Contribution NATIONALISATION DES HYDROCARBURES

Un événement des plus déterminants dans l’histoire des pays pétroliers

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M’hamed ABACI Publié 05 Avril 2022 à 12:00

© D. R.
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Par : M’HAMED ABACI
ANCIEN CADRE FINANCIER À SONATRACH

L’Algérie a mené une politique géostratégique qui a considérablement révolutionné le marché pétrolier dans le monde et relevé la part de marché à 55% contre aujourd’hui 30%, et les prix du baril ont augmenté de 3 dollars en 1968 à 30 dollars en 1978, pour atteindre 40 dollars en 1980 au profit des pays producteurs de pétrole.

Le 24 février 1971, date de la nationalisation des hydrocarbures, est un des événements les plus déterminants dans l’histoire des pays producteurs de pétrole. On peut dire que c’est une date des plus fécondes dans l’histoire de l’énergie où a germé l’idée d’un nouvel ordre économique mondial et d’en faire du pétrole un enjeu mondial, de placer, depuis, l’Algérie au-devant de la scène politique internationale et d’en faire de Sonatrach un des leaders mondiaux du secteur pétrolier et gazier. Oui, c’était l’époque d’une Algérie autrefois influente et écoutée au sein de l’Opep, où elle présidait les destinées de cette organisation dans les années 1970, en l’occurrence le défunt Dr Liamine Khène, figure éminente de la révolution, ancien ministre et ancien secrétaire général de l’Opep, et qui a joué un rôle stratégique dans une période historique de la vie de l’Organisation. En étant leadership et pivot, l’Algérie apportera sa contribution active dans les réajustements successifs des prix survenus depuis fin 1973 et favorisés par un renversement de la tendance du marché au profit des pays producteurs de pétrole. Ainsi, l’Algérie a mené toute une politique géostratégique qui a considérablement révolutionné le marché pétrolier dans le monde et relevé la part de marché à 55% contre aujourd’hui 30%, et les prix du baril ont augmenté de 3 dollars en 1968 à 30 dollars en 1978, pour atteindre enfin 40 dollars en 1980 au profit des pays producteurs de pétrole. Faut-il aussi rappeler que Sonatrach a réussi et relevé le défi de la continuité de l’exploitation dans les sites pétroliers et gaziers désertés par les cadres et techniciens européens, comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.
Pour avoir une idée de la place qu’occupait Sonatrach dans la stratégie algérienne de développement des années 1970, il nous faut rappeler également les objectifs essentiels qui sont assignés à cette époque à Sonatrach dans une période des plus difficiles de l’histoire de l’Algérie. Ces objectifs sont au nombre de quatre : l’intégration de l’économie nationale ; l’Indépendance de l’économie nationale ; la création d’emplois ; la satisfaction des besoins de la population.
Effectivement, au lendemain de l’indépendance, le 5 juillet 1962, l’Algérie vivait une situation socioéconomique critique : la pauvreté et la misère touchaient l’écrasante majorité de la population, le taux de chômage avoisinait les 70%, le taux d’analphabétisme était de 90%, un déficit énorme est constaté en main-d’œuvre qualifiée et en encadrement. Alors que l’Algérie des années 1960-1970 était très loin de connaître l’aisance financière, le pays allait bénéficier de l’augmentation des prix du baril de pétrole sur les marchés mondiaux en 1982, en 1984 et depuis 2000. Oui, le premier baril vendu par Sonatrch en 1966 rapportait pour nos réserves de change 1,60 dollar. L’argent du pétrole devait aller au développement, à l’emploi et aux gens du monde rural qui n’avaient pas d’électricité, d’eau, d’écoles, de dispensaires, de routes, d’habitat rural, etc. Cela est d’autant plus important que des réunions du gouvernement se tenaient au niveau des régions, dont notamment les Aurès, la Kabylie, le Titteri, l’Oasis, la Saoura. L’Algérie avait une stratégie de développement sans doute mieux ciblée qu’aujourd’hui. Notre pays se devait, en effet, de mettre fin au plus tôt à ce lourd