Contribution

Un enjeu économique et social

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M'hamed ABACI (*) Publié 21 Mai 2021 à 20:21

Par : M'hamed Abaci
Ancien cadre financier à Sonatrach

Le paysage syndical algérien est sous les signes de tensions sociales et professionnelles, face à une conjoncture économique inquiétante marquée par la cherté de la vie, dont la classe moyenne et la classe ouvrière sont confrontées aux dures réalités de la vie.” 

Le mouvement syndical en Algérie est aujourd’hui au premier rang des mouvements sociaux dans le monde arabe et l’Afrique organisés à ce jour. Ainsi, le monde du travail en Algérie va très mal, l’économie aussi. En effet, on assiste, depuis ces deux dernières décennies, à la montée de fortes protestations sociales menées au niveau national par les syndicats autonomes de l’enseignement, de la santé, de la Protection civile, de la navigation et aérien, de la fonction publique, du secteur économique etc. Il est à rappeler que les principales revendications des syndicats sont la protection du pouvoir d’achat des travailleurs ; la revalorisation des salaires ; l’amélioration des conditions de travail ; la régularisation 

socioprofessionnelle des contractuels ; la concrétisation de la justice sociale. En effet, le paysage syndical algérien est sous les signes de tensions sociales et professionnelles, face à une conjoncture économique inquiétante marquée par la cherté de la vie, dont la classe moyenne et la classe ouvrière sont confrontées aux dures réalités de la vie, puisque depuis 2012, les salaires n’ont pratiquement pas évolué, ainsi, la précarité de l’emploi et l’érosion du pouvoir d’achat continue avec un taux d’inflation en hausse, où le pouvoir d’achat a diminué de près de 60%, selon les statistiques. À titre d’exemple : les dépenses des retraites ne dépassent pas 5% du PIB en Algérie. En Tunisie, le taux est légèrement supérieur à 6% et en France c’est 20% du PIB. Les salaires en Algérie sont très bas, les plus bas du bassin méditerranéen. En 2018, la part des salaires dans le PIB était égale à 27,5%, contre 50%, voire 75% dans les pays émergents et développés.
En effet, la population active en Algérie est évaluée à un peu plus de 12 millions, dont près de 70% ont un revenu net inférieur à 30 000 DA par mois, consacrent 80% de leurs revenus à l’alimentation. Selon les statistiques, le travail temporaire dans nos entreprises est de 40% dans le secteur public et 84% dans le secteur privé, alors que 96% des entreprises privées n’ont pas de partenaires sociaux et la plupart des travailleurs du secteur privé ne sont pas déclarés à la sécurité sociale. 

Quant à l’impôt payé par les salariés et retraités contribue près de 45% des revenus de la fiscalité ordinaire qui est supérieur à l’impôt des autres revenus et celui des bénéfices des sociétés réunis soit 16%. Le rapport des salaires sur le produit intérieur brut (PIB) est inférieur à 30%, contre une moyenne dépassant un peu plus 60% pour les pays développés et émergents. Ajoutons à cela 2 cotisants en moyenne pour 1 retraité, alors qu’il faut 5 cotisants et plus pour assurer l’équilibre financier de la Caisse de retraite. Quant aux salaires trop bas socialement et trop élevés économiquement, alors que nos travailleurs sont les premiers contributeurs en matière d’impôts (IRG) dans le budget de l’État. La faiblesse du pouvoir d’achat avec un SMIG de 18 000 DA en totale inadéquation avec le niveau de vie et l’inflation, alors que ce minimum vital devait être de l’ordre de 30 000 DA, soit 8% en moyenne des rentes des députés. Le salaire d’un footballeur des Ligues professionnelles 1 et 2, subventionnées par l’État, touche 100 fois et plus le montant du SNMG (salaire minimum garanti par l’État), soit l’équivalent de 2  000 000 DA/mois et 10 fois et plus celui d’un cadre de haut niveau, d’un chercheur, d’un professeur d’université, ou de médecine, d’un journaliste… Là encore, le statut d’un cadre politique ou d’un footballeur vaut mieux que n’importe quel diplôme universitaire.

Il est très important de parvenir à créer une confiance bâtie sur l’équité sociale entre l’État et le contribuable parce que la sécurité sociale et l’impôt profitent normalement aux travailleurs qui sont la force productive et par conséquent les créateurs de richesses et les forces vives de la nation. En effet, ce n’est que par les valeurs du travail que nous saurons dépasser la crise et relancer l’économie nationale pour faire face aux retombées de la crise énergétique mondiale extrêmement difficiles du moment. Il y a lieu donc de s’interroger sur les causes de cette situation aux conséquences dangereuses à l’heure où la situation est difficile pour le pays aux plans politique, économique et social. En effet, la dégradation du pouvoir d’achat en Algérie s’explique d’abord par cette hausse multiple généralisée des prix à la consommation par la chute chaque année de près de 25% du pouvoir d’achat, d’une politique salariale cohérente “travailler plus, gagner plus” en privilégiant, notamment les créateurs de richesses et les valeurs du travail.

Par ailleurs, la Banque centrale d’Algérie : la machine à fric, sans contreparties productives ou augmentation significative de notre PIB ou encore ces énormes déficits budgétaires  dépassant le ratio admis qui est de 3% et la révision à la hausse des taxes et impôts, et enfin, l’absence d’une gestion active des taux d’intérêts bancaires, du taux de change et de la monnaie nationale ne jouent pas encore leur rôle normatif pour agir sur le niveau des prix des biens et services et par conséquent, étrangler le niveau d’inflation avec un impact au niveau du pouvoir d’achat, ce qui accroît l’endettement des ménages et accélère les revendications sociales pour une augmentation des salaires où notamment les prix à la consommation ont évolué ces dernières années entre 50% et 100% en moyenne malgré la politique sociale de l’État  en matière du soutien des prix qui représente  près de 17% du PIB.

