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Que peuvent attendre des députés l’Algérie nouvelle et les Algériens ?

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M'hamed ABACI (*) Publié 05 Juin 2021 à 22:02

Par : M’HAMED ABACI
ANCIEN CADRE FINANCIER À SONATRACH

“JE N’AI PAS BESOIN D’ORDINATEUR, J’AI JACQUES ATTALI (NÉ EN ALGÉRIE)”, DISAIT LE PRÉSIDENT FRANÇOIS MITTERRAND.

L’Algérie a grandement besoin d’un modèle de valeurs au service de la nation et du peuple. Et de poser la question suivante : que peuvent attendre des députés l’Algérie nouvelle et les Algériens ? Cette interrogation se base sur l’incohérence entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif  sur le plan de la politique économique. Conséquence logique : une forte contradiction entre une politique d’économie de marché et une politique d’économie de rente pour sortir d’une forte étatisation pouvant assurer une meilleure place à notre pays dans la mondialisation-globalisation.

Autre remarque, nos partis semblent encore loin d’être porteurs d’un projet national viable ou de programmes économiques sérieux et d’avenir en passe de produire une nouvelle et profonde coupure au sein de la société ; ces partis sont encore loin des grands débats sur de nouvelles idées pour une rénovation de la pensée critique en Algérie pour un vrai débat législatif. Il est compréhensible de placer les élections législatives du 12 juin 2021 comme une priorité nationale. Cependant, ignorer ou reléguer la question de la valeur humaine (VH) et l’économique à un horizon indéfini risque de compliquer davantage la transition politique et économique.

En effet, les partis influents et majoritaires qui sont coalisés en alliances, comme  le RND, le FLN, le MPA, TAJ, etc., ont tous misé sur la rente pétro-gazière pour défendre des politiques sociales sans rapport avec les fondamentaux de l’économie. Ils se sont contentés de l’investissement public, voire certains, de par leur nature, relèvent du caractère commercial tels que l’autoroute, le métro, le tramway, les ports, les aéroports, etc. pour contenir la croissance via la dépense publique, nous qui sommes dans une économie de marché depuis 1989. 

Dans ce contexte troublé, il est important de noter que ces élections sont d’abord un moment pour faire le bilan, car il s’agit là de l’avenir de l’Algérie et de celui de ses enfants. Du point de vue naturellement d’un citoyen algérien, d’un contribuable à la retraite et d’un électeur, on ne voit pas, de la part de nos futurs députés, de progrès significatifs et on n’innove pas non plus, ce qui a conduit au mal-développement du pays. Dès lors que l’avenir socio-économique s’annonce pour notre pays difficile pour la décennie 2021-2030, où notre économie ne sera plus protégée par une politique protectionniste dans le cadre de notre partenariat avec l’UE et sachant également que les indicateurs montrent que la tendance continue à la baisse, à savoir qu’après 32 années d’ouverture, notamment depuis la libéralisation du champ politique et économique en 1989, notre économie est demeurée structurellement importatrice, qui absorbe déjà nos recettes d’exportation d’hydrocarbures, subventionnée et étatiste. 

C’est pourquoi les conséquences sont particulièrement lourdes, notamment pour l’Algérie qui retire 98% de ses recettes des exportations d’hydrocarbures, près de 50% de son PIB et 70% de l’ensemble des recettes fiscales du budget de l’État, auxquelles les collectivités locales restent excessivement dépendantes, et un cadre législatif inadéquat, tantôt de droit public, tantôt de droit privé, ce qui a affaibli nos stratégies et mis notre économie nationale dans une impasse, vu que le pays a une croissance qui dépend excessivement de la dépense publique et du commerce d’importation, à savoir que 75% de nos besoins sont importés. Qu’apportent donc nos députés à l’économie du pays ? 

Il va sans dire qu’il n’est pas de bon augure pour la dynamique du renouveau politique et de la transition économique pour que le pays soit en phase avec les profondes mutations que connaît le monde. Les élections se suivent et se ressemblent, car force est d’observer que les listes des candidats présentés ne sont que du remplissage par nos partis politiques, ne sont pas encore une nouvelle fois représentatives, et certains candidats n’ont pas de crédibilité morale et de compétences confirmées, c’est-à-dire   un quelconque projet économique, un palmarès politique ou professionnel et intellectuel à  même de séduire l’opinion publique. 

En fait, il n’y a plus de politique, encore moins d’hommes politiques, il n’y a que des gens qui travaillent à accéder au pouvoir, par tout moyen qui leur semble bon, et qui, une fois élus, ne gouvernent pas mais se contentent d’assurer une gouvernance dans la continuité, c’est-à-dire tentent de traiter les problèmes au fur et à mesure qu’ils surviennent.

En effet, depuis quatre décennies  nos élus, composés de toutes tendances politiques, se contentent d’une approche politico-administrative caractérisée par une idéologie de la pensée unique et partisane, choix du passé toujours présent, et ignorent tout de l’économie qui va très mal et qui se complique davantage, face à un contexte énergétique mondial incertain. En clair, si l’on fait carrière dans la politique, c’est bien dans l’économie que l’on se fait un nom et une notoriété. C’est là tout le défi qui se pose à la nouvelle Assemblée populaire nationale (APN). Sinon, cela n’en finit pas.

