolutionnaire, pour l’éveil des consciences dans le milieu juvénile.

Son patriotisme et son amour pour l’Algérie lui ont forgé un destin à rejoindre le maquis à l’âge de 30 ans. Marié, il a laissé derrière lui trois enfants, pour rejoindre en 1956 les rangs des forces de l’ALN opérant dans la wilaya IV, sous le commandement de Si Djilali Bounâama puis du colonel Si Youcef Khatib. Il est né en 1926 à Lardh El-Beydha (ex-Saint-Facteur), commune d’Orléansville, Chlef aujourd’hui. C’est le fils de Miloud et de Hadj Ali Aïcha. 

En 1959, ses qualités de compétence, de noblesse et d’abnégation et sa haute morale révolutionnaire, doublées de stratège, vont lui permettre d’être désigné comme commissaire politique dans la région d’Orléansville, l’actuelle Chlef. Il mena plusieurs opérations dans la région du Dahra et des monts de l’Ouarsenis contre des objectifs vitaux de la colonisation. Il démontra sa foi et son courage pour la réussite de la révolution en se consacrant à une intense action politico-militaire, notamment en véhiculant les idéaux de la révolution et en organisant l’action militante parmi la population. Il réussit ainsi à mettre sur pied un réseau puissant de fidayîn et d’agents de liaison et de logistique. En outre, il s’est attelé au soutien et à la prise en charge des familles de moudjahidine et de martyrs, voire des démunis parmi la population et ce, jusqu’à sa mort en compagnie de son adjoint Si Allal, survenue le 18 février 1962, soit à un mois du cessez-le-feu et à cinq mois de l’indépendance nationale, en plein cœur de la ville d’Orléansville, aujourd’hui Chlef.

L’armée française, agissant sur renseignements, a encerclé la villa (appartenant à la famille Ouled Larbi, plus connu sous le nom de Rekab), où ils s’étaient réfugiés, avant de se replier sur une distance de 200 m environ dans un local appartenant à Marie Antoinette (photographe), puis dans un bain maure appartenant toujours à ladite famille (l’édifice a été détruit par le séisme de 1980), où ils réussissent à brûler tous les documents en leur possession avant de résister héroïquement aux soldats qui les encerclaient.

Ce jour-là, nos deux martyrs succombent en héros au champ d’honneur à la fleur de l’âge, les armes à la main, après un terrible accrochage qui a eu lieu en plein cœur de la ville ; les deux braves avaient tenu tête aux forces armées durant toute la nuit et une journée presque entière ; ils créèrent ainsi l’événement politique et militaire à l’époque et furent reconnus comme de grands héros de l’Armée de libération nationale. De l’avis des habitants de Chlef, ces deux héros ont profondément marqué l’histoire de la wilaya. Ils étaient sans conteste un modèle de vertu et de courage extraordinaire, car leur mort, si elle fut des plus tragiques, a été aussi des plus glorieuses : les deux martyrs avaient refusé de céder aux propositions faites par le préfet de l’époque, M. Ourabah, et par les forces armées coloniales qui leur avaient promis la vie sauve s’ils se rendaient. Les deux valeureux moudjahidine ont préféré mourir les armes à la main, en héros, en martyrs pour la libération du pays.

En attendant un geste politique plus que symbolique des autorités locales de la willaya de Chlef : marquer l’événement de la Journée nationale du chahid en élevant une stèle à la mémoire de ces 18 combattants de l’ALN, les frères et les cousins Khelif, en souvenir de leur sacrifice, de leur poids et de leur rôle dans la glorieuse Révolution afin qu’ils ne soient pas oubliés par l’histoire et effacés de la mémoire des générations futures. Dans le même temps, il serait utile de penser à la création d’un musée de l’histoire de la guerre de Libération nationale dans la région de Chlef au profit des jeunes générations et des historiens. Nous en sommes encore loin, malheureusement.  

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