héritage légué par le colonialisme, où les Européens ont laissé derrière eux un pays sous-développé et totalement à l’arrêt. Pour cela, il fallait mettre en œuvre une politique de développement national qui réponde aux impératifs majeurs de l’Algérie indépendante, à savoir l’industrialisation, l’indépendance économique, la formation et l’emploi, la valorisation des ressources, le développement de l’agriculture, qui n’auraient pas pu voir le jour sans ces investissements tirés par Sonatrach qui devient la locomotive de réalisation de la politique de l’État, dont l’objectif fondamental est la valorisation des richesses naturelles au profit d’abord de la nation et d’une stratégie d’exploitation et d’utilisation des ressources énergétiques de l’Algérie mises en place dans de nombreux secteurs jusqu’au milieu des années 1980. En effet, Sonatrach s’identifiait déjà à l’État algérien, autrement dit Sonatrach était un véritable État dans l’État où règne l’accélération de la renaissance d’une industrie pétrochimique aux valeurs technologiques capitalistiques, dont, entre autres, la France, l’Allemagne, les États-Unis d’Amérique. L’Algérie, nouvellement indépendante, pensait déjà à l’après-pétrole, et, porteur d’espoir, pour édifier l’Algérie rêvée par nos martyrs il y a eu, en effet, le plan triennal (1967-1969), les plans quadriennaux 1970-1973 et 1974-1977 et un vaste plan de valorisation des hydrocarbures à travers le plan (Valhyd), répondant aux différents impératifs industriel, social, agraire, culturel, scientifique, sportif, santé, enseignement et, enfin, à travers le plan Valhyd pour développer une industrie pétrolière et gazière, le plan Comédor qui devait restructurer et moderniser la capitale, voire la projection d’une nouvelle capitale politique dont le choix était porté sur Boughzoul, à la faveur de la nationalisation des hydrocarbures.
Les premiers cadres algériens ont été d’un apport indéniable au développement national, après avoir empêché notamment la paralysie de l’Algérie après le départ massif des cadres européens et avoir préservé et valorisé le patrimoine public au service de la collectivité nationale dans les premières années de l’indépendance du pays (1962-1970). Ils ont su changer la donne et s’imposer comme acteurs-clés dans le processus de nationalisation et de développement national, en développant une expérience profitable par laquelle ils ont été au-devant de la scène de l’Algérie future.
En effet, cette expérience a permis rapidement de faire fonctionner les institutions, les sites pétroliers, gaziers, miniers, les sociétés nationales pour rétablir l’économie. C’était une étape nouvelle de l’évolution économique et sociale de l’Algérie indépendante, tout aussi importante, qui fut la grande bataille qui s’annonçait pour cette génération qui portait la marque morale et le patriotisme, développement et héritage, après celle de la libération du pays. Un fait marquant et témoin de l’engagement d’une génération aux repères patriotiques où l’argent de l’État appartenait à la nation et ne devait pas être dilapidé. C’était une vraie révolution du travail à laquelle la classe ouvrière et la classe moyenne des années 1962-1970 (fonctionnaires, médecins, économistes, journalistes, enseignants, professeurs, ingénieurs, techniciens, financiers, comptables, cadres intermédiaires, ouvriers professionnels…), se sont sacrifiées à l’édification du pays et n’ont jamais songé à tirer une gloire personnelle sans jamais attendre une quelconque contrepartie. Elles auraient eu droit à tous les honneurs coïncidant avec la célébration de la nationalisation des hydrocarbures. “Une nation qui oublie les combats passés, qui marginalise, qui n’écoute pas ses élites intellectuelles, ses scientifiques, ses sages ou qui ne donne pas de l’importance aux valeurs humaines facteur premier de la richesse d’un pays n’a sûrement pas d’avenir.”