L’Assemblée populaire nationale(APN) n’a pas de signification si elle n’est pas portée par les ressources humaines de qualité, notamment  de la crédibilité des candidats et des partis. Que vous soyez nouvellement élu ou que vous veniez d’être réélu, vous allez devoir définir rapidement les grands axes de la politique économique et financière future du pays, notamment lui ouvrir de nouvelles perspectives de développement socioéconomique. La transition démocratique, “la vraie”, est un élément de richesse et non de régression pour assainir la situation des partis politiques, des institutions, de l’économie et de l’ordre moral pour sortir d’un schéma rentier qui a conduit au mal développement du pays. 

C’est dommage, parce que comme on va le voir, la démocratie ne peut souffrir de comportements déconcertés dans une société moderne qui est un élément de référence et un capital dans le processus de la vie politique d’une nation à l’instar des pays développés. Ainsi, le citoyen n’est pas seulement  un contribuable, il est aussi un électeur, il doit  donc pouvoir être co-décideur et co-gestionnaire, il ne peut être interdit de pouvoir, encore  moins, écarté ou exclu pour participer à la construction de l’Algérie nouvelle. 

Effectivement, dans les pays démocratiques, les citoyens, les contribuables et leurs représentants  jouissent généralement du droit à plus de libertés d’expression. Rien dans ces pays ne peut échapper au débat contradictoire, cela n’empêche pas ces pays de demeurer stables et de vivre dans une harmonie économique et sociale. 

Assurément, l’élection législative du 12 juin 2021, doit être une assise majeure de la vie  politique, car elle doit donner un caractère démocratique universel et témoigner de la volonté ferme et non révisable de la prochaine Assemblée populaire nationale(APN), de doter le pays d’un nouveau contrat social, politique et d’un nouveau modèle de gouvernance du pays.

Notre pays n’est pas épargné par le grand courant synonyme d’américanisation et d’occidentalisation qui agite l’ensemble des pays non démocratiques et modernes. Cela nécessite un  nouveau système de gouvernance et de gestion   des institutions de l’État, dont la constitution serait la source pour développer une culture  réelle de démocratie représentative et participative à même de faire jouer un rôle plus renforcé et responsable des élus et de la société civile  lesquels doivent être à la hauteur des aspirations des Algériens majoritairement jeunes. C’est le nouvel enjeu de l’élection législative de juin 2021. Mais est-ce jouable ? 

Il faut faire appel à l’honnêteté, l’intégrité, la compétence, pour la défense de programmes clairs et engagés au service du peuple et de la nation, car il y a une aspiration profonde au changement du système politique et économique. Le diplôme aujourd’hui ne suffit plus, car avoir un diplôme ne veut pas forcément dire avoir des compétences. 

C’est un obstacle à une rénovation de l’Assemblée populaire nationale (APN), en effet, investis d’un mandat de représenter le peuple et d’un rôle central dans le développement socioéconomique du pays, nos  députés n’ont pas fait relation de leur pouvoir universel de législateur dans l’enceinte économique pour réorienter la stratégie ou la redéfinition de la politique économique pour mieux développer et donner primauté à la fiscalité ordinaire sur la fiscalité pétrolière en faveur d’une meilleure efficacité économique des finances publiques dans le souci de réaménager ou réformer l’organisation de l’État, pour planifier l’étape de l’après pétrole, tant ils continuent à ce jour à débattre et à adopter les budgets comme instrument exclusif de la relance de la demande publique et d'exécution de la dépense dans un cycle d’expansion monétaire accru.

D’abord, que les choses soient claires, un parti politique fort et respecté suppose la présence en son sein d’hommes, de jeunes et de femmes crédibles et intègres au service de la nation et du peuple. Aujourd’hui, l’aspect humain est un facteur des plus précieux dans le développement et le progrès d’une nation, c’est l’homme  qui organise, crée, développe et gère son univers. L’homme est la seule source de richesses d’un pays. 

Aucune solution miracle, ni la ressource naturelle, ni le capital argent ne peuvent substituer au principe suivant : ce n’est pas l’histoire qui fait l’histoire, ce sont les hommes à la valeur grand H. Il n’y a pas de politique qui soit efficace sans la mise à contribution des compétences, des intellectuels et scientifiques, de même que l’adhésion des syndicats, de la société civile, cadres et travailleurs. Au cœur de tout cela, il y a aussi bien évidemment, la presse qui contribuera au renforcement des bases de l’État de droit et de la démocratie. “Un peuple bien informé en vaut deux”, dirons-nous.  La question de la morale en politique qui est absolument vitale, il faudrait que les partis politiques aient des élites compétentes porteuses d’idées et d’idéaux qui tendent vers l’assurance d’un avenir politique et économique du pays qui a besoin de grands changements à l’instar des pays développés. 

Le candidat devra pouvoir mettre en avant plusieurs projets fondamentaux qu’il aura déjà menés à bien et démontrer ainsi une constante de sa carrière politique, professionnelle ou intellectuelle. En politique, si on n'a pas 90% de notoriété nationale, on ne peut pas être élu, un diplôme universitaire est loin d’être suffisant pour prétendre au mandat de député. Il faut savoir encore une nouvelle fois de plus qu’un député doit d’abord être une personnalité de valeur humaine dotée de vraies compétences et une personne de foi, de civilité et de grande sagesse, respectueux de la population.

En effet, “donner un costume à celui qui sait le porter, le préserver et le mettre en valeur”. Ces critères doivent être les éléments constitutifs de la vie organique des partis politiques, car l’heure est à la recherche de solutions rationnelles, efficaces et équilibrées, afin d’engager des réformes économiques aux valeurs internationales. Tel est le mal à notre sens, qui ronge le système électoral et la gouvernance du pays, qui privent le peuple d’une meilleure représentation et donc de meilleurs représentants dans les institutions.

 

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