Contribution

Réalités et défis de la préparation de la saison 2022

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Mourad KEZZAR Publié 18 Mars 2022 à 14:57

Par : MOURAD KEZZAR
CONSULTANT, FORMATEUR EN HÔTELLERIE ET TOURISME

La préparation de la haute saison estivale chez les établissements hôteliers balnéaires ne doit plus se résumer à des actions de réfection-ravalement. C’est une démarche qui doit inclure l’actualisation de la segmentation ainsi que de l’offre des ventes, la gestion administratives, des stocks ainsi que et le challenge qualité.

 

L’heure est déjà à la préparation de la saison estivale, qui s’identifie à la haute saison d’activité chez les hôteliers du balnéaires. Cette année, l’enjeu est de taille, car l’été 2022 coïncidera certainement au début du retour à la normale d’une activité touristique sérieusement ébranlée, deux ans durant la pandémie de Covid -19. À travers cette contribution, on visite les spécificités de la saisonnalité en hôtellerie balnéaire avec des pistes pour une préparation plus ou moins réussie, le tout tiré d’un retour d’expérience étalé sur 33 années.
La notion de haute saison estivale, par opposition à la basse saison, est la première clé de segmentation du marché touristique balnéaire algérien. Cette haute saison pour les hôtels balnéaires est ramenée théoriquement à la saison estivale, soit aux trois mois de juin, juillet et août. Dans la réalité, cette haute saison se limite à 45 jours au plus, soit du 20 juillet au 10 septembre. Durant cette saison, l’hôtel balnéaire est sensé faire le plein, au minimum un taux d’occupation de 80%, en recevant une clientèle en quête de repos et de détente ainsi que de loisirs.

Ce que subit l’hôtelier algérien en haute saison estivale 
Durant la haute saison estivale, l’hôtelier algérien subit des facteurs qui mettent à rude épreuve, en plus des ouvrages, ses ressources humaines et financières. On peut en citer, à titre indicatif, six éléments : l’augmentation de la fréquentation hébergement, les exigences en matière de qualité, les pressions en matière de sécurité, d’hygiène ainsi que des servitudes communes et, enfin, la flambée des actes de filouterie. En effet, le taux d’occupation peut passer de 10% en basse saison à 100%, voire en over booking, en haute saison à travers l’arrivée d’une clientèle saisonnière plus regardante sur la qualité de services, tous les services que celle des “habitués” de l’établissement. L’augmentation du taux d’occupation avec d’importants flux des arrivées-départs ainsi que la forte fréquentation des espaces limitrophes à l’établissement hôtelier (plage, front de mer, restaurants riverains…) augmente la pression en matière de sécurité sur l’hôtelier. La haute saison pour l’hôtellerie balnéaire coïncide, en plus de l’explosion du nombre des personnes en séjour et de passage, avec la saison des chaleurs propice à la prolifération des épidémies. À cela s’ajoutent les différentes campagnes de gestion de la saison estivale initiées par les pouvoirs publics, ce qui crée une forte pression en matière d’hygiène dont celle exercée par les différents services publics. L’été, les offres en matière d’eau potable, d’électricité et de voirie deviennent largement inférieures aux besoins nés de la forte consommation-rejet périodiques, mettant les nerfs de l’hôtelier à rude épreuve. Durant la haute saison, la forte fréquentation de l’hôtel par la clientèle en séjour et de passage ainsi que l’arrivée d’armada de salariés saisonniers augmentent les cas de filouterie d’hôtellerie à même d’influencer négativement l’image de l’établissement tout en menaçant son patrimoine.