À cette époque, l’Algérie se donnait une orientation socialiste certes, mais elle n’avait rien à voir avec le système mis en place dans les pays dits du bloc de l’Est. D’ailleurs, au début des années 1970, l’Algérie a connu un développement industriel de type capitaliste composé de diverses technologies, notamment allemande, française et américaine, et les enjeux économiques de l’Algérie tournaient autour de l’industrie industrialisante. Un tel processus s’inscrivait dans le cadre d’une vision claire quant à la place et au rôle de l’Algérie dans le monde et d’une stratégie d’exploitation d’utilisation de ses ressources pour bâtir une économie diversifiée et forte. En effet, en 14 ans, la politique des années 1970 a transformé la société et jeté les bases de l’industrialisation du pays, notamment quand l’Algérie s’est dotée d’une plate-forme industrielle importante avec la création de près de 70 zones industrielles, les fleurons de l’industrie nationale, et des milliers d’entreprises à travers le pays, entre autres : Sonatrach avec 120 000 travailleurs et son organisation qui couvrait toutes les activités de la pétrochimie, dont la création de plusieurs complexes industriels de transformation et pétrochimiques dont ceux d’Arzew, de Skikda, d’Annaba, de Hassi Messaoud et de Hassi Rmel, une base logistique industrielle géante (BCL) et, entre autres : plusieurs réalisations d’oléoducs ou de pipelines et ensuite, pour en assurer l’exploitation à l’actif de Sonatrach, bien d’autres entreprises géantes de transformation et de production sont nées, à l’instar de : Sonacome, SNS, Sider, Sonelec, Sonelgaz, Sonatiba, DNC, Snlb, SN Métal, Snmc, Snic, Sonic, Sonatram, Sonarem, Sonitex, industrie pharmaceutique (Saidal-Enapharm), Enmtp, Cnan, Cirta fabrication de tracteurs, moissonneuses-batteuses, Batimétal, Snta, Ofla, industrie cinématographique (Oncic), construction satellites, télécommunications, informatique, centrales nucléaires, presse écrite et audiovisuelle (nationale et régionale), Institut Pasteur, la route transsaharienne de l’unité africaine, la réalisation du Barrage vert qui inspire aujourd’hui une grande expérience dans la lutte contre la désertification. Comme aussi nous avions construit une économie locale diversifiée (EPL), ce qui devait constituer le poumon même des collectivités locales et, par voie de conséquence, une fiscalité locale qui couvrait la totalité des budgets de fonctionnement au profit des communes.
En effet, la part de la production industrielle annuelle était autour de 18 à 25% du PIB, la croissance annuelle était de plus de 10%, avec un taux d’intégration de près de 40% en moyenne, voire 80% dans les secteurs mécanique et sidérurgique, contre aujourd’hui respectivement 5% et 15%. Presque tout était fabriqué et construit en Algérie. L’épargne nationale était en moyenne de 40% du PIB, le taux de chômage de la force de travail non agricole est passé de 17% en 1974 à 8% en 1978 et le PIB évolue entre 10 et 11%, contre actuellement entre 3 et 4% en moyenne. La stabilité du taux de change dinar/dollar avec un cours de change fluctuant était entre 4 DA et 5 DA pour 1 dollar. La part des hydrocarbures dans le PIB est passée à 33% en 1978, contre actuellement 51% en 2007 et 47% en 2014.
La fiscalité ordinaire qui contribuait à près de 60% dans la structure du budget de la nation, dont elle assurait la totalité des dépenses de fonctionnement et la fiscalité pétrolière, est consacrée seulement aux équipements collectifs et aux infrastructures, dont la part consacrée à l’équipement industriel était autour de 45% du produit intérieur brut (PIB). L’activité agricole répartie sur huit millions d’hectares a été impulsée à travers la mise en valeur des terres en grande exploitation agricole, où le pays arriverait à produire la totalité de ses besoins en céréales, en légumes et fruits et à même exporter l’excédent. Le tourisme à travers la construction de zones touristiques et de stations thermales, dont certains complexes hôteliers de classe mondiale qui rapportaient environ 7% des revenus en devises fortes et faisaient que l’Algérie était classée après l’Espagne.



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