
L’écrivain David Diop vient d’être distingué par le prestigieux prix Booker Prize International 2021 pour son roman Frère d’âme (At night all blood is black dans sa version traduite en anglais par Anna Moschovakis). Le Palois d’origine sénégalaise est le premier Français à remporter cette distinction, annoncée en ligne mercredi par le jury du prix britannique qui récompense des romans étrangers publiés dans l’année au Royaume Uni et en Irlande.
Frère d’âme, paru d’abord aux éditions du Seuil en 2018, revient sur un pan douloureux de l’histoire de l’Afrique. Tirailleurs sénégalais mêlés à leur corps défendant dans la Grande Guerre, Alfa Ndiaye et son “plus que frère” Mademba Diop se battent comme des milliers d’autres soldats du continent noir sous le drapeau français. Mais quand Mademba tombe au champ d’honneur sous les yeux de son ami d’enfance, la vie d’Alfa ne sera plus jamais la même.
Il “se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne”.
La traductrice Anna Moschovakis, par ailleurs poétesse reconnue, partage avec M. Diop les 50 000 livres (58 000 euros) venant avec ce prix, l’un des seuls à récompenser le rôle majeur des traducteurs. Ce deuxième roman de David Diop, qui a été élevé au Sénégal et dont l’arrière-grand-père s’est battu pendant la Grande Guerre, peut se lire comme un hommage aux combattants de ce conflit, notamment aux 200 000 Africains ayant combattu dans l’armée française.
À l’annonce de son sacre, David Diop a déclaré à l’AFP : “Je suis extrêmement heureux d'avoir gagné, cela montre bien que la littérature n'a pas de frontière”, tout en jugeant “magnifique” que sa traduction ait permis à “la charge émotionnelle qui a touché les lecteurs français” d'être “prolongée dans le monde anglophone”. Lucy Hughes-Hallet, présidente du jury, applaudi “la prose incantatoire de Diop, sa vision sombre et brillante qui nous ont à la fois troublés et époustouflés”.
R. C./AFP