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Quelle Place pour la commune dans la nouvelle Constitution ?

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Rédaction Nationale Publié 31 Janvier 2021 à 20:25

Par : Mouhoubi Allaoua
        Retraité de l’enseignement supérieur, Université de Béjaïa

“En dehors de quelques journées “portes ouvertes” organisées çà et là dans la monotonie comme à l’accoutumée, la célébration de la Journée nationale de la commune, le 18 janvier, est passée inaperçue cette année. Alors que des questions se posent sur la place de la commune dans la nouvelle Constitution qui vient d’être promulguée et l’effectivité des changements apportés.”

La commune, qui est le socle de la démocratie représentative, de la décentralisation et de la proximité, est devenue au fil du temps un parechoc où viennent se fracasser les désillusions des citoyens, qui ont fini par l’assimiler à un membre putride de l’État et déplacer, par voie de conséquence, leurs protestations sur les fermetures des routes. C’est dire que le divorce est consommé avec cette institution que d’aucuns vont jusqu’à considérer comme un simple prestataire au service de la daïra ou de la wilaya. 

La réaffirmation de ce paradigme de la gestion participative par la nouvelle Constitution, qui indique dans l’article 16 que l’État encourage sa pratique dans les collectivités locales à travers la société civile, serait-elle la panacée pour réconcilier le citoyen avec sa commune ?
Axiome qui a déjà été introduit dans les dispositions préliminaires de la loi 11-10 du 22 juin 2011 relative à la commune, et confirmé dans la Constitution de 2016, sans donner lieu à aucune application concrète, si ce n’est quelques tentatives empiriques. Concept qu’il est difficile, voire utopique de transférer, sans tenir compte des particularités qui caractérisent les protagonistes de nos collectivités locales : des citoyens sans désir collectif à ce niveau et des Assemblées élues imperméables au changement, dans une administration désuète.

Des citoyens aux préoccupations individuelles, confinées localement dans la recherche d’un toit, d’un poste d’emploi ou d’une modique aide financière, tout au plus un meilleur cadre de vie ou un service public acceptable. Citoyens qui ne demandent pas à être impliqués directement dans la gestion des affaires de la commune, sans être pour autant désintéressés par son fonctionnement. Ce que ne manque pas de prouver le tissu associatif très actif, en particulier dans les domaines de l’environnement et de l’assistance sociale, avec une participation exceptionnelle durant la première phase de la pandémie de coronavirus. Des assemblées, réfractaires à la transparence au point de transgresser même la réglementation qui accorde au citoyen le minima de l’accès à l’information, à l’instar de l’affichage des délibérations qui sont, dans certains cas, inaccessibles même aux élus qui en sont les auteurs. 

Alors que rien ne les empêche d’assurer une information numérisée sur les délibérations de l’assemblée, en particulier celles relatives aux différents budgets d’équipements qui intéressent directement les populations. Déficience chronique de l’ensemble du microcosme politique, y compris des prétendus partis de l’opposition qui se présentent comme les parangons de la démocratie, dont les alternatives finissent très souvent par se transformer en de stériles continuités. La mise en œuvre de ce principe constitutionnel de la gestion participative exige, par voie de conséquence, un aménagement des outils de management, une rénovation profonde de la pratique politique qui doit consacrer la place qu’il faut à la formation des potentiels élus et une législation pour encadrer légalement son application, définir les différents dispositifs, les domaines de participation et les représentants concernés de la société civile.

Promotion de la société civile et droit de pétition 
Face à cette apathie du politique et dans l’attente de sa réforme, la société civile, promue comme le partenaire privilégié, pourrait-elle être l’alternative et le levier susceptible de provoquer le changement démocratique ? La Constitution annonce en effet dans l’article 10 que l’État veille à promouvoir le rôle de la société civile, en vue de sa participation à la gestion des affaires publiques. Reste à savoir quel sera le format des associations qui composeront cette société civile : les satellites, les clones, les abonnés aux subventions ou, au contraire – et c’est tout l’enjeu –, l’implication des acteurs sincères, motivés et qui peuvent, à l’inverse des autres, préserver leur indépendance à l’épreuve des responsabilités et de la proximité du pouvoir. 

Comme innovation majeure, la Constitution prévoit dans l’article 213 la création d’un observatoire national de la société civile qui émet des avis et des recommandations sur ses préoccupations. Le texte fondamental ne fait cependant pas référence au texte de loi qui devrait définir la composition, l’organisation et les modalités de désignation des membres de cet organe consultatif qui peut être le trait d’union salvateur, sans négliger le rôle assuré par l’instance indépendante du médiateur de la République, qui a pour objectif d’accompagner et de faciliter les mesures garantissant les libertés et les droits des citoyens. Même le projet de la loi électorale tendrait, semble-t-il, vers la promotion de la participation de la société civile avec le régime des listes ouvertes et une plus grande représentation des composantes de la jeunesse et de la femme. Nouveau régime électoral, qui peut influer sur la qualité de la représentation locale et en conséquence sur la gouvernance.

La Constitution consacre également dans son article 77 le droit à tout citoyen de présenter à l’administration, à titre individuel ou collectif, des pétitions aux fins d’exposer des questions d’intérêt général ou des atteintes aux droits fondamentaux. Disposition qui aurait été plus complète si elle attribuait le droit aux électeurs locaux d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée élue l’examen d’une préoccupation collective posée dans le cadre de ces pétitions et relevant de sa compétence.

Décentralisation, autonomie et développement local 
L’article 17, qui maintient la commune comme la collectivité de base, ajoute une innovation dans un alinéa qui indique que la loi peut prévoir des dispositions particulières pour certaines des communes les moins développées. Disposition nouvelle qui anticiperait d’éventuels aménagements territoriaux ou des changements de statuts, en vue de rétablir un équilibre économique et social. Sur le plan des rapports entre l’État et les collectivités locales, la nouvelle Constitution reconduit dans l’article 18 le principe de la décentralisation, sans évoquer aucun des fondements qui la sous-tendent, à l’instar de l’autonomie financière qui suppose l’existence de ressources propres et en corollaire la question de la fiscalité locale dont le dossier de réforme est chaque fois refermé aussitôt ouvert. 

Ou encore l’absence d’évaluation des rapports entre l’État et l’administration locale. La preuve, il a fallu attendre 2020 pour prendre conscience de l’existence de milliers de territoires “zones d’ombre”. Absence de codifications de ces relations qui fait que chaque wali imprime sa propre marque du développement local et des relations avec les instances élues, laissant le temps aux citoyens désabusés de donner libre cours aux caricatures. Et des élus locaux, dépourvus de cadre légal de dialogue et d’échanges sur les contraintes de gestion, subies en termes de finances locales, d’organes de contrôle et de périmètres de compétence. Ne serait-il pas le moment de réinviter les assises locales et nationales du développement local pour réhabiliter ces institutions de proximité ? 
Avec la participation de tous les acteurs, élus, acteurs de la société civile, acteurs institutionnels, représentants de l’administration, ainsi qu’opérateurs économiques.

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