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“LIBERTÉ” : la voix de “la famille qui avance” !

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Aziz MOUDOUD ET Hakim SAHEB Publié 12 Avril 2022 à 12:00

Museler la presse est le propre des régimes illégitimes. Une démocratie se nourrit, par essence, de pluralisme et de liberté d’expression. Les voix multiples fécondent ses organes de presse qui ne doivent aucunement être une espèce monologique propice à l’émergence d’une pensée unique, et le dogmatisme comme corollaire.
Face à l’obscurantisme, à l’arbitraire et à l’injustice sous toutes ses formes, la presse doit demeurer libre, une source d’informations fiable, un lieu de débats et d’échanges responsables et dignes d’intérêt. La presse est indéniablement indispensable dans une société organisée, dynamique et apaisée.
Que serait le sort de Dreyfus devant la campagne frénétique des antisémites sans le célèbre plaidoyer d’Émile Zola, “J’accuse”, dans le journal l’Aurore en 1898 ? Quel serait l’écho du Manifeste des 121, titré “Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d’Algérie”, signé par des intellectuels, universitaires et artistes français s’il n’avait été publié le 6 septembre 1960 dans le magazine Vérité-Liberté, défiant corrélativement la censure institutionnelle qui s’attelait à réduire au silence le souffle libérateur de l’Algérie combattante ? Quel serait le retentissement du Manifeste des 343 femmes, dont Gisèle Halimi, disant publiquement avoir avorté, sans sa publication avec la complicité du journaliste Jean Moreau dans le Nouvel Observateur en 1972 ? Qui aurait pu faire échec à la cabale et l’acharnement judiciaire visant l’universitaire Ali Bensaad, dans les années 90, si ce n’était la bataille médiatique des démocrates, portée courageusement par certains organes de presse indépendants, qui ont choisi le camp de l’honneur au mépris de tous les dangers ?
L’histoire retiendra indélébilement les noms des journaux qui ont payé le prix fort pour sauver la République et faire triompher l’idéal de citoyenneté, de justice et de dignité humaine. Le journal Liberté est de ceux-là. Né dans la douleur en 1992, avec une énergie juvénile, un objectif noble et une fidélité indéfectible à accomplir sa mission sans jamais se départir de l’éthique, vertu cardinale et rempart infranchissable pour se prémunir contre les séductions mercantiles et résister inlassablement aux pressions et sollicitations malsaines de tout bord.
Peut-il aujourd’hui tourner casaque ? Peut-il abdiquer après 30 ans d’exercice sans faille ? N’est-il pas la voix de la famille qui avance ? N’appartient-il pas aussi à ces plumes fines, pertinentes et jamais serviles qui alimentent généreusement ses colonnes et font le bonheur de ses assidus lecteurs qui assurent sa pérennité ?
Hélas ! L’appréhension se précise, le doute se dissipe et l’amère vérité tombe comme un couperet sur tout le collectif du journal et tous les lecteurs de Liberté. L’éditeur a pris apparemment la décision irrévocable de mettre fin à une belle aventure. Que c’est dur ! Que c’est pénible d’imaginer un seul instant que, désormais, Liberté n’existera que dans nos mémoires ! Peut-on croire aux miracles ? Peut-on, encore, espérer l’intervention salutaire d’un sauveur pour enrayer la machine implacable d’une mort absurde d’une “liberté” chèrement acquise ? Puisse celui qui a le sort de Liberté entre les mains se ressaisir et révoquer cette décision funeste !
Il est vrai que les associés peuvent, à tout moment, choisir de mettre fin au contrat qui les unit et dissoudre la société de façon anticipée. Au plan stricto sensu, la dissolution de la société par actions est une décision qui relève, juridiquement, de la compétence exclusive des actionnaires (art. 715 bis 18 du code de commerce). Néanmoins, au regard de l'éthique, un journal appartient d'abord à ses journalistes et, subsidiairement, à ses lecteurs. S’agissant d’une société d’édition, dont l’aisance financière n’est pas remise en doute, cette mesure extrême requiert d’autres conditions que le quorum et la majorité prévues pour toute modification statuaire en cours. Il va sans dire que même dans les situations de faillite, le code de commerce prévoit des techniques de substitution, telles la cession et la vente des parts. Il est encore possible de prémunir la société contre toute mise à mort et préserver particlièrement cet outil de production, ô combien symbolique, qui a su résister aux sirènes du clientélisme et aux menaces terroristes.
Qu’il pense aux milliers de lecteurs, aux dizaines de journalistes, à tout le personnel et surtout à ceux qui ont connu le sacrifice suprême pendant la décennie rouge, à savoir Hamid Mahiout et Zineddine Aliou Salah, tous deux assassinés en 1995, et ceux qui continuent de s’insurger dignement contre l’arbitraire au prix de leur liberté à l’instar de Mohamed Mouloudj et Rabah Karèche. Et si sa mémoire tourmentée tarde à trouver la sérénité, qu’il relise vivement “Liberté” de Paul Éluard et qu’il visite aussi, dans une ruelle de la ville d’Azazga, la plaque en marbre sur laquelle a été inscrit le mot “liberté” avec le sang d’un jeune manifestant, en l’occurrence Kamel Irchene, avant qu’il rende, l’âme le 27 avril 2001.
Gloire à celui qui saura sauver le journal Liberté ! Il aura sans doute une statue à son effigie dans le cœur de milliers de lecteurs et recevra leur salut fraternel “quotidiennement”. N’est-il pas plus satisfaisant et plus convaincant que toutes les raisons obscures qui conduisent à sa mort ?

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

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    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

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    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00