Nous estimons que cette dégradation du pouvoir d’achat de la classe moyenne, ouvrière et retraités est le prix à payer dans un pays qui ne produit presque rien, car près de 75% de la population algérienne vit de la rente pétrolière, or plus de 70% des populations des pays voisins vivent du tourisme, de l’agriculture, de l’industrie et des services. 
Oui, comme à chaque fois, les partenaires sociaux (syndicats autonomes) sont mis à rude épreuve depuis plusieurs années au point où l’unique partenaire social reconnu reste l’UGTA par rapport à sa légitimité historique. Alors que l’impératif était de consolider et construire un appareil productif et un pluralisme syndical efficace et performant pour s’engager dans les valeurs du travail , c’est dire une vraie révolution du travail comme une priorité nationale de manière à faire en sorte que notre bien commun qui est l’Algérie renoue véritablement avec la croissance hors hydrocarbures, afin de garantir à chaque Algérien un emploi et un revenu stables et pour répondre surtout à la demande intérieure qui est en perpétuelle croissance, et espérer ensuite pouvoir exporter l’excédent.

Compte tenu de ce qui précède, le pluralisme syndical en Algérie qui est la force vive d’une nation à l’instar des pays développés n’est pas en train de constituer un enjeu économique et social pour permettre l’émergence d’une élite compétente et intègre dans les entreprises et institutions de l’État pour préparer une force productive et l’avenir générationnel des classes ouvrières en Algérie. Par conséquent, donner une nouvelle vie économique et sociale au monde du travail, de la science et de l’économie en général, en vue de consolider le front interne et lever ce climat de suspicion pour mieux affronter les défis auxquels est confronté notre pays. Sinon, quel rôle pour les syndicats en Algérie ?

Sur ce pari, on doit restaurer la “transition économique et sociale, défi le plus important” pour l’Algérie, l’enjeu est en effet considérable : l’entreprise, symbole de la richesse et du progrès social et économique. Effectivement, dans les pays démocratiques, les citoyens et les organisations syndicales et professionnelles jouissent généralement du droit à plus de libertés syndicales et d’expression, notamment de discuter et de critiquer le système social et politique. Rien dans ces pays ne peut échapper au débat contradictoire. Cela n’empêche pas ces pays de demeurer stables et de vivre dans une harmonie économique et sociale. En revanche, cela permet aux sociétés de s’observer mutuellement et de vérifier si elles ont des lacunes, des maladresses ou des défauts. L’une des règles d’or de ces pays aujourd’hui, symbole de richesse et l’évolution, est le progrès des sociétés dans le monde où les enjeux économiques seront davantage construits autour des ressources humaines et des intelligences. Si nous refusons toujours le débat contradictoire et écartons les grèves où nous nous interdisons l’esprit critique, nous ne pourrons pas combler nos lacunes et corriger nos erreurs et permettre aux sociétés de s’observer mutuellement et de vérifier si elles ont des lacunes, maladresses ou des défauts, l’une des règles d’or de notre pays aujourd’hui, symbole de richesses et d’évolution et de progrès où les enjeux économiques seront davantage construits autour des ressources humaines et des intelligences.

Il serait souhaitable à notre humble avis de soumettre à de grands débats “les questions sociales”, en espérant en dynamique un accroissement de la production et de productivité, d’autant que l’Algérie est forte de plusieurs atouts, la chance que n’ont pas d’autres pays, à savoir 
-La révision à la hausse du salaire national minimum garanti (SNMG), soit 30 000 DA. 

-L’Algérie compte un peu plus de 3 millions de retraités, dont 2 millions environ à vivre dans la précarité, notamment au-dessous de 30 000 DA. En effet, la revalorisation annuelle des pensions de retraite, soit 1,5 et 6%, demeure insuffisante et jugée en inadéquation avec l’évolution du coût de la vie. D’où la nécessité de revoir les niveaux actuels selon le taux d’inflation réel. 

- Revoir à la baisse le taux de perception (IRG) pour les salariés et d’exempter les retraités de cette imposition. Cet impôt est plus important chez les travailleurs et retraités que chez les commerçants. L’impôt sur le revenu global (IRG) pénalise lourdement les salariés au même titre que les retraités, notamment l’impôt payé par les salariés et retraités représente 45% des revenus de la fiscalité ordinaire qui est supérieur à l’impôt sur les bénéfices des sociétés commerciales soit 16%. Sinon, il est nécessaire de relever le seuil de l’abattement de l’IRG sur les salaires et pensions de retraites situant entre 30 000 DA et 80 000 DA. Cela sera possible avec la réforme fiscale tout en respectant le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt.

- Une personne ayant eu sa retraite en 1996 et une autre en 2020, ayant assumé la même fonction dans la même entreprise, n’ont pas la même pension de retraite, puisque cette dernière est calculée sur la base du salaire touché par chacun.

- Enfin, rendre le travailleur actionnaire dans son entreprise, comme aussi tous les Algériens doivent devenir des actionnaires dans le capital des entreprises publiques en mettant sur le marché obligataire la vente de valeurs mobilières. L’objectif étant leur participation aux fruits du développement, au moment où 50% de la masse monétaire est dans les circuits de l’informel et les bas de laine.

 

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