Attentes de l’hôtelier algérien et les fondamentaux de la préparation
En contre-partie de ces pesanteurs lourdes que subit l’hôtelier, ce dernier focalise ses attentes sur 3 éléments que sont l’augmentation du taux d’occupation, la maximisation des recettes et l’alimentation de la trésorerie. En effet, l’hôtelier de l’établissement balnéaire algérien compte sur la haute saison pour faire exploser le taux d’occupation. Cette forte augmentation du taux d’occupation est sensée maximiser les recettes issues des ventes des différents services avec son corollaire : une amélioration, voire une augmentation du niveau de sa trésorerie lui permettant de faire face aux besoins de la basse saison. De la confrontation des facteurs subis par l’hôtelier aux attentes de ce dernier, la préparation de la haute saison repose, chez l’hôtelier algérien, sur six fondamentaux : conciliation entre les attentes de la clientèle tourisme et celles beverage sec, l’investissement dans la qualité, le lancement de nouveaux produits saisonniers, le recours aux salariés saisonniers, aux stagiaires des écoles de formation ainsi qu’aux prescripteurs et, enfin, la maximisation des recettes tout en optimisant le profit. En basse saison, au moins 70% du chiffre d’affaires proviennent des activités boissons vendues au niveau des bars, brasseries et caves. 
Pour accueillir la nouvelle clientèle saisonnière, on procède à des travaux d’investissement dans la qualité liés notamment aux structures hébergement (réfection, ravalement, ameublement, délocalisation des bars…). Souvent, on ferme carrément les bars ainsi que les caves comme pour changer de registre, car au sein de nos hôtels balnéaires nous n’avons pas appris à concilier plus de deux types de clientèles. Durant la haute saison, l’activité est multipliée par 3, voire plus, nécessitant l’apport en main-d’œuvre saisonnière plus ou moins qualifiée. Pour y faire face et aux moindres coûts, nous recourons souvent aux stagiaires issus des écoles et instituts hôteliers quand on en trouve. Quand ces derniers sont dotés d’hôtels ou restaurants d’application, cet apport participera à la formation en interne de notre personnel ainsi qu’à la créativité. En haute saison, poussés par la forte demande sur le produit balnéaire, les prescripteurs nous offrent leurs services dans le cadre des ventes sur catalogue ou le Tour Operating. C’est l’occasion de les intéresser pour commercialiser nos établissements en basse saison. Enfin, la haute saison est la saison où l’on cherche à maximiser nos recettes, à optimiser les ventes et à majorer les profits. Pour nous, c’est la saison des bonnes affaires, celle où l’on remplit la tirelire. Ces fondamentaux s’expriment sur le terrain par la préparation managériale de la haute saison qui se décline en cinq volets : administration, entretien, commercial, animation et trésorerie. Dès la fin février, l’hôtelier balnéaire actualise et relance ses dossiers de concession des espaces plages et parking ainsi que les contrats gestion voirie, location des espaces commerciaux… Souvent dès le mois de mars, la météo aidant, on entame l’entretien des hébergements, des points de vente, y compris les bras de plage ainsi que les espaces verts. La préparation de la haute saison consiste en les travaux d’entretien et, quand l’argent y est, en la réfection des étanchéités. 
À travers ces entretiens, le premier objectif est de porter les structures d’accueil à leur capacité maximale afin d’atteindre le plus fort taux d’occupation (au delà de 80%) et leur utilisation maximale. La hantise de l’hôtelier est d’être dans l’obligation de bloquer la mise en vente des hébergements pour des soucis d’entretien. La gestion des stocks qui consiste à alimenter les différents magasins et caves en denrées, boissons et drogueries fait l’objet d’une longue préparation qui consiste à déterminer les besoins, prospecter les fournisseurs et négocier les moyens et modes de paiement. Cette partie est cruciale, car souvent l’hôtel balnéaire la négocie alors qu’il est en mauvaise posture financière. Cette préparation de la gestion des stocks n’est pas une chose aisée du fait des deux variables que sont le taux moyen d’occupation hébergement (la proportion des hébergements qui seront occupés par jour) et le taux moyen de captage restauration (soit la proportion de la clientèle en séjour qui prendra ses repas, en plus du petit-déjeuner, à l’hôtel). Une fois les formules de vente des produits haute saison arrêtés, l’on s’attellera sur la mise en place d’une offre thématique des ventes F & B permettant à nos établissements hôteliers de proposer à toute heure de la journée et de la soirée des denrées et des boissons. 
Le triptyque haute saison-hôtels balnéaires-clientèle de tourisme de loisirs renvoie à l’animation au cœur de laquelle se trouvent les enfants, les jeunes et moins jeunes. En préparant la haute saison, c’est aussi l’occasion de peaufiner le programme animation et l’animation destinée aux enfants. Par animation, on entend les soirées durant et/après diner ainsi que l’animation plage soit celle au niveau de la concession plage et autour des piscines. Et c’est dès à présent qu’on décide du type d’animation à inclure dans les différents forfaits de séjours et celles en option. Et, à l’instar des denrées et boissons, nous veillons à établir une offre thématique animation couvrant toute la journée et la soirée. On l’a bien compris, la gestion de la trésorerie est une hantise chez les hôteliers des établissements balnéaires. C’est ainsi, qu’en plus de la gestion avec prudence des stocks et des ressources humaines, l’hôtelier veille à une gestion rigoureuse des arrhes. Les autres éléments affectant directement la trésorerie que sont les remboursements et les annulations bénéficient aussi de l’attention de l’hôtelier dès ce mois de février, soit bien avant la mise en commercialisation des séjours. 

Pistes pour aller au-delà de la saison estivale
Dans le balnéaire, le passage d’une basse saison à une haute saison est une transition dure pour l’hôtelier algérien, car souvent cela se traduit par le sacrifice d’une clientèle d’habitués pourvoyeuse des caisses de l’établissement pour une autre saisonnière. Les deux clientèles ont des attentes souvent opposées en matière de qualité. Ce problème majeur dont les retombées se font ressentir sur l’acte managérial durant toute l’année découle de l’archaïque bipolarisation de notre marché qui date des années 1970, à savoir marché de haute saison et marché de la basse saison. Le moment est peut-être venu, pour nous les hôteliers du balnéaire, du moins ceux parmi nous qui sont encore à la traîne, d’en finir avec la bipolarisation saisonnière, pour aller vers une segmentation encore plus poussée prenant en charge les besoins, le pouvoir achat, la socio-démographie... À tout moment, dans mon village touristique, je peux avoir une clientèle moyenne gamme cherchant les loisirs et le farniente et qui est sensible aux prix et une autre clientèle haut de gamme cherchant les loisirs et les découvertes, insensible aux prix mais en quête de différenciation. De cette segmentation, naîtra notre plan d’action avec ses offres, ses packages, son offre thématique des ventes et ses conditions particulières de ventes par produit. La bipolarisation haute/basse saison est appelée à céder la place à une segmentation à partir des attentes de la clientèle potentielle. Usuellement, la basse saison est la période de préparation de la haute saison. Et si nous faisions de cette haute saison un moment de préparation de la basse saison ? L’investissement dans la qualité à l’occasion de la préparation de la haute saison est une occasion pour mener des actions à même de faire des centres de coût-qualité des centres de profit en basse saison. L’exemple type est de profiter de la réfection du Kid’s Club, service obligatoire dans le village de vacances, pour apporter l’investissement nécessaire afin d’en faire une garderie d’enfants pour clientèle de passage en basse saison. Ainsi d’un centre de coûts dédié à la qualité, le Kid’s Club passera en un centre de profit durant toute l’année. D’un côté, l’hôtellerie balnéaire est une activité de coûts, de l’autre côté, l’animation-loisir-sports fait partie des besoins essentiels de la clientèle, voire de l’esprit même des établissements balnéaires. Dans ce cas, la subtilité consiste en la proposition en intra-muros et inclus dans les forfaits un nombre d’activités à faibles coûts d’installation et la proposition en extra-muros et en option d’autres activités. Ici, aussi bien l’hôtel balnéaire, le client que le territoire sont gagnants. Enfin, on ne peut, de nos jours, préparer la haute saison estivale sans se doter d’un plan qualité même rudimentaire et où la gestion des plaintes prend toute sa place. En hôtellerie, la chaîne de l’accueil prend naissance à la réservation pour prendre fin au départ du client en passant par son séjour. Nous, les hôteliers algériens, nous sommes appelés à faire de la gestion des plaintes inscrite dans une démarche qualité, un autre maillon de cette chaîne. La préparation de la haute saison estivale doit l’inclure comme démarche. La préparation de la haute saison estivale chez les établissements hôteliers balnéaires ne doit plus se résumer à des actions de réfection-ravalement. C’est une démarche qui doit inclure l’actualisation de la segmentation ainsi que l’offre des ventes, la gestion administrative, des stocks et le challenge qualité